Enfin des augmentations massives de salaires… mais pas pour les travailleurs
Alors que le gouvernement de millionnaires qui dirige la France vient de refuser un « coup de pouce » au SMIC (après avoir lancé un ballon d’essai sur sa désindexation !), qu’il bloque les salaires de la fonction publique, qu’il saigne à blanc les hôpitaux et qu’il surtaxe les retraités, nous sommes heureux d’apprendre que l’équipe Macron va enfin prendre des mesures pour limiter la paupérisation scandaleuse de nos « grands élus ».
Heureux d’apprendre aussi que, lorsqu’il s’agit des retards de train dus au dégraissage constant de la SNCF, tout cela n’a pas grande importance alors que, dès qu’E. Philippe veut raccourcir son voyage de deux heures, Matignon envoie sans sourciller une facture de 320 000 € au trésor public. Espérons que M. Philippe a fait d’aussi doux rêves dans son jet de luxe que M. Valls quand il revenait lui-même de Nouméa (à 150 000 € de l’heure, bravo !).
Un gouvernement qui procède avec un tel cynisme ne mérite que le dégoût. Mais que mérite un peuple qui supporte un tel gouvernement ?
Interrogeons-nous aussi sur le degré de servitude volontaire auquel nous sommes parvenus depuis que les états-majors politiques et syndicaux de la gauche établie ont « innové », en clair, renié leurs fondamentaux.
Le gouvernement fait adopter par les députés l’augmentation de 40% des maires des grandes villes
Le vote des sénateurs avait été remarqué. Celui des députés est passé totalement inaperçu. Il vise pourtant un même objectif : permettre aux maires des grandes villes ou aux présidents de départements ou de régions d’augmenter leurs salaires de 40 %. Soit porter leur rémunération mensuelle de 5512 à 7716 euros brut. Mesure indolore pour les finances publiques.
Tout commence à la Haute assemblée le 11 décembre. Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF), les sénateurs ont adopté, comme l’a relevé publicsenat.fr, un amendement LR permettant aux maires des villes de plus de 500.000 habitants ou aux présidents de département ou de région d’augmenter leurs salaires de 40 %. Une mesure indolore pour les finances publiques, puisqu’elle se ferait à enveloppe constante pour la collectivité. Autrement dit, si la majorité d’un conseil régional accepte de voter cette augmentation pour son président, c’est au détriment de la rémunération des vice-présidents…
Le gouvernement s’était alors opposé à l’amendement des sénateurs, préférant une réflexion plus globale sur le sujet. C’est pourtant grâce à ce même gouvernement – mais pas le même ministre – que la mesure a été réintroduite sans tambour ni trompette, lors de l’examen en nouvelle lecture du budget 2018. C’est en effet un amendement du ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, qui a été adopté dans la nuit de vendredi à samedi dernier dans l’hémicycle de l’Assemblée. L’examen de cet article 45 TER A, c’est son nom, a même été réservé. Il a ainsi été examiné en toute fin de débat, après tous les autres articles. Le rapporteur LREM du budget voulait supprimer la mesure
Le rapporteur général du budget de l’Assemblée, le député LREM Joël Giraud, avait pourtant auparavant déposé un amendement de suppression du nouvel article créé par les sénateurs, tout comme des députés PS. Mais il n’a finalement pas été examiné, à la différence de celui de Gérald Darmanin. L’amendement gouvernemental a été présenté au dernier moment puisque la commission des finances n’a pu se pencher dessus.
Si les sénateurs avaient fixé le seuil d’application à 500.000 habitants, le ministre l’a au passage abaissé à 100.000 pour le calquer sur celui existant dans le code général des collectivités territoriales. Il a aussi inclus les présidents de métropoles dans le dispositif. Compenser le manque à gagner dû à la fin du cumul des mandats.
Au Sénat, la mesure était notamment justifiée par les nouvelles compétences des régions et pour aligner les salaires des élus sur ceux des hauts fonctionnaires. Le ministre des comptes publics y a ajouté un autre argument : les conséquences de l’application du non-cumul des mandats.
« Le non-cumul des mandats affecte les présidents des exécutifs, notamment les plus importants » a souligné Gérald Darmanin. Autrement dit, certains élus gagnent moins d’argent depuis l’application du non-cumul d’un mandat de parlementaire avec un mandat exécutif local. Il s’agit d’y remédier grâce à cette « liberté totale que laisse le gouvernement » aux présidents d’exécutif de faire adopter cette hausse de leur salaire, qui sera fiscalisée, selon le souhait du gouvernement. Le ministre insiste sur le fait que son amendement autorise cette hausse, mais à enveloppe constante. L’amendement des sénateurs le prévoyait pourtant déjà. « J’entends déjà les commentaires : « Ils augmentent leur rémunération nuitamment ! » »
La mesure a quand même étonné le député Charles de Courson, membre du groupe UDI, Agir et Indépendants : « Mes chers collègues, les indemnités des élus font toujours l’objet de débats interminables et sont rarement bien comprises de nos concitoyens. Voter nuitamment un amendement, non examiné en commission, qui augmente, si j’ai bien compris, leurs indemnités de 40 %, même dans le cadre d’une enveloppe dont le montant est plafonné, vous semble-t-il, mes chers collègues, tout à fait conforme au principe de transparence ? J’entends déjà les commentaires : « Ils augmentent leur rémunération nuitamment ! » » Mise en garde aussi de la députée LR Véronique Louwagie. « Il s’agit d’un sujet sensible dont il faut bien peser toutes les incidences » dit-elle, regrettant l’absence d’étude d’impact.
Charles de Courson s’étonne aussi que les communes de moins de 100.000 habitants se retrouvent exclues. Sur ce point, Gérald Darmanin renvoie à la Conférence des territoires qui doit, comme l’a annoncé Emmanuel Macron devant le congrès de l’AMF, se pencher sur « ce sujet particulier du statut de l’élu, notamment des indemnités, et ce, pour toutes les collectivités, y compris celles ayant moins de 100 000 habitants ». Patience donc. Quant à cette possibilité que donne l’exécutif aux grands élus, Gérald Darmanin renvoie la responsabilité sur la Haute assemblée : « Si la majorité sénatoriale n’avait pas ouvert ce débat, nous n’aurions pas proposé un tel amendement »… À l’approche de Noël, il fallait bien aussi penser aux étrennes des élus.