Par Georges Gastaud, secrétaire national du Pôle de Renaissance Communiste en France (P.R.C.F.), Fadi Kassem, secrétaire national adjoint, et Gilliatt de Staërck, secrétaire des Jeunes pour la Renaissance Communiste en France (JRCF) – Le 17-09-2020
VERSAILLAIS DE TOUT LE PAYS, UNISSEZ-VOUS !
Profitant d’une élection sénatoriale partielle à l’occasion de laquelle il a déclaré son soutien à une sortante de droite, l’ex-Premier Ministre Édouard Philippe a fait sa rentrée politique. Tombant le masque du « ni droite ni gauche » macroniste, le maire du Havre a appelé à l’union des droites derrière Macron ; il a aussi rappelé à ses amis « républicains » (au sens nord-américain du mot) que la politique du gouvernement Philippe a été en tous domaines (austérité budgétaire, école, code du travail, État policier, Europe, dépenses militaires, atlantisme, casse de la SNCF, etc.) celle qu’aurait mise en œuvre la droite L.R. si elle ne s’était pas auto-empêtrée dans la candidature repoussante de Fillon: « j’ai du mal à croire que vous ne puissiez pas soutenir une telle politique« , a lancé Philippe aux parlementaires L.R.. C’était déjà cet appel au regroupement des politiciens réactionnaires contre le mouvement populaire qui menace qu’avait émis Estrosi, le porte-voix niçois d’un Sarkozy qui va partout déclarant: « Macron, c’est moi en mieux! »...
L’IMPROBABLE AUTOCRITIQUE DE LA « GAUCHE » MACRO-COMPATIBLE
Bref, les gens de « gauche » qui ont voté Macron en 2017 gagneraient à faire un petit retour autocritique. Pas seulement ceux qui ont voté pour lui au premier tour de la présidentielle, mais aussi ceux qui ont voté Macron au second tour pour « faire barrage à l’extrême droite fascisante » (sic)… au risque de dégager la piste à une présidence Macron encore plus liberticide que ne le furent celles des Sarko-Hortefeux ou des Hollande-Valls. Bien entendu, cette autocritique des « sachants » de la gauche politico-syndicale établie à propos de leur appui passé au macronisme est aussi improbable que ne le serait la conversion de M. Roux de Baizieux à la socialisation des grands moyens de production…
ÉDOUARD PHILIPPE DANS LE RÔLE DU « GRAND TIMONIER »… CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE
Mais il y a plus intéressant que cet appel du pied électoraliste dans le discours d’E. Philippe ; ce dernier est incontestablement un fin politique dans lequel l’oligarchie capitaliste voit un recours possible dans l’hypothèse où MM. Macron et Castex continueraient de susciter l’hostilité majoritaire des Français*. En effet, E. Philippe a déclaré, selon le Figaro : «Je pense que nous allons affronter une tempête – une tempête économique, une tempête sanitaire, une tempête à tous égards – et peut-être une tempête sociale, peut-être une tempête politique. Et je pense que les temps qui viennent sont des temps difficiles». Filant les images maritimes, le maire du Havre a vanté «les esprits calmes, ouverts, pondérés» et leur «capacité de rassemblement, de dépassement». «Quand vous êtes sur un bateau et que la tempête arrive, a-t-il ajouté en jouant les Grands Timoniers contre-révolutionnaires, l’important n’est pas forcément d’être d’accord sur toutes les questions avec ceux qui sont avec vous sur le bateau. L’important, c’est de savoir où on veut aller et comment est-ce qu’on va affronter la tempête».
QUI A PEUR DE LA « TEMPÊTE SOCIALE » ?
Au-delà de l’appel au resserrement des droites sur les objectifs de classe (et de casse) stratégiques du MEDEF et de l’UE, c’est le diagnostic socio-politique porté par Philippe – un adversaire de classe irréductible, mais aussi un fin connaisseur des rapports de forces réels entre les classes sociales – qui doit attirer l’attention des militants du mouvement populaire : souvent en effet, ceux-ci se désolent de constater l’insuffisance des réactions populaires, le découragement dans nombre d’entreprises, la désyndicalisation des salariés… et surtout, quand ils voient plus loin que l’ « apathie » apparente des masses populaires, la veulerie trop réelle des directions des appareils confédéraux euro-formatés: ceux-ci n’ont-ils pas été jusqu’à applaudir ensemble, en juillet dernier, de Berger (C.F.D.T.) à Martinez (C.G.T.), et de Verrier (F.O.)… à la très maastrichtienne D.G.B. (la confédération allemande qu’encense le grand patronat européen), le plan Macron-Merkel de « grand emprunt européen« : or ce plan précipitera la casse de notre souveraineté nationale, il ne manquera pas d’aggraver les fractures territoriales au sein de l’Hexagone, il alourdira bien évidemment la « dette souveraine » – donc les politiques d’euro-austérité -; et surtout, il est conçu pour encourager le moins-disant social et environnemental entre les régions et autres Länder de chaque État européen éligible aux euro-subventions : par ex. l’État-nation français garantira comme tel l’emprunt européen auprès des « marchés financiers », mais il n’aura pas son mot à dire sur la répartition des subventions : Bruxelles tranchera entre les projets concurrents des treize euro-régions françaises, et cela en fonction de leur volonté affichée de « réforme ». Adieu l’idée même d’un territoire national potentiellement régi par une politique industrielle démocratiquement planifiée ! Tous ceux qui savent ce que signifie le mot « réforme » dans la novlangue euro-macroniste, ont donc raison de s’indigner que Philippe Martinez, qui déçoit décidément tous les espoirs mis en lui par les travailleurs lors des luttes contre la loi El Khomri (2016), ait pu signer cet appel inter-« syndical » franco-allemand qui poignarde dans le dos les résistances passées et à venir aux contre-réformes maastrichtiennes. En plein été, Castex a entendu 5/5 le message et il a aussitôt annoncé qu’il « mènerait à terme la réforme des retraites avant la fin du quinquennat « …
CASSE PATRONALE DE L’EMPLOI : LA COVID-19 A BON DOS !
Mais même si le « tour de chauffe » du 17 septembre (« journée d’action »), sans appel confédéral clair à la grève, n’a pas eu le retentissement qu’il aurait dû avoir face à l’appauvrissement général qui menace le monde du travail, le pouvoir euro-macroniste SAIT, lui, que le point d’ébullition approche, que l’arrimage entre les porteurs de « drapeaux rouges » et les Gilets jaunes porteurs de drapeau tricolore, peut s’opérer à tout moment; le pouvoir sait aussi que sa désastreuse politique sanitaire a mis violemment en lumière la montée des inégalités sociales et le regain d’intérêt des militants progressistes pour les idées du C.N.R. Le comportement pratique des diverses classes de la société durant la crise sanitaire a aussi souligné l’inutilité sociale de la classe capitaliste, principalement soucieuse de son tiroir-caisse, et le courage tranquille des agents hospitaliers, des enseignants, des paysans travailleurs, mais aussi de la classe ouvrière (travailleurs de l’énergie, des transports, de l’alimentaire et de la distribution…). Macron a dû feindre de s’autocritiquer à propos de l’euro-casse de l’hôpital public et Philippe s’est hypocritement fendu d’une référence au programme du C.N.R., dont ses amis du M.E.D.E.F. appelaient pourtant à « démanteler le programme » au lendemain de l’élection de Sarkozy. Nombre de travailleurs ont compris quant à eux que « le virus a bon dos » quand on l’invoque pour brider les libertés syndicales et pour justifier le raz-de-marée de licenciements, de baisses de salaires, de dégradation des conditions de vie ; sans oublier la ruine organisée de centaines de milliers de T.P.M.E., de petits paysans et d’auto-entrepreneurs… Ces nouveaux crimes du capital, que l’U.E. tente d’occulter en criminalisant le communisme (notamment cette U.R.S.S. qui nous libéra du nazisme au prix de 27 millions de Soviétiques tombés dans la Lutte des classes !), se multiplient sur fond d’aggravation de la crise systémique du capitalisme, d’offensive euro-atlantique contre la Chine, la Russie, la Biélorussie, les pays de l’A.L.B.A., de grandes manœuvres impérialistes (notamment « françaises ») en Méditerranée, au Proche-Orient et en Afrique, et de délitement accéléré (Brexit…) de la « construction » européenne. Mais aucun observateur sérieux, aucun syndicaliste de terrain confronté à un « plan social » alors que l’argent public coule à flot dans les caisses du grand patronat, aucun « manager » de grande société ne doute une seconde de cette vérité aisément attestable : les dirigeants du C.A.C.-40 et autres oligarques préparaient déjà leurs mauvais coups contre l’emploi bien avant que personne n’eût entendu prononcer le mot « coronavirus »**…
AVANCÉE DES IDÉES D’AVANT-GARDE, RECUL DE L’ILLUSION « EURO-CONSTRUCTIVE »…
Par ailleurs, il est de plus en plus malaisé à la gauche établie et à ses satellites euro-« écologistes », euro-« communistes » et autres euro-trotskistes de vendre leurs salades défraîchies sur « l’Europe sociale« , « la réorientation sociale de l’euro », l’utilisation « sociale » de la B.C.E.**, le « service public européen » et autres euro-sornettes qui nous promettent un avenir continental radieux en échange de la destruction immédiate du « produire en France » et de la protection sociale « à la française » (retraites par répartition, Sécu…), lesquels restent inséparables d’une République une et indivisible héritée de la Révolution jacobine et porteuse – au moins formellement – d’une égalité de principe de tous devant les services publics. On voit ainsi de plus en plus des cégétistes connus, comme les camarades Laurent Brun (S.N.C.F.) ou Cédric Liechti (E.D.F.), sans parler des fédérations professionnelles et des U.D.-C.G.T. affiliées à la F.S.M. (chimie, agro, U.D. 13, Union régionale Centre…), ou comme les animateurs du site « C.G.T. Unité », parler de « tous ensemble en même temps » et défier publiquement une direction confédérale qui n’en finit pas de s’accrocher, sous couvert d’ « internationalisme » dévoyé et de « syndicalisme rassemblé », à ces bouées de plomb que sont la Confédération européenne des syndicats (la C.E.S pro-Maastricht) et l’appareil jaune vif de la C.F.D.T.****. Preuve éclatante des progrès de l’euro-criticisme de gauche, le secrétaire du P.C.F.-P.G.E. parlait déjà en 2019 (sans que l’acte eût suivi la parole dans les manifs) d’unir à nouveau le drapeau rouge au drapeau tricolore, comme c’était le cas sous le Front populaire ou dans les maquis F.T.P.. Le même Fabien Roussel qui, à l’unisson de son ami nordiste Alain Bocquet, soutient tristement depuis plus de vingt ans l’introuvable « réorientation progressiste de l’U.E. », vient ainsi de critiquer plus fort qu’à son habitude ladite U.E. (sans aller, bien entendu, jusqu’à appeler au Frexit progressiste…). Sur des registres différents, l’ancien secrétaire international de la C.G.T., Jean-Pierre Page et le déjà nommé Laurent Brun viennent en outre de rappeler l’un et l’autre la nécessité, pour dynamiser les luttes, de reprendre la bataille idéologique de fond contre le capitalisme et pour le socialisme. Sur tous ces points (« tous ensemble en même temps », sortie de l’U.E. par la voie de gauche, « deux drapeaux », nationalisations, actualité du socialisme, lutte contre sa criminalisation, alliance antifasciste et anti-U.E. du patriotisme républicain et de l’internationalisme prolétarien…), qui pourrait nier sans mauvaise foi que, de manière aisément vérifiable, le P.R.C.F. a joué un rôle d’avant-garde dans l’avancée de toutes ces idées? Enfin et surtout, comme nous le rappelle sans cesse la commission Luttes du P.R.C.F., des luttes locales et sectorielles dures émergent de toutes parts sur l’emploi, les salaires, les services publics : le vrai problème est donc moins de « susciter » artificiellement ces luttes que de les fédérer et de les « nationaliser » (et pourquoi pas, quand cela s’y prête, de les internationaliser…). Et pour cela, il faut exiger le retrait de toutes les contre-réformes maastrichtiennes (et autres « euro-fusions » industrielles, euro-délocalisations, euro-privatisations, euro-blocage des salaires, etc.). Il convient aussi de promouvoir une perspective politique neuve associant Frexit progressiste et transformation révolutionnaire de la société.
PRÉPARER POLITIQUEMENT ET SOCIALEMENT LA CONTRE-OFFENSIVE
Plus que jamais donc, celles et ceux qui, comme nous, militent pour la Renaissance d’un vrai parti communiste, pour l’union de combat décomplexée des syndicalistes de classe indépendamment des appareils euro-formatés, pour une Convergence Nationale des Résistances, toutes celles et tous ceux qui tiennent bon sur le cap rassembleur du combat de classe, doivent cultiver l’espérance, mettre leur confiance dans la classe ouvrière et la jeunesse populaire, s’adresser aux travailleurs dans les manifs et à l’entrée des entreprises, dialoguer sereinement avec les couches moyennes précarisées, travailler à la jonction entre les travailleurs et la jeunesse (les contre-réformes du lycée et de l’Université détruisent l' »ordre social public » mis en place en 1945, y compris les statuts et les conventions collectives), mettre en débat dans les luttes un programme politique d’euro-rupture révolutionnaire auquel travaillent depuis longtemps les militants franchement communistes.
RETOUR EN FORCE PRÉVISIBLE DE LA LUTTE POUR LE SOCIALISME
Il faut aussi prendre appui sur la comparaison, ô combien significative, entre la politique sanitaire désastreuse des « phares du monde libre » (U.S.A., Angleterre et Brésil en tête, où le « laissez-faire, laissez-passer! » des Trump, Johnson et autre Bolsonaro a fait des ravages) et la gestion sanitaire rigoureuse des pays socialistes ou de tradition socialiste (Cuba, Chine, Vietnam…) pour souligner cette évidence : le capitalisme est tellement devenu prédateur, impérialiste, sournoisement fascisant, irresponsable sur les plans sanitaire et environnemental, en un mot, comme nous disons au P.R.C.F., « exterministe », et la « construction » européenne contre-révolutionnaire est entrée dans une phase si critique de fuites en avant fédéralistes et/ou fascisantes, que le combat de classe pour le socialisme-communisme, prenant appui en France sur la lutte pour un Frexit progressiste, antifasciste, antiraciste et anti-impérialiste, n’est pas « derrière nous », comme le serine l’idéologie dominante, mais devant nous; le socialisme devient même pour la France une condition de sa survie nationale à moyen, voire à court terme. De la même manière, l’humanité laborieuse sera de plus en plus contrainte par les conditions historiques de choisir entre « socialisme et barbarie » (selon la prédiction d’Engels). Bref, la Vème conférence nationale du P.R.C.F. (tenue en juin 2019) a bien fait de conclure ses travaux en citant le mot de Georges Dimitrov en conclusion du VII Congrès de l’Internationale communiste (1935) : « les contre-révolutions sont des parenthèses de l’histoire : l’avenir appartient aux révolutionnaires ». Que M. Édouard Philippe soit remercié de nous avoir obligeamment et… involontairement, confirmé l’actualité de cette affirmation !
* 38% des Français font confiance au président et au premier ministre à ce jour. C’est misérable après un « changement de gouvernement » qui aurait dû provoquer un choc de confiance. Et dire que ces gens s’inquiètent de la « représentativité » et de la « légitimité » d’un président biélorusse élu avec 80% des suffrages sous le regard de nombreux observateurs internationaux !
** Qui n’a même pas été mise en demeure de financer sur fonds publics européens le « grand emprunt » réclamé par Merkel-Macron et validé par la D.G.B., la C.F.D.T., F.O., l’U.N.S.A. et par Philippe Martinez signant pour la C.G.T…. C’est la Commission de Bruxelles, sur garantie des États nationaux, qui mendiera sur les marchés financiers (lesquels se sucreront à nouveau) et qui répartira les fonds in fine. La France verra sa contribution au budget européen augmenter encore, sa « dette souveraine » (que c’est beau les traductions de l’anglais!) explosera de nouveau (et avec elle l’austérité salariale). Quant aux prétendus États « frugaux » du Nord, bien souvent porte-serviette et faux nez de Berlin dans les négociations européennes, ils verront leur contribution au budget européen… baisser! Bref, le peuple français perdra sur tous les tableaux à l’occasion de cette « relance » de classe… Bravo, vraiment, M. Emmanuel Macron, pour tous ces « exploits »!*** Ce qui ne signifie pas, faut-il le dire, que ce dernier, et la gravité des pathologies qu’il provoque, soient une invention du gouvernement et des patrons. Il faut distinguer entre une pandémie qu’il nous faut combattre avec rigueur à l’égal de Cuba, de la Chine ou du Vietnam, et l’usage pervers, antisocial, liberticide et antinational qu’en font de diverses manières les oligarchies capitalistes occidentales.
**** On n’est jamais si bien servi que par soi-même. Ajoutant le bleu marial du drapeau européen au jaune vif de ses propres pratiques « syndicales », Berger est à la fois secrétaire général de la CFDT et président en titre de la C.E.S…