La rentrée s’annonçait chaude. Il y a d’abord eu une préparation d’artillerie par le biais d’un article de Conspiracy Watch contre une invitation de Michel Collon à la fête de l’Huma par le PRCF, lors d’un débat où étaient présents également l’historienne Annie Lacroix-Riz et le philosophe Georges Gastaud. Le jour du débat, la fine équipe de Conspiracy Watch était donc pressentie mais c’est, ô surprise, la cavalerie légère de France Info qui est arrivée, caméra sur l’épaule, façon nouvelle vague mais avec de bien vieux préjugés frappés au sceau de la lutte des classes. Ces messieurs ont pu paisiblement assister au débat et rentrer chez eux sans encombre, mais semblaient déplorer de n’avoir pas été accueillis avec le sourire imposé dans les magasins « all inclusive ». Il n’y avait pourtant pas marqué « La Poste » mais « Fête de l’huma », et a priori, à la fête des travailleurs, du moins là où l’on n’a pas l’idée d’accueillir le bourreau des gilets jaunes Edouard Philippe, on n’a guère l’habitude de trinquer à la santé des journalistes de la télévision d’Etat.
Il m’aura aussi été reproché, à titre personnel, d’avoir imprudemment confondu M. Julien Pain, de France Info, avec M. Rudy Reichstadt, de Conspiracy Watch, ce qui a permis au premier d’en faire un sujet télévisé d’indignation – feinte -, et à ce dernier de me destiner à son tableau de chasse, puisqu’en rapprochant ces deux personnes pourtant très proches politiquement, j’aurais en réalité commis le crime de voir une collusion entre les deux instances.
A ce sujet, M. Reichstadt n’a en effet pas eu peur du ridicule en voyant là une énième « théorie » du complot (on a les théories qu’on peut) dans l’hebdomadaire « Franc-tireur », et en se répandant dans les colonnes d’une – troisième ! – entité, ajoutant un astre de plus à la galaxie médiatique dite « anticonspi », dont le scandale n’est pas d’être en soi ramifiée, mais d’avoir des liens avec ce qu’on peut à bon droit qualifier d’idéologie d’Etat, sauf qu’il s’agit précisément de détruire notre Etat au profit de l’Union européenne et de l’OTAN. Le financement étatique de Conspiracy Watch par l’intermédiaire des Fonds Marianne, fonds qui auraient certainement dû servir à une lutte beaucoup plus partagée au plan des valeurs républicaines, n’est qu’un exemple parmi d’autres de cette collusion.
Ces officines actives ont depuis longtemps préparé le terrain de la persécution anticommuniste après s’être construit une légitimité à bon marché et ce, en ciblant d’abord des sortes de néonazis que la morale universelle réprouve à juste titre, ensuite des fous qui pensent que la terre est plate et autres billevesées. A vaincre sans péril… Désormais qu’elles font partie du paysage, ces mêmes officines peuvent enfin frapper dans le dur et jouer un rôle actif dans la bonne vieille lutte des classes entre la haute bourgeoisie et la classe travailleuse, la seule, au fond, qui intéresse le pouvoir.
Car après cette désignation de l’ennemi, qui participe d’un phénomène qualifié déjà à l’époque de la démocratie athénienne de sycophantisme, c’est-à-dire le fait que des dénonciateurs publics ont un intérêt direct, garanti par l’Etat, à la calomnie et à la délation, il y a eu l’affaire de l’interdiction brutale de tout le séminaire « Marx au XXIe siècle » de la Sorbonne.
Peu importe que cette décision ait été coordonnée, encouragée ou seulement inspirée par ces manœuvres. Nous n’avons pas besoin de la notion de complot si nous raisonnons suffisamment en marxistes. En effet, certains complotent, certains reproduisent, sans même y penser, les mécanismes que leur impose l’idéologie dominante et l’air du temps, sans qu’il y ait besoin de passer par un cerveau. A titre personnel, je me moque complètement de démêler qui fait quoi dans cette affaire, comme je me moque, par exemple, de savoir qui est le plus servile et le plus conformiste entre M. Pain et M. Reichstadt.
Qu’importe donc, le fait est que quelques jours plus tard, des liquidateurs de tranchées, ici sous la forme d’un collectif anonyme intitulé « Noctambules » et affichant une rhétorique qui rappelle peu ou prou la frénésie inquisitoriale de Conspiracy Watch, c’est-à-dire une phraséologie « de gauche » au service d’un anticommunisme aussi féroce que celui des années trente, ont réussi à faire interdire tout un séminaire, en faisant planer, par leur intolérance, le risque de descentes dans les locaux universitaires. Ici, encore, qui sont les victimes de ces menaces d’intervention squadriste ? Michel Collon, Annie Lacroix-Riz et Georges Gastaud, et tant d’autres.
Quel est leur point commun ? Ils sont communistes anti-impérialistes, bref léninistes.
Que se passe-t-il ?
Il n’a échappé à personne que nous sommes guerre. Entre l’OTAN et les peuples qui résistent. L’année dernière, Mme Ursula von der Leyen, qui n’a pourtant été élue par personne ou peut-être précisément parce qu’elle n’a été élue par personne, a interdit l’expression de tous les médias russes, censure qui rappelle le niveau de celle de la guerre d’Algérie. Aujourd’hui, il faut punir quiconque ne s’aligne pas sur les mafieux et les néonazis ukrainiens. Et dans cette croisade, il y a, pour le pouvoir, les « bons » communistes, ceux qui, comme Fabien Roussel votent les crédits de guerre de l’OTAN pour l’Ukraine (30 novembre 2022 à l’Assemblée), affichent leur présence dans des manifestations policières auxquelles la CGT police n’appelle pourtant pas, et se font, encore très récemment les négateurs du droit à la résistance du peuple palestinien. Ce sont là des autoproclamés communistes qui renient l’anti-impérialisme de Lénine et de Che Guevara. Ceux-là font désormais l’objet de toutes les attentions. Les médias se penchent avec bienveillance et sollicitude sur leurs barbecues, leurs saucisses vegan et autres sujets dérisoires. Il y a, de l’autre, ceux qui restent communistes. Ils n’ont pas forcément besoin de militer dans les mêmes structures. Ils se retrouvent, ils convergent, parce qu’ils ont la cohérence, la légitimité historique et la dignité pour eux.
J’ai eu l’honneur d’animer ce débat de la fête de l’huma. J’ai aussi eu l’honneur de participer, du temps du professeur Jean Salem, à la coorganisation de ce mythique séminaire « Marx au XXIe siècle ». J’ai eu l’honneur de participer pendant de longues années à la rédaction en chef de la revue La Pensée, tant qu’elle restait marxiste. J’ai eu l’honneur de cofonder une maison d’édition marxiste et léniniste, et donc anti-impérialiste, qui, en pleine crise du livre et de la lecture dans ce pays, compte tout de même plus de deux cent cinquante titres à son catalogue. Il faut continuer, se tenir à la disposition du mouvement ouvrier au sein duquel est né le marxisme et au sein duquel vivra le marxisme. La pensée marxiste devient clandestine, rien de plus normal à cela.
Les Cafés marxistes assurent pour le moment une solution de continuité sur le plan des conférences, rappelant ainsi le rôle des cafés, et notamment du Procope, dans les prodromes de la Révolution française. D’autres voies sont à explorer. Partout, les intellectuels reprennent force dans la capacité proverbiale d’organisation du mouvement ouvrier, dont on sait qu’il est la force et la gloire de notre pays et qu’il en sera encore, une fois de plus, la planche de salut.
Aymeric Monville, 8 octobre 2023