Mardi 19 mai les enseignants du second degré (Collèges et Lycées) seront en gréve pour exiger le retrait de la contre-réforme Vallaud-Belkacem à l’appel de tous leurs syndicats excepté du syndicat jaune sgen-cfdt et de l’émanation du PS SE-UNSA. Alors que de nombreux députés réactionnaires combattent cette contre-réforme en amalgamant des arguments justes à des antiennes identitaires, Initiative-communiste propose son analyse de la situation dans l’Education Nationale., et appelle à soutenir les enseignants en lutte pour défendre l’Ecole de la République.
Dés-éduquer la Nation ?
Casser l’Education Nationale, éteindre l’esprit des Lumières, dissoudre en douceur la République elle-même, le nom des ministres change, mais la politique de casse sociale et éducative se poursuit, tandis que les inégalités scolaires et la souffrance au travail des personnels explosent. Ainsi, depuis des années, les contre-réformes d’esprit néolibéral (parfois camouflées sous un verbiage « de gauche ») se succèdent dans l’Education de moins en moins nationale :
- Destruction du mouvement national des professeurs par Allègre et loi d’orientation Jospin-(réduction des horaires de maths, français, LV1, passages automatiques pseudo-démocratiques…)
- Régionalisation des TOS et lourdes décotes sur nos pensions de retraite par Fillon et Luc Ferry (2003) en application des Accords européens de Barcelone
- Loi LRU d’autonomie et de mise en concurrence des Universités (Pécresse), renforcée par la Loi Fioraso avec en prime le désétablissement rampant du français comme langue officielle de l’Université ;
- Contre-réformes Châtel-Darcos du lycée et du bac professionnel.
- Pseudo- « Rythmes scolaires » dans l’Ecole primaire aggravant le caractère local de l’enseignement élémentaire
- Casse de l’éducation prioritaire par Mme Vallaud-Belkacem.
- Décret Hamon-Peillon détruisant le Statuts des personnels…
- Blocage des traitements des fonctionnaires depuis 2008 au nom de l’euro, des « critères de convergence » et du remboursement de la « dette souveraine » (sic) ; réduction des pensions de retraite ;
Cela fait des années que les mêmes ingrédients vénéneux sont instillés au système éducatif français: fragilisation des statuts, développement du pilotage local et de la concurrence entre établissements, introduction du « new public management », appauvrissement des contenus et formatage idéologique des élèves (européisme obligatoire, « culture de l’entreprise » exigée par le MEDEF, anticommunisme amalgamant le Troisième Reich au pays de Stalingrad…), le tout dans un contexte d’austérité et de suppressions massives de postes (en une dizaine d’années, un plan social de plus de 100 000 postes a touché le secteur éducatif).
Au cœur des politiques (anti-)éducatives se trouve la stratégie de Lisbonne définie par l’Union européenne et qui programme l’application stricte des ambitions du grand patronat européen pour l’école telles que définies par l’UNICE (le MEDEF européen), Berlin se permettant même désormais, par la voix du ministre Schäuble, d’appeler à « réformer la France de force »…
La contre-réforme du collège signée par la Young Leader N. Vallaud-Belkacem s’inscrit dans cette génétique patronale : casse des programmes nationaux, pouvoirs accrus pour les chefs d’établissement, disciplines dévaluées, refus de fait de soutenir les enseignants victimes d’incivilités, attaque contre la langue française sous couvert d’éviction des langues anciennes et de promotion du tout-anglais aux dépens des autres LV, alourdissement de la charge de travail des personnels tandis que les programmes réduisent les exigences au socle commun et que les « compétences » assimilent de plus en plus l’Education à une vaste entreprise de dressage des classes populaires : on est aux antipodes des objectifs assignés par le C.N.R. et par le plan Langevin-Wallon qui prônait « la possibilité effective, pour les enfants français, de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée ».
Ainsi, Mme Vallaud-Belkacem, s’apprête-t-elle à parachever la casse de l’égalité républicaine dont elle a bénéficié ,en oubliant qu’avant la Fondation franco-américaine et l’accès à l’entre-soi doré de Sciences po et des ministères, c’est dans les écoles élémentaires publiques et les collèges ZEP des quartiers d’Abbeville et d’Amiens que l’on nommait populaires il y a peu et que l’on appelle maintenant déshérités, que l’ascenseur social républicain s’était mis en marche pour elle.
Si la colère est grande parmi les enseignants du second degré, c’est qu’ils perçoivent que derrière la novlangue des gouvernements qui font le contraire de ce qu’ils disent (« sauver les retraites », « Europe sociale », « réussite de tous les élèves »…), la casse de l’Education Nationale connaît ici une étape décisive, et derrière elle, celle des idéaux hérités des Lumières, de la Révolution française, de la Commune de Paris et du Front populaire…
Derrière l’interdisciplinarité au rabais (une vraie interdisciplinarité supposerait des disciplines fortes et du temps pour se concerter), derrière l’aide individualisée et la pédagogie du projet, c’est bien la diminution du nombre d’heures d’enseignement, la baisse du niveau d’exigence scolaire, l’augmentation du nombre d’élèves par classe et à terme l’échec et la déscolarisation pour les enfants en premier lieu desquels se trouvent les plus fragiles socialement… avec la fuite organisée des couches moyennes vers le privé !
Il faut tout faire pour que la mobilisation grandissante des enseignants débouche enfin sur un succès. Pour cela, il faudra construire une lutte durable et massive appuyée sur la conscience que se joue là l’avenir de la Nation et que s’y retrouvent les mêmes éléments que partout ailleurs : Hôpital et santé, transports, culture, industries (une école a minima correspond à un pays financiarisé, sans industrie ni avenir, et à la volonté de créer des générations de salariés précaires et interchangeables), droit du travail, libertés publiques… C’est tout le pays, et en particulier, ses classes populaires et une large partie de ses couches moyennes, qui passe à la moulinette dans le cadre de l’« Union transatlantique » chère à Washington… avec la totale complicité du Parti Maastrichtien Unique (PS et UMP). Seuls bénéficiaires de l’opération : l’U.E. du capital et son fascisant exutoire xénophobe, le prétendu Front « national », usurpateur du nom glorieux de l’organisation de Résistance animée par le PCF clandestin…
Pour battre l’UE et Valls-MEDEF, il faut mettre en cause tous ensemble et en même temps cette politique qui sacrifie le grand nombre à la « liberté » du capital d’abrutir et de surexploiter la jeunesse. Primaire, secondaire, professionnel, supérieur, convergeons contre la casse scolaire et sociale ; et le 30 mai 2015, avec le PRCF et les Assises du Communisme, exigeons que la France sorte de l’euro, de l’UE et de l’OTAN par la voie anticapitaliste (MEETING PLACE DU PALAIS BOURBON A 14 H – PARIS 7e).
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C o m m e n t c a s s e r l ’ é c o l e d e l a R é p u b l i q u e ?
Leçon 1: La réforme des rythmes scolaires
Acte 1, en 2008 Xavier Darcos, ministre de Sarkozy fait passer la semaine à quatre jours de classe, au passage, les écoliers perdent deux heures de classe passant de 26 heures hebdomadaires à 24… Les heures retirées sont sensées être redonnées aux élèves qui en ont le plus besoin pour permettre d’organiser des activités périscolaires. Sic !
Il n’en sera rien, d’une part les communes ne veulent ni ne peuvent payer pour les activités périscolaires, d’autre part, volant aux secours des supers-riches, Sarkozy a renfloué les banques privées siphonnant l’argent public à coups de milliards ; dans le même temps la Commission européenne agite le sacro-saint diktat des 3% de Maastricht ; elle somme Sarko, qui ne demande pas mieux, de tailler dans la « dépense publique »… Un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé. Pour le premier degré ce seront des fermetures de classes et la suppression des RASED (les réseaux d’aide au élèves en difficulté), la suppression des maitres remplaçants, la destruction de la formation des maitres…
Notons bien qu’au passage les écoliers de France ont perdu deux heures de cours… qu’on se rassure bien vite, le temps de service des professeurs des écoles reste lui inchangé, le temps dégagé est lui annualisé (bien tiens ! un peu de flexibilité au passage, c’est toujours ça de repris sur le dos des professeurs d’école !).
Dans le même temps, un malheur n’arrivant jamais seul, pour complaire aux décideurs Bruxellois, c’est-à-dire à leurs complices non élus, les larrons du gouvernement Sarkozy mettent en place la loi Fillon sur le socle commun de compétences. Il s’agit de mettre en musique la stratégie dite de Lisbonne décidée en sommet européen et consistant à faire rentrer l’UE ans dans l’ « économie de la connaissance ». Chaque Etat est ainsi prié de faire passer son enseignement sous les fourches caudines des compétences-clés européennes (« skills » en globish) afin de permettre la mise en place d’un marché européen intégré de l’éducation et de l’employabilité.
Acte 2, en 2013, la loi Peillon dite de « Refondation de l’Ecole » change les rythmes scolaires ; prétendant revenir sur la semaine de quatre jours, elle rend obligatoire l’école le mercredi matin (ou le samedi matin selon dérogation). Elle ne rétablit pas les deux heures de cours supprimées, elle entend diminuer la durée de la journée scolaire et permettre la mise en place d’activités périscolaires à la charge des communes (re-sic). Par delà l’alourdissement de la charge de travail des PE, et des débats sur l’utilité de ces rythmes, l’essentiel de cette réforme est ailleurs, il se cache sous le sigle P.E.D.T.
Le P.E.D.T c’est le Projet Educatif Territorial (notez l’ajout bienvenu du D dans le sigle!), il signe la fin du caractère national du premier degré puisqu’il renvoie aux collectivités locales une partie des missions de l’Ecole (les fameuses activités périscolaires), c’est la fin de l’égalité républicaine devant l’offre d’éducation sur le territoire national. Selon la collectivité rattachement, un écolier de France se voit donc proposer tel ou tel PEDT avec des intervenants plus ou moins qualifiées (à croire qu’enseigner n’est pas un métier!) et le plus souvent à titre onéreux.
Le PEDT c’est aussi une manière pour les municipalités (ou les intercommunalités) de s’immiscer dans la vie pédagogique des écoles pour peser sur les contenus en fonction des « spécificités locales »…. Et c’est là que la boucle des Accords européens de Barcelone se referme sur le cou de l’écolier de France, il ne rentre plus dans une école primaire pour apprendre et s’épanouir mais dans un « bassin emploi-formation » afin d’y acquérir des « compétences » en fonction de besoins et de politiques locales.
Au passage, notons que l’enseignement privé est laissé libre d’organiser ou pas cette « réforme » des rythmes, nul doute que les têtes blondes de l’enseignement payant (mais grassement subventionné par de l’argent public) ne feront pas d’activité coloriage en lieu et place de l’enseignement de l’orthographe…
Une petite remarque en passant, vous vous étonnez de la similitude des deux actes, c’est qu’un même scénariste, adulé par les gouvernements de la fausse gauche et de la vraie droite tient le crayon derrière son bureau de la (grosse) Commission. Si vous trouvez la pièce ennuyeuse nul doute que sa suite (appelée GMT ou TAFTA) devrait vous plaire, elle est coécrite à Bruxelles et à Washington.
Leçon 2: La réforme du collège- Acte 1
Acte 1: en 2008 sous prétexte de faire rentrer l’UE dans une « économie de la connaissance » comme l’oligarchie européenne l’a décidé à Lisbonne, les programmes de collège sont refondus. Ils sont réécrits selon les termes d’un socle de compétences. Le but est double, il vise d’une part remplacer des diplômes nationaux sur lesquels sont basées les conventions collectives par un livret individuel de compétences rempli localement, et d’autre part il permet de mettre en place un collège à deux vitesses: le socle pour certains, les approfondissements pour une minorité (il suffit de lire le programme de mathématiques au collège pour constater que certaines notions sont exigibles et d’autres notées en italiques ne le sont pas!).
Dans le même temps le collège est divisé en quatre cycles: la sixième, le cycle central cinquième et quatrième et la troisième avec pour effet immédiat de rendre impossibles les (rares) redoublements entre cinquième et quatrième mais le but est tout autre… nous l’allons voir tout-à l’heure.
Sur le plan organisationnel, les collèges (attention on dit EPLE= Etablissement Public d’Enseignement) sont dotés d’un conseil pédagogique dont le but est de doubler le conseil d’administration et de permettre au chef d’établissement de peser sur les décisions pédagogiques des enseignants.
Enfin dans le cadre d’une cure d’austérité sans précédent visant en renflouer les marchés financiers, les dotations horaires des collèges sont drastiquement diminuées… Adieu les dédoublements et les heures d’aides individualisées…. L’aide se fera dans les classes (autant dire pas) et on l’appellera pompeusement PPRE passerelle (qui au passage vont servir à assécher les SEGPA= Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté qui font un travail efficace et reconnu en direction des élèves en grande difficulté).Adieu les TZR (remplaçants) et vivent les postes partagés sur plusieurs établissements. La formation initiale est détruite et ce sont des dizaines de milliers d’enseignants débutants seront jetés sans formation devant les élèves.
Le bilan de cette stratégie sera sans appel avec une chute continue dans les classements PISA et une remarque bien sentie de cet organisme pourtant ultra libéral notant que les inégalités scolaires explosent.
Acte 2: 2015 Suite à la loi Peillon de « Refondation de l’Ecole »Une réforme du collège est lancée. Celle -ci s’appuie sur trois axes: La mise en place d’un socle commun de connaissances de compétences et de culture, visant à faire revenir par la fenêtre le socle commun de la loi Fillon que les enseignants dans leur grande majorité ont rejeté.
La réforme des statuts des enseignants vise à augmenter leur charge de travail notamment le travail non quantifiable (réunions, projets etc…). La réforme du collège, inspirée de la réforme mortifère du Lycée mise en place par Chatel (réduction de la carte de formation et mise en concurrence des inter et intra établissement sous couvert de mutualisation et d’interdisciplinarité… cela aurait pu faire l’objet d’une leçon n°3 …)
Sur le plan structurel, cette contre réforme est une catastrophe. Elle détache le collège du Lycée, détruisant un second degré unifié qui seul permettait l’accès du plus grand nombre à l’enseignement supérieur, c’est-à-dire à un (mince) espoir de promotion sociale pour les élèves les plus défavorisés. Construite dans une logique de cycles, cette contre réforme attache par le cycle CM1/CM2/6e le collège à l’école primaire et porte de fait la fin de la scolarité obligatoire en fin de classe de troisième ce qui est une régression majeure (Et ce qui est tout à fait cohérent avec la logique européenne de socle de compétences). De plus, favorisant le pilotage locale, elle fait la part belle au conseil pédagogique, instance composée par le chef d’établissement dont les prérogatives ne peuvent qu’atteindre gravement la liberté pédagogique. C’est le règne du local, et dans la continuité des bassins emploi-formation tant désirée par l’UE, c’est la fin de l’école de la Nation, identique (au moins en principe) sur tout le territoire de la République.
Sur le plan pédagogique la logique est la même, les programmes nationaux disciplinaires sont détricotés au profit d’une pédagogie de projets « à l’anglo-saxonne » avec pour conséquence une rupture de l’égalité républicaine… pendant que les REP et les REP+ discuteront du respect, les jeunes de Neuilly apprendront l’orthographe et la syntaxe afin que leurs C.V anonymes ne le soient point trop. Dans le même temps dans une logique d’économie et de nivellement par le bas, les horaires des disciplines scientifiques et artistiques sont mutualités et diminués alors que les langues anciennes disparaissent… La langue des affaires terrasse la langue de Goethe, de Hilbert et d’Engels, globish pour tout le monde ! Enfin rappelons nous des IDD dont les horaires sont introuvables dans les dotations horaires des établissements, ne changeant pas une équipe qui casse, la bande à Valaud-Belkacem invente les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) avec un cadrage flou, ces vagues projets rognent sur les horaires des disciplines concernées et n’apporteront rien aux élèves et comme leurs prédécesseurs les IDDs, nul doute qu’après avoir plongé dans la difficulté des centaines de milliers d’élèves privés d’enseignements construits, ils finiront par disparaître avec les milliers de postes qu’ils représentent sur l’autel des critères de convergences maastrichtiens et du sauvetage du sacro-saint euro.
Pour résumer, à la suite de la réforme des rythmes scolaires, la volonté européenne de mettre à mal le système éducatif national et égalitaire (à défaut d’être équitable loin s’en faut) se traduit par la mise en place d’une reforme qui va mettre en concurrence les établissements, désorganiser et diviser les équipes pédagogiques et réduire la quantité et la qualité des formations dispensées.
Cerise sur le gâteau, il est prévisible que, reprenant les ingrédients inégalitaires et libéraux de la stratégie de Lisbonne pour l’éducation, cette réforme va faire exploser les inégalités scolaires en renforçant la ségrégation scolaire. La logique de renvoi systématique au local et de l’égalité des chances c’est celle de la concurrence et de la ghettoïsation, c’est le contraire d’un grand service public national d’enseignement exigeant qui jusqu’à aujourd’hui ne se contentait pas seulement de donner sa « chance » à chaque jeune dans un marché concurrentiel de la formation et de l’emploi, mais avait (du moins en principe) pour but d’apporter à chacun des connaissances solides et des garanties collectives lui permettant de s’émanciper tout en s’insérant dans la société.
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LA LAÏCITE SCOLAIRE, C’EST L’APPRENTISSAGE DE L’ESPRIT CRITIQUE, PAS L’EURO-FORMATAGE NI L’UNION SACREE DERRIERE LES « AUTORITES » ! – Un texte de la Commission Enseignement du PRCF.
« Initiative communiste » et son site internet publient ci-dessous le communiqué très critique que vient de publier le SNES à propos du projet de programme d’« enseignement moral et civique » (E.M.C.) présenté par Mme Vallaud-Belkacem. Comme on le voit à la lecture de la déclaration du SNES (Syndicat national des enseignements de second degré, FSU), l’autoritarisme et l’improvisation de la méthode le disputent dans ce projet à la volonté de contourner les syndicats enseignants et d’éroder encore un peu plus le caractère national de l’enseignement public (les « conseils pédagogiques » sont composés et pilotés selon le bon vouloir des chefs d’établissement de plus en plus formés au « new public management » – sic).
Plus gravement, c’est le contenu et la destination même de ces enseignements sous pression médiatico-politique qui inquiètent les véritables amis de la laïcité. Le rôle de l’école n’est pas d’organiser une catéchèse pseudo-républicaine tendant à engourdir l’esprit critique et à masquer les énormes injustices qui ravagent notre pays, ou à considérer comme allant de soi les guerres et les ingérences impérialistes que nos gouvernants successifs fomentent en Afrique, en Ukraine ou au Proche-Orient sous couvert de défense des droits de l’homme ou de lutte antiterroriste. Le rôle d’une école démocratique et respectueuse de tous les citoyens n’est pas non plus de chanter abstraitement « la République » au moment même où, sous couvert de « construction européenne » et de « pacte transatlantique », TOUTES LES AVANCEES issues de la Révolution (souveraineté nationale et populaire – principe absent du programme de l’EMC ! –, République une et indivisible, libertés communales…), de la loi laïque de 1905 (séparation rigoureuse de l’État et des Églises et non pas flirt permanent avec les religions dominantes) et du Conseil National de la Résistance, sont dynamitées : code du travail, conventions collectives, statuts, services publics, retraites par répartition, Sécurité sociale, etc.
Que nos gouvernants commencent donc par soutenir les professeurs dans leur difficile activité quotidienne au lieu de laisser tant de chefs d’établissement désavouer les enseignants en cas de difficultés lourdes avec des élèves perturbateurs ou avec des parents agressifs et intrusifs. Que les ministres successifs cessent de dénigrer l’Éducation nationale et ses personnels, de compresser sans fin leur pouvoir d’achat, d’alourdir sans cesse leurs obligations de service, de suggérer que les professeurs français ne sont pas « bienveillants », de vanter systématiquement les systèmes éducatifs étrangers : cela n’a aucun sens alors que les professeurs finlandais ont bien moins d’élèves que nous par classe, que la plupart des professeurs des pays voisins sont mieux payés et que les « modèles éducatifs » allemand ou anglais sont catastrophiques pour la démocratie et pour la qualité de l’enseignement ! Que ces ministres cessent de favoriser financièrement l’enseignement privé et qu’ils fournissent plutôt aux enseignants les moyens budgétaires d’une Education nationale démocratique et de qualité pour tous.
Et surtout, qu’on en finisse en France avec le démontage systématique de l’enseignement des Lumières au sein même de l’école publique. Enseignants, parents, lycéens, insurgeons-nous contre :
- La casse de l’enseignement de la langue française, dont les ministres successifs ont diminué les horaires de l’école élémentaire au baccalauréat et qui fait désormais l’objet d’une relégation doucereuse au profit de l’anglais. Que des Français enseignent à des élèves francophones EN ANGLAIS la physique, les maths ou l’histoire, cela relève du néocolonialisme linguistique ! Où voit-on l’équivalent en Angleterre ? Les peuples et les langues ne sont-ils pas d’égale dignité ?
- La casse de l’enseignement des langues vivantes (y compris de l’anglais), dont les horaires ont été réduits au lycée par Allègre, dont les ambitions culturelles sont amoindries et dont l’échantillonnage proposé se réduit de plus en plus. Et que dire de l’élimination définitive des langues anciennes, considérées comme des archaïsmes du « lycée d’il y a 50 ans » selon le grand inspirateur de la destruction de l’enseignement secondaire, Richard Descoings !
- Le recul organisé de l’esprit scientifique avec, en mathématiques, la pression scandaleuse de certains inspecteurs contre l’idée même d’un cours de maths ou contre la définition et la démonstration, en sciences physiques, le recul des apprentissages expérimentaux, en SVT la substitution d’un prêchi-prêcha pseudo-écolo à l’enseignement des connaissances scientifiques, socle et matériau de la formation de la raison
- La destruction de l’enseignement de l’histoire-géographie, tant dans les méthodes que dans les sujets (contournement de plus en plus évident de l’histoire et de la géographie de la France, ignorance de l’histoire sociale, syndicale et ouvrière…) et dans les contenus (l’Union soviétique, dont les immenses sacrifices nous ont délivrés du nazisme, est mise sur le même plan que le Troisième Reich dans les ignobles programmes officiels, le rôle central du PCF clandestin dans la Résistance armée est minimisé ou dénigré, ainsi que le rôle central des ministres communistes de 1945-1947 dans la mise en chantier du programme du CNR, Robespierre, le fondateur de la République, est systématiquement noirci…) ; à l’inverse, tout est fait pour présenter la « construction » européenne, dont les Français se méfient pourtant majoritairement (comme l’a magistralement démontré l’abstention record des élections européennes en 2009 et 2014), comme le cadre naturel de l’enseignement historique et géographique au détriment de l’espace national. La formation à la prétendue « citoyenneté européenne », l’imposition déjà permanente du drapeau européen mis à égalité avec le tricolore (alors que les Français ont rejeté massivement la constitution d’un Etat européen le 29 mai 2005!) relèvent en réalité du bourrage de crâne dès la plus tendre enfance ! L’acceptation, la critique ou le refus total de l’UE sont pourtant des choix politiques qui font de moins en moins l’unanimité en France, respectons le pluralisme démocratique à l’école !
- La soumission des sciences économiques et sociales aux vues idéologiques du MEDEF, Hollande venant même de sommer les enseignants d’enseigner aux enfants l’esprit d’entreprise à la sauce capitaliste ;
- L’invasion permanente, anti-laïque, de l’école publique par les campagnes pseudo-humanitaires et fortement teintées idéologiquement d’ONG et autres groupes extérieurs colportant les campagnes en cours dans les médias ; non, la laïcité n’est pas l’apprentissage du conformisme et du consensus, c’est tout au contraire le lieu légitime de la formation à l’esprit critique, au doute méthodique, à l’investigation scientifique et au débat citoyen ;
- La casse de l’enseignement de la philosophie, avec en particulier la suppression des dédoublements qui permettaient d’approfondir la discussion et la recherche en classe et la création des conditions pratiques d’un rejet de cette discipline dont certains pensent qu’il faudrait au contraire l’étendre, avec des moyens réels, en amont et en aval de la classe terminale.
- La déstabilisation insidieuse du baccalauréat où la pression des rectorats et de certaines inspections est permanente sur les jurys pour priver l’examen de sa valeur et, par ce biais, amener les esprits à accepter le principe du contrôle continu local ; la mise à mal du bac (examen national et anonyme sur programme unique), ce serait la concurrence sauvage ouverte entre les établissements publics, un nouvel avantage sélectif à l’école privée et la fin d’un diplôme national permettant d’intégrer l’Université sur tout le territoire (et servant de repère national commun aux conventions collectives de branche, donc aux salaires : l’enjeu de classe est flagrant et les syndicats ouvriers et cadres sont concernés au premier chef !)
- La destruction avancée du statut national des professeurs et du recrutement sur concours national, sans lequel l’indépendance des professeurs n’est plus garantie, les chefs d’établissement devenant les seuls maîtres avec dans leur dos, les pressions permanentes des gouvernements en place, du patronat et des notables locaux, comme c’est le cas en permanence aux Etats-Unis d’Amérique.
- L’énumération pourrait durer, mais comme on le voit, c’est toute l’école laïque qu’il faut rendre à sa vocation qui est, non pas de prêcher une morale d’Etat, mais de former à l’esprit critique, de diffuser des connaissances démontrées, d’ouvrir le débat sur les sujets engageant l’avenir des citoyens, de porter une conception exigeante de la citoyenneté au rebours de la conception conformiste et philistine qui vise à formater et à aligner les élèves derrière les « autorités ». Rappelons que la première Constitution républicaine de la France proclamait ouvertement que « lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour toute portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » ; or ce « droit à la résistance » du peuple souverain, pourtant hérité de la tradition libérale révolutionnaire, disparaît de l’enseignement de l’EMC !
Bien entendu, il faut aussi redoubler de vigilance contre les projets fascisants de l’UMP (qui déborde sur sa droite le FN en matière de conditionnement idéologique des élèves !) avec son projet de rétablir l’uniforme scolaire, de faire des professeurs des auxiliaires directs de la police*, d’obliger les élèves chaque matin à saluer le drapeau et à chanter la Marseillaise (sur le modèle américain et en bafouant les traditions françaises républicaines, qui ne font pas du drapeau et de l’hymne une obsession : rappelons que la Marseillaise appelle les citoyens à la Révolution, pas au conformisme !) et autres projets qui ne peuvent qu’attiser les tensions scolaires. Tous les jeunes Français doivent respecter leur hymne et leur drapeau, mais cela ne doit pas résulter d’une contrainte et d’un conditionnement pavlovien : cela doit venir de la connaissance critique de notre langue, de notre littérature, de notre histoire, de ses grandes lumières mais aussi de ses ombres (notamment le colonialisme), sans se fermer aux autres cultures, histoires et langues du monde. Tout le contraire d’une école dont les annonces ministérielles réactionnaires poussent à la collaboration avec la police et la justice pour repérer les élèves ayant refusé de faire la minute de silence le jeudi 8 janvier, instaurer un kit de surveillance à l’encontre des élèves tenant des propos antisémites et islamophobes, etc., au lieu de renforcer les moyens pour lutter contre de tels propos
Non, ce n’est pas en tombant dans une forme odieuse de « Patriot Act » pseudo-éducatif que l’on combattra le fanatisme religieux ou les rumeurs conspirationnistes, ce substitut à la véritable analyse marxiste et scientifique du terrorisme fanatique. C’est à l’inverse en traitant respectueusement tous les enseignants et tous les élèves et en mettant au-dessus de tous le seul arbitrage qui vaille : celui de la raison, de l’esprit critique, des connaissances scientifiques, des valeurs démocratiques impliquant la libre discussion et la courtoisie réciproque, du refus catégorique de toute forme de racisme, d’antisémitisme ou d’islamophobie (sans parler de l’anticommunisme, qui fait trop souvent figure de « socle commun » du climat réactionnaire actuel).
Nombre d’enseignants sont aujourd’hui malheureux de constater ce que deviennent les disciplines d’enseignement dans une école de plus en plus vouée au rôle d’antichambre du chômage et des inégalités, de gendarme idéologique, de hussard bleu du consensus euro-atlantique. Nombre d’enseignants et d’élèves résistent, chacun de leur côté, à ce détournement de l’école laïque. Le PRCF, sa commission scolaire, son bulletin de lutte Conseils de classe, sa revue théorique Etincelles, prendront prochainement des dispositions pour permettre aux enseignants et aux usagers de l’école les plus conscients de se fédérer, de résister, de contre-proposer en se souvenant à tout instant de la devise de Georges Politzer, le jeune professeur de philosophie communiste qui fut fusillé par les Allemands au Mont-Valérien :
« L’esprit critique, l’indépendance intellectuelle ne consistent pas à céder à la réaction, mais à NE PAS lui céder »
*La « journaliste » Nathalie Saint-Cricq vient d’appeler sur le prétendu « service public de télévision » à « repérer ceux qui ne sont pas Charlie » : ça, c’est « citoyen » ! Mais nous n’hésitons pas à répondre à tous ces représentants de l’Ordre moral : « Peu importe que je sois charlie, car je suis citoyen parce que nous sommes un peuple ! »
Cher-e collègue,
Le ministère a mis en consultation le projet de programme d’Enseignement moral et civique (EMC) au collège et au lycée.
Alors que l’actualité met sur le devant de la scène le rôle de l’Ecole dans l’accès de tous à une citoyenneté éclairée et vivante, la conception de cet enseignement, dont la Ministre fait le fer de lance de son « plan global de mobilisation », est un enjeu considérable.
La concertation se fait selon des modalités imposées par le ministère, et inacceptables : calendrier trop serré (du 5 janvier au 23 janvier) sans réelle volonté de communication auprès des personnels, renvoi de l’organisation aux académies et aux corps d’inspection, document de synthèse indigent http://eduscol.education.fr/consultations-2014-2015/events/programmes-denseignement-moral-et-civique/, aucun cadrage national pour un débat sur les contenus eux-mêmes, refus ministériel (soutenu par le SNPDEN-UNSA, principal syndicat des chefs d’établissement) de possibilité de temps banalisé pour un débat collectif dans les établissements, aucune indication sur les modalités de cet enseignement (qui l’enseigne ? à la place de quoi ? sur quel horaire ? )
Une telle méthode augure bien mal de ce que sera la consultation sur l’ensemble des programmes du collège actuellement en en cours de rédaction.Par ailleurs, au détour d’une phrase, page 13 du projet pour les cycles 2-3-4, on apprend que le conseil pédagogique jouerait un rôle central dans la détermination de la progression pédagogique qui serait imposée à tous. Le SNES-FSU condamne fermement cette disposition.
Il appelle l’ensemble des collègues, à débattre collectivement du contenu du projet de programme d’EMC, à refuser le canevas de la consultation imposé par le ministère et, en tout état de cause, à affirmer clairement le refus de toute intervention institutionnelle du conseil pédagogique dans la détermination de la progression pédagogique de chaque enseignant, en envoyant un mail individuel ou collectif à emc-consultation-2014-2015@education.gouv.fr.
Cordialement.
Le secrétariat général