Le drame de la Maternité d’Orthez et la destruction de l’hôpital public
La nuit du 26 au 27 septembre lors de l’accouchement par césarienne, sous anesthésie générale, une parturiente âgée de 28 ans a été victime d’un arrêt cardiaque. La patiente a été transférée à l’hôpital de Pau, où elle est décédée. Voici, volontairement résumé, le drame qui vient d’arriver dans un de nos hôpitaux.
Les journalistes de la « grande presse », à qui on demande de faire pleurer dans les chaumières et de dénigrer le service public, ont sauté sur l’occasion pour dénicher des détails « croustillants » qui puissent rassurer leurs commanditaires. Hélas ! Encore une fois, plus on connaît de détails, plus les responsables de la politique de casse volontaire de notre service public sont en cause.
Il apparaît que l’anesthésiste a commis de fautes graves : elle se serait présenté dans la salle d’accouchement en état d’ébriété et elle aurait commis des erreurs médicales graves. Mais, ce qu’on ne dit que rarement c’est que l’Hôpital d’Orthez, comme des centaines d’autres hôpitaux, par faute de moyens et par pression de nos dirigeants, s’est vu obligé de passer les fameux « accords de parténariat public-privé » et que justement dans ce cadre-là, l’anesthésiste, qui appartenait à la clinique privée locale, a été détachée à la Maternité public d’Orthez cette nuit-là. Donc, l’anesthésiste en cause ne fait pas partie du personnel public.
Le maire d’Orthez a dénoncé « un problème dramatique de démographie médicale » « absolument catastrophique » et révélé qu »il n’y avait pas d’anesthésiste de remplacement et qu’il fallait que ce soit elle qui fasse le boulot, et qu’elle était la seule à pouvoir le faire ». Il a décrit la « sorte de collaboration entre l’hôpital, qui gère la maternité avec une équipe de sage-femmes et des gynécologues obstétriciens, et la clinique qui loue d’une certaine manière ses anesthésistes ».
Et quelle est la réponse des autorités sanitaires?
(1) Ils « communiquent » sur l’aspect juridique et éventuellement pénal du drame, en essayant de divulguer le maximum de détails sur l’alcoolisme avéré de l’anesthésiste. D’ailleurs, public ou privé, un médecin alcoolique doit être empêché de nuire et on peut se demander où sont les organismes qui contrôlent l’activité sanitaire dans le pays (Conseil de l’Ordre des Médecins, Ministère de la Santé, Agence Régionale de Santé (ARS), etc) …
(2) L’ARS se prononcera dans quelques jours sur une éventuelle fermeture définitive de la maternité d’Orthez en raison de ces problèmes de recrutement récurrents. Bravo! On enlève aux hôpitaux les moyens de recruter du personnel médical qui puisse travailler avec des moyens adéquats et ensuite, comme ils n’arrivent pas à recruter, on ferme les services ou carrément les hôpitaux. Voilà le mécanisme sournois et cynique mis en place depuis quelques décennies déjà par la droite-gauche qui nous gouverne.
Ce cas dramatique n’est que le révélateur d’un des aspects de la politique de destruction systématique de ce qui fut autrefois un des meilleurs systèmes de santé du monde. Les fermetures de services hospitaliers et d’hôpitaux dans nos départements ne se comptent plus. Parfois, il ne s’agit pas d’une fermeture sèche mais d’un transfert vers le secteur privé des activités rentables (analyses, radiologie, chirurgie non urgente, etc) dans le cadre des « accords de partenariat public-privé » où souvent existent de conflits d’intérêt flagrants : un médecin qui travaille ou a travaillé dans un hôpital décide d’ouvrir son propre établissement profitant de la « clientèle » qu’il a réussi à se constituer, et propose ensuite ses bons offices à une administration qu’il connaît trop bien! De cette façon, les hôpitaux deviennent de moins en moins « rentables » (d’après les décideurs) et sont la cible des politiciens à la recherche d’économies budgétaires. Voilà le mécanisme de la spirale libérale dans laquelle nous sommes tombés à cause de la monétarisation de toute activité humaine prônée par l’Union Européenne.
César TRISTAN