Une période exceptionnelle comme celle que nous venons de vivre du fait du confinement ne signifie nullement que les « expérimentations » politiques sont confinées. Loin de là, et notamment dans le domaine de l’enseignement, où la période a débouché sur un travail plus que consciencieux des enseignants de maternelle, de l’élémentaire et du secondaire, en particulier pour tester « l’enseignement distanciel ». La droite, désireuse d’en finir avec le service public de l’Éducation nationale, a immédiatement sauté sur l’occasion : par le biais de la députée « Républicaine » Frédérique Meunier, une « proposition de loi visant à instaurer l’enseignement numérique distanciel dans les lycées, collèges et écoles élémentaires » a été formulée, « pour assurer aux élèves un enseignement distanciel comme une alternative au présentiel ». Et si des « conditions » sont énumérées, nul doute que ce qui est désormais obligatoire n’est plus la « scolarité » mais « l’éducation » : familles, choisissez si vous souhaitez que vos enfants aillent ou non à l’école ! Quoi de mieux pour détruire le service public de l’Éducation nationale, les statuts et les examens nationaux, après les « assouplissements » de la carte scolaire, la loi sur « l’école de la confiance » qui crée un bac européen (il y a désormais deux bacs : le bac est mort !), les « établissements publics locaux d’enseignement international » (avec financement de l’UE et d’« organismes privés » …) et offre la possibilité aux établissements scolaires, de plus en plus « autonomes », de « mener des projets à titre expérimental » pendant cinq ans (y compris l’annualisation du temps de travail pour les enseignants…), etc. Et gare aux élèves et enseignants ne « marchant » pas droit[e] : une fiche déposée sur le site officiel Eduscol en mai dernier contre « le risque de repli communautariste » enjoint à combattre la « remise en question radicale de notre société », la « fronde contre les mesures gouvernementales », les « idées radicales du communautarisme » notamment « sociale » (sic) et « politique » et ceux qui osent « critiquer tous les discours d’autorité » ; « curieusement », quelques heures plus tard (trop tard : dommage que les captures d’écran existent), tous ces passages « douteux » disparaissaient pour laisser place à une fiche plus « consensuelle ».
La destruction du service public concerne également l’enseignement supérieur, le gouvernement s’apprêtant à faire adopter en force, sans débat, la « loi de programmation pluriannuelle de la recherche », une LPPR qui, plus que chercher un réel financement, favorise la contractualisation (et donc détruit les statuts) à travers les « tenure tracks » (en globish, ça passe toujours mieux !), privatise totalement la recherche doctorale par le biais des « contrats doctoraux de droit privé », accentue l’évaluation des établissements (selon la logique du « darwinisme social » cher à la ministre Frédérique Vidal et au conseiller à l’éducation, à l’enseignement supérieur et à la recherche de son maître Jupiter, Thierry Coulhon) et le pouvoir des chefs d’établissement, notamment pour le versement des primes. Car après tout, l’« autonomisation » des établissements scolaires primaires, secondaires ou supérieurs, au sein desquels les chefs peuvent agir en « managers » et transformer les enseignants et chercheurs en sujets « libres d’obéir », c’est aussi cela, en toile de fond et à bas bruit, le terreau autoritaire qui nourrit au quotidien la fascisation du pays.