2 12 18. On retrouve ce tag sur les murs de Marseille. En lettres de sang. Accompagné d’un prénom. ZYNEB.
Une date et un nom. la date du décès de Zyneb Redouane. Zyneb Redouane a été tuée touchée par un tir de grenade lacrymogène alors qu’elle était en train de fermer les volets de son appartement situé au 4e étage de la rue des feuillants. Elle avait 80 ans. Elle ne participait pas à la manifestation des gilets jaunes que la police de Marseille était en train de réprimer de façon très violente.
(In) Justice aux ordres – (in) justice de classe
Si les marseillais écrivent sur les murs de la cité phocéenne son nom, c’est que plus de 6 mois après sa mort, aucun des policiers ayant tirés la grenade, aucun de leur donneurs d’ordre n’ont été identifié ou inquiété. Au contraire, ils bénéficient toujours du plein soutien du régime Macron qui se félicite de la violence sanglante qu’ils ont commandité pour briser les manifestions du peuple en colère avec ses gilets jaunes.
Si des milliers de manifestants ont été condamnés et des centaines emprisonnés dans des procès expéditifs, à ce jour aucun policier n’est inquiétés et a fortiori poursuivi. Pas même lorsqu’il y a mort d’homme comme c’est le cas ici.
Il est vrai que au lendemain même de la mort de Zyneb Redouane, la justice aux ordres de Macron faisait tout pour enterrer l’affaire. Violence policiaire et mort d’une vielle dame algérienne, pas de quoi déclencher un procès ou même une enquête pour la « justice » du régime Macron !
Jugez donc :
- Au lendemain de la mort de Zyneb, Xavier Tarabeux procureur de Marseille déclare avec un cynisme total à la presse et avant toute enquête que « le décès résulte d’un choc opératoire et non d’un choc facial », ajoutant qu’« à ce stade, on ne peut pas établir de lien de cause à effet entre la blessure et le décès ». L’autopsie de Zyneb conclue constate cependat » traumatisme facial sévère, avec fractures de l’ensemble de l’hémiface droite «
- le 10 décembre, la juge d’instruction marseillaise chargé de l’enquête demande une expertise pour » préciser les lésions corporelles occasionnées et déterminer l’ITT « . Comment déterminer l’ITT d’une personne morte des suites de ses blessures ?
Au point mort l’enquête de police n’a à ce jour identifié aucun des policiers qui ont tiré la grenade. Pourtant, la Canebière et ses environs sont couverts de caméras.
Pourtant d’après les révélations du procureur général près la cour d’appel d’Aix en Provence Robert Gelli, « Au moment de la manifestation, un magistrat du parquet était présent aux côtés des forces de l’ordre »
Le parquet ne devrait donc avoir aucune difficulté pour identifier les policiers en cause et leurs donneurs d’ordres, le vice procureur Ribes présent sur place devant sans aucun doute avoir remis son témoignage à la justice… En 6 mois d’enquête la juge d’instruction dont le bureau n’est séparé que d’un étage de celui de ce vice procureur n’en a pas fait état d’après l’avocat de la famille de la victime.
Etrange état de droit que ce régime Macron, où les enquêtes sur les violences policières sont menées par les policiers. Rappelons qu’à Nice dans les violences ayant griévement blessé la militante pacifiste G Legay, Macron avait condamné la manifestante avant toute enquête, protégeant les policiers, tandis que le procureur de Nice déclarait à la presse que la vieille dame n’avait pas été bousculé par un policier. La vidéo surveillance et les aveux du policiers démasquait son mensonge, tandis qu’un rapport d’un capitaine de gendarmerie ayant refusé d’obéir aux ordres démontrait que la violence policière était disproportionnée et illégitime. L’enquête ouverte sous la pression de l’opinion publique par le parquet de Nice était alors confiée… à l’épouse du commissaire de police ayant ordonné les violences. Des policiers allant jusqu’à faire pression sur la victime dans sa chambre d’hôpital.
Sous pression de la défense et alors que des policiers semble avoir craqué devant l’IGPN, le procureur de la cour d’appel d’Aix en Provence a bien été obligé de demander le dépaysement de l’enquête concernant Zyneb Redouane.
Alors que le ministre de l’intérieur de Macron, Castaner, a pesé de ses déclarations pour dans les jours qui ont suivi mettre avant toute enquête hors de cause la police dont il est ici le commanditaire, réfutant d’avance et de façon systématique ces violences policières, cette affaire est assurément une affaire d’état. Une affaire démontrant que le régime Macron s’éloigne chaque jour plus de l’état de droit. Dans une fuite en avant, la fascisation, écrasant les droits démocratiques, les libertés publiques pour imposer de façon toujours plus violente la dictature de la classe capitaliste.
De l’affaire Benalla à l’affaire Legay, de Zyneb Redouane aux dizaines de mutilés de la répression Macron, il n’est plus possible de contester que le régime Macron, c’est la fascisation En Marche.
Minoritaire, illégitime, le régime Macron est de plus en plus autoritaire, totalitaire.
JBC pour www.initiative-communiste.fr
L’enquête de Denis Robert pour Le Média
Les éléments que nous révélons avec Denis Robert portent sur quatre points. D’abord, les tirs : officiellement, il n’y a qu’un seul tir de grenade effectué par la police. Hors il y en aurait eu plusieurs… Deuxième révélation – vous venez de l’évoquer -, l’appartement aurait été lavé, nettoyé, peut-être pour que l’état des lieux ne soit pas complet. Ceci apparaît-il dans la procédure ?
Je vais vous répondre point par point. Le nombre de tirs est l’objet de la procédure en cours. Officiellement, il n’y en a pas eu qu’un seul, il y a même la suspicion qu’il y ait eu plusieurs tirs. De source judiciaire, il y en aurait plusieurs. On ne sait pas si plusieurs policiers ont tiré. Se pose également la question de la nature des projectiles : est-ce uniquement de la lacrymo ou y aurait-il aussi des LBD ? Concernant le second point, le « nettoyage » de la scène de crime, il y a un risque de confusion entre cette information et les éléments présents dans le dossier. Dans le dossier, on sait qu’à la suite de la prise en charge de Zineb Redouane, les pompiers se sont rendus dans l’appartement avec la police municipale. Entendus par l’IGPN, ces pompiers ont récupéré un « souvenir », c’est le terme utilisé, de la bombe lacrymogène. Les enquêteurs sont intervenus pour qu’ils rapportent cette bombe lacrymogène. Maintenant, s’il s’avérait que la scène de crime a été nettoyée, l’affaire changerait complètement de nature. On basculerait dans une affaire d’État. Soyons clair, si une chose comme celle-là est arrivée, il me paraîtrait totalement hallucinant que la hiérarchie ne soit pas au courant.
Troisième point que nous révélons : interrogée sur les événements du 1er décembre, une fonctionnaire de police a craqué et parlé lors d’une audition.
Qu’une fonctionnaire de police puisse craquer, c’est probable, car l’IGPN mène ses interrogatoires tambour battant, en exerçant une forte pression pour que les gens parlent. Maintenant, je n’ai pas l’information là-dessus. Une chose est sûre : le fait que le procureur se soit retrouvé sur la manifestation le 1er décembre est quelque chose d’avéré, un fait qui n’a pas été donné par une fonctionnaire mais par les CRS auditionnés par l’IGPN.
Nous révélons enfin un quatrième élément qui montre que ce dossier et cette enquête sont manifestement tronqués : le parquet était présent sur place puisqu’un de ses représentants, vice-procureur, était venu ce jour-là surveiller la manifestation des gilets jaunes sur la Canebière – le parquetier aurait assisté à tout cela et n’aurait rien fait…
On sait désormais qu’un haut représentant du parquet était donc présent, côté policier ; que ce magistrat a reçu pour instruction, ou en tout cas l’accord de sa hiérarchie, pour se trouver à cet endroit-là ; on sait également que pour justifier cette présence, on a dit qu’on s’était appuyé sur la circulaire sur les fan zones de l’Euro 2016, ce qui n’a strictement rien à voir avec le contexte du 1er décembre. Après, qu’il n’ait rien fait… Je ne sais pas ce qu’il a vu ou pas, donc j’essaie de prendre beaucoup de précautions pour commenter cela. Ce n’est pas ça qui me gène. Ce qui me gêne, c’est qu’on ait mis 6 mois pour le savoir.
En disant que le vice-procureur Ribes n’a rien fait, c’est bien de cela dont on parle : sait-on qu’il était sur place ? Depuis quand le sait-on ? Pendant combien de temps ne l’a-t-on pas su ? Entre le bureau de ce représentant du parquet et celui de la juge chargée de l’instruction au Palais de justice de Marseille, je ne pense pas qu’il y ait des centaines de mètres de distance…
Il n’y pas des centaines de mètres entre les deux, c’est sûr – c’est un étage. Officiellement, ils l’ont su quelques jours avant la requête en dépaysement déposée par le procureur général, le 14 juin. La première requête déposée par l’avocat de Milfet Redouane a été rejetée. C’est à partir du moment où le procureur général a appris effectivement la présence d’un représentant du parquet du tribunal de grande instance de Marseille sur les lieux de la manifestation, et surtout sur les lieux du tir qui a atteint Zineb Redouane et qui va être la cause du décès. Cela signifie qu’on a mis 6 mois pour le savoir. C’est totalement anormal.
En attendant la décision de la Cour de cassation, qui doit trancher après la requête du procureur général, on imagine que le dépaysement vers un autre tribunal de grande instance, loin de Marseille, ne vous fâchera pas…
Ce que l’on veut, ce que souhaite la famille, c’est que l’enquête soit effectuée de façon sereine. On ne pourra pas arriver à la manifestation de la vérité dans de telles conditions, avec des suspicions de partialité, lorsqu’on sait qu’un procureur de la République se retrouve sur les lieux, qu’on met six mois pour le savoir et qu’il subsiste un doute sur le fait que la scène ait été ou pas nettoyée… On est en train de passer d’une affaire dans laquelle une femme a été blessée – on verra, mais nous estimons que c’était volontairement, sans intention de donner la mort mais que ça l’a tué… Notre objectif, c’est de savoir qui a tiré, et pourquoi celui-là a tiré. On veut qu’il soit poursuivi, qu’il soit sanctionné, c’est ça l’objectif. Pour l’atteindre, nous n’avons pas aujourd’hui d’autre choix que d’aller ailleurs et sortir de Marseille.
Pardon d’insister : le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux, a fait à plusieurs reprises allusion à de possibles problèmes de santé de Madame Redouane qui – c’est ce qu’il sous-entend -, pourraient expliquer son décès sur la table d’opération, alors qu’elle venait d’être prise en charge en urgence. Il laisse supposer qu’elle est donc morte d’autre chose, et disculpe de fait – et publiquement – les forces de l’ordre. Ces propos, le procureur les a tenus une première fois dans les jours qui ont suivi le décès, puis très récemment encore, dans le Monde. Ce point mérite qu’on s’y attarde : c’est important puisque cet élément est évoqué avec insistance.
Il n’y a malheureusement pas eu que le procureur de la République de Marseille pour tenir ces propos. Il me semble que le ministre de l’Intérieur a également tenu des propos du même acabit quelques jours après le décès, peut-être pas en disant que c’était la conséquence de problèmes de santé antérieurs, mais en tout cas en affirmant que ce n’était pas dû à des tirs de policiers. Là dessus, je tiens d’abord à dire que ces affirmations ne peuvent être tenues au moment où elles l’ont été, quelques jours après la commission des faits. L’objectif d’une information judiciaire, précisons-le, est d’apporter des réponses à ce type de questions… Pourquoi le procureur de la République tient-il de tels propos ? La meilleure chose à faire est d’aller lui poser la question.
Précisément, quel est l’état de santé de Zineb Redouane avant qu’elle ne soit touchée par une grenade ? Avez-vous eu son dossier médical ? Elle avait, paraît-il, de petits soucis cardiaques.
C’était une femme âgée, qui, comme beaucoup de gens qui avancent dans l’âge, a eu petit à petit des problèmes de santé, qu’ils soient pulmonaires ou cardiaques. Là-dessus, je vais vous la faire courte. Très clairement : oui, il y a peut-être des problèmes de santé, peut-être qu’il y a eu des difficultés à l’hôpital, peut-être qu’elle a été prise en charge de façon tardive. Mais si elle ne se fait pas tirer dessus, elle ne meurt pas ! Aujourd’hui, elle serait encore en vie. Peu importe ce qui a pu se passer à l’hôpital, elle ne se serait pas présentée à l’hôpital si on ne lui avait pas tiré dessus, si elle n’avait pas été brûlée – elle était extrêmement brûlée -, si elle n’avait pas eu une partie de la mâchoire cassée, alors qu’elle était en train de fermer ses volets… Mettons-nous deux secondes à la place de cette dame, qui veut se réfugier à l’intérieur de son appartement voyant que la manifestation est en train de bouillir, commence à fermer ses volets avec la lenteur d’une femme âgée et reçoit à ce moment une déflagration en plein… Imaginez le stress que ça a pu engendrer ! Rien que le stress… Le stress qui lui provoque une crise cardiaque est bien dû à la bombe lacrymogène. On peut tourner tout cela comme on veut, si elle n’en reçoit pas, elle ne décède pas.
Le fils de Zineb Redouane, dont vous êtes le conseil, a demandé une contre-autopsie pratiquée en Algérie, après le rapatriement du corps de sa mère. Il n’a visiblement pas confiance en l’autopsie pratiquée en France. A-t-il raison ?
Le corps de Zineb Redouane a en effet été rapatrié. Il a été pris en charge par les autorités algériennes : une enquête va être ouverte et une nouvelle autopsie peut être pratiquée différemment. On n’a pas encore les résultats, on les attend. Mais si les conclusions sont différentes, il est bien évident qu’il y aura de nouveaux doutes sur la neutralité de cette enquête. Et d’après ce que me dit mon client, il semblerait que cette autopsie n’ait pas les mêmes conclusions. J’ai hâte de l’avoir entre les mains.
Bout à bout, les faits que nous révélons donnent une singulière couleur à ce dossier…
Au-delà du dossier médical dont nous venons de parler, au-delà de la polémique sur ce point, on se pose tout de même une question : comment, à la lumière de ces informations, doit-on regarder cette affaire ? Maître Grazzini, je vous pose la question : au fond, de quoi est morte Zineb Redouane ? J’ai même envie de vous demander : pourquoi est-elle morte ?
Pour moi, cette histoire est à mettre en relation avec ce qui se passe ces derniers mois en France. Avant les gilets jaunes, les dernières manifestations qui ont pu bousculer les autorités étaient celles contre la loi El Khomri : quasiment aucun incident, quasiment aucun ! Depuis novembre 2018, le mouvement des gilets jaunes est en marche, avec une réponse de l’État extrêmement violente. Une violence inouïe qui fait s’interroger les juristes que nous sommes, les protecteurs des droits de la défense, les protecteurs de l’État de droit, finalement, sur la légitimité et la façon dont le gouvernement maintient l’ordre. C’est à mettre en parallèle avec ce qui s’est passé à Marseille… Zineb Redouane a été tuée à Marseille, et nous avons ici de nombreux cas de violences policières extrêmes. Il y a l’affaire de Maria, dont vous avez sans doute entendu parler. Zineb Redouane se fait tirer dessus le 1er décembre. Une semaine plus tard, le 8 décembre, en marge des manifestations et d’un nouvel acte des gilets jaunes, une jeune fille de 19 ans se fait fracasser le crâne par des policiers, son cerveau est touché… Par des policiers ! Quelques jours plus tard, un jeune de 14 ans se prend une balle de LBD dans la tête, derrière. Il tombe, perd connaissance, avec un traumatisme crânien. Plus récemment, il y a ce qui vient de se passer à Nantes, avec ces jeunes tombés à l’eau, dont un est porté disparu, avec une très forte inquiétude sur le fait de le retrouver vivant…
L’affaire de Nice, aussi !
L’affaire de Nice effectivement, où cette vieille dame, Madame Legay, est violentée… Ces violences sont illégitimes, il n’y a pas de doute là-dessus, mais avec une intensité qui interroge… Vous me posez la question « pourquoi »… Pourquoi Zineb Redouane est-elle morte ? Pour rien. Zineb Redouane est morte pour rien. A Nice, Madame Legay s’est faite fracassée pour rien. A Marseille, la jeune Maria s’est fait ouvrir le cerveau pour rien. Le jeune Chérif s’est fait frapper par une balle de LBD pour rien aussi, pour rien ! Il existe d’autres moyens pour maintenir un État de droit. Quand les policiers agissent de la façon dont ils le font, n’est-ce pas justement la négation de l’État de droit ? Et plus loin, est-ce que ça ne porte pas un coup à la démocratie ? Je m’interroge, quand on met toutes ces affaires en parallèle, quand on voit les interventions du gouvernement, du ministre de l’Intérieur qui, avant même qu’une enquête ne soit menée, tire des conclusions hâtives…
Et pèse dessus !
Et pèse certainement dessus… Ça, moi je n’en ai pas la preuve. Oui, il est indéniable que des propos de la sorte pèsent. Nous sommes très inquiets, c’est la raison pour laquelle nous prenons très au sérieux ce type d’affaire. Nous sommes extrêmement vigilants sur la façon dont l’information judiciaire est menée dans notre dossier, et sur les conclusions que peuvent tirer les uns ou les autres. Je ne veux pas jouer le même jeu que le ministère de l’Intérieur, celui que joue le procureur de la République. Je ne veux pas tirer de conclusions hâtives. J’ai besoin d’avoir des pièces. On est finalement dans quelque chose de très scientifique. Là, le droit devient de la science : y-a-t-il eu, oui ou non, plusieurs tirs sur Zineb Redouane ? Étaient-ils oui ou non volontaires ? Y-a-t-il eu une intention homicide ? Son appartement a-t-il été nettoyé ? Nous avons besoin de fonctionner comme cela : d’abord pour respecter un État de droit, ensuite pour aboutir à la manifestation de la vérité, ce que cherchent nos familles.