Samuel MEEGENS est secrétaire à la communication de l’Union Départementale CGT du Nord. Il a accepté de répondre à Initiative Communiste. Un entretien réalisé le 15 avril 2022, dont les principaux extraits sont publiés au coté de ceux des 4 entretiens réalisés pour le numéro 239 du mensuel Initiative Communiste réalisé spécialement pour le 1er mai 2022, avec Jean Pierre Page figure des relations internationales de la CGT, Olivier Mateu secrétaire général de l’UD CGT 13, Bérenger Cernon secrétaire de la CGT rail
Initiative Communiste : L’UD du Nord se réclame du « syndicalisme de classe et de masse ». Comment cela se traduit-il sur le terrain? Quel nouveau rôle pour les UD et les UL, en clair, pour l’inter-pro?
Samuel MEEGENS : Le syndicalisme de classe et de masse est la recherche permanente du rapport de force au niveau interprofessionnel. C’est le rejet du corporatisme. Notre organisation s’appuie sur ses adhérents et donc sur les positions de classe qu’ils expriment dans le combat quotidien contre les patrons. Notre classe ce sont aussi les précaires et les privés d’emploi, les immigrés avec ou sans-papiers et il nous appartient d’inscrire ces dimensions dans nos revendications et nos pratiques, car le syndicalisme de classe c’est celui de toute notre classe.
Il faut rester toujours attentif à combattre les habitudes d’appareil pour permettre de coller aux masses et à ce qu’elles vivent concrètement. La fonction de notre UD c’est de coordonner les luttes et de faire vivre la démocratie interne. Mais c’est aussi de renouer avec l’organisation de la lutte à toutes les échelles et avec une discipline militante qui a pu se relâcher.
Nos Unions Locales ont une fonction vitale : elles s’inscrivent dans la réalité des territoires, au plus près des travailleurs, non seulement de leurs conditions de travail, mais de leurs conditions d’existence. Certains résultats du premier tour de l’élection présidentielle démontrent que les quartiers populaires et la jeunesse veulent un changement radical. La CGT doit répondre à cette volonté, pas seulement dans l’entreprise mais dans la société et la société telle qu’elle est.
Initiative Communiste :Comment appréciez-vous l’évolution de la confédération CGT? Est-il excessif de parler de crise grave, voire explosive, à l’approche du congrès confédéral ?
Samuel MEEGENS : La CGT a toujours connu des crises. Elle a même connu 2 scissions (NDLR : en 1920, rupture entre la ligne réformiste de Jouhaux et la ligne communiste de Frachon et 1947, création de FO par Jouhaux). Il y a toujours eu une divergence d’appréciation pour mener la lutte. Une option réformiste et une option révolutionnaire. La CGT n’est pas en dehors de la réalité du pays et suit, notamment, les mêmes évolutions que d’autres structures politiques, elle vie des évolutions inquiétantes, que l’on pourrait appeler « CFDTisation », doublé d’un vrai problème d’analyse politique de la situation. Il y a une forme d’immobilisme. Cela peut correspondre à des choix politiques, lesquels peuvent aussi être déterminés par des « rentes de situation » et un certain « confort ». L’impression dominante c’est « qu’en haut », ça ne veut pas bouger, pas dans le sens en tout cas où il faudrait, et que la Confédération agit plutôt comme un frein à la lutte. Mais cela ne doit pas être un prétexte au défaitisme ! Nous ne sommes pas défaitistes ! Notre belle CGT, par la combativité de sa base pourra changer les orientations désarmantes de la confédération. Ceci étant, c’est très difficile de faire bouger les choses, mais nous avons le temps, le temps long, qui nous permettra de reconstruire le syndicalisme de classe en s’appuyant sur la classe ouvrière.
Initiative Communiste : Comment l’UD apprécie-t-elle les rôles respectifs des confédérations internationales que sont, d’une part la CES et la CSI, d’autre part la FSM ?
Samuel MEEGENS : Sur les 2 premières j’ai un regard extrêmement critique. La CES est la courroie de transmission des contre-réformes de l’Union Européenne. Ils sont hors de la réalité du terrain. Nous voulons combattre ces organisations qui éloignent les travailleurs du rapport de force. Par exemple, la CES s’est prononcé en faveur de la loi travail. En tant qu’union départementale, nous n’avons pas de lien avec ses organisations.
Concernant la FSM, c’est autrement différent. Il y a actuellement une réflexion dans notre UD pour notre adhésion. D’ailleurs 2 unions locales (Tourcoing et Seclin) y ont adhéré. Nous sommes très intéressés par ces démarches et par ce qu’est la FSM aujourd’hui, qui va clairement dans le sens d’un vrai internationalisme. Et surtout un internationalisme qui ne soit pas dicté par l’ennemi de classe. Par exemple, aujourd’hui l’accueil des réfugiés se fait sur des critères de « ressemblances » avec nous. Et ceux qui ne nous ressemblent pas et bien nous ne les accueillons pas ! Il y a donc nécessité à une vraie internationale des travailleurs. Ce qui pose bien entendu la question de notre adhésion à la FSM.
Cela dit, sur les questions internationales, je tiens à dire que notre UD est à l’initiative :
– d’une part nous avons lancé, avec d’autres structures, l’opération « des conteneurs pour Cuba » pour lutter concrètement contre le blocus américain,
– et d’autre part nous sommes aussi très engagés pour la solidarité et pour une solidarité concrète, avec la Palestine. D’ailleurs notre UD est adhérente des associations « France Cuba » et « France Palestine ».
Initiative Communiste :Alors que l’UE, arrimée à l’OTAN, est plus que tentée par l’escalade avec la Russie (visite de Von der Leyen à Kiev) et que, par ailleurs, Scholz met officiellement le cap, suivi par Macron (« souveraineté européenne ») sur l’ « Etat fédéral européen », comment le syndicat se saisit-il de ces enjeux décisifs pour le progrès social, la paix et l’indépendance nationale?
Samuel MEEGENS : C’est la question de l’internationale et de la souveraineté. Il y a nécessité de retrouver ce qui a été perdu, c’est à dire la capacité d’analyse globale du capitalisme au niveau mondiale et de retrouver une capacité sur l’analyse de l’union européenne et de sa construction. Cette dernière s’est construite contre les travailleurs et pour amoindrir leur lutte, notamment en France, qui est historiquement l’épicentre continental des luttes sociales. D’ailleurs, il me semble, que c’est Cohn-Bendit qui disait « construire l’Europe, c’est défaire la France ».
Sur la question de l’OTAN, sa sortie est dans les repaires revendicatifs de la CGT. Cela peut paraitre loin des préoccupations des travailleurs, mais tout cela est lié. En réalité, la bourgeoisie est affaiblie (même si elle prétend l’inverse). Et pour essayer de garder le pouvoir, elle se lance dans la fasciation du pays, là encore le premier tour de l’élection présidentielle le démontre. Cette fasciation comporte une dimension belliciste. Par exemple, la candidature Zemmour, qui est sortie de nulle part, a été lancée par Bolloré. Or, Bolloré c’est l’homme de la Françafrique. Ces gens ont intérêt à la guerre. Nous avons donc intérêt à reprendre des analyses de classes pour comprendre le monde actuel.