www.initiative-communiste.fr se fait le relai du bel entretien qu’a accordé notre camarade l’historienne et écrivain Gilda Landini Guibert à l’Humanité Dimanche à l’occasion de la parution de son livre Le Fil Rouge. Un livre présenté en avant première à la dernière Fête de l’Huma et que vous avez été nombreux à découvrir sur le stand du PRCF.
Historienne, Gilda Landini-Guibert signe un premier roman remarquable. « Le fil rouge » retrace un pan de son histoire. Issue d’une famille résistants communiste, elle conjugue la détermination des siens pour leur idéal et la grande histoire. Plus d’un demi-siècle de combat, de courage pour tisser un lien indéfectible. Forcément rouge.
HD :Historienne de formation et professeure, pourquoi opter pour la forme romanesque ?
Gilda Landini-Guibert. L’idée initiale était de réaliser une thèse. La voix du roman permet d’ouvrir à un public plus large. Il me semblait indispensable de faire connaitre l’histoire de ces personnages. Et reconnaissons-le, ils ont un parcours romanesque. Ils ont mené un combat. Il était important aussi de les rendre vivants avec leurs doutes, leurs peurs et leurs espoirs. Il fallait replacer les éléments. Chose de plus en plus difficile de nos jours.
HD : Ecrire sur sa famille n’est jamais aisé. Comment éviter l’écueil du nombrilisme ou de l’ « idolâtrie » ?
GLD. L’ouvrage a nécessité dix ans de travail. Je maitrisais l’histoire familiale même s’il n’est jamais aisé de plonger dans les souvenirs de ses proches. Toutefois le recours aux archives a permis la distanciation nécessaire. J’ai pu les réintégrer dans une histoire plus globale. De même bien que mon grand-père, mon oncle et mon père furent FTP-MOI, j’ai voulu dépasser cette période. Il est réducteur de limiter leurs combats à cet engagement. Il existait une histoire et des combats précédant la Résistance. Il faut remonter dans le temps pour comprendre cet engagement qui pour eux, allait de soi. J’ai souhaité dérouler ce fil rouge. Il ne se limite d’ailleurs par aux hommes de la famille puisque j’aborde tant ma grand-mère, véritable « Mamma », que ma Tante Mimi qui conduisaient notamment les hommes au maquis.
HD : Un personnage se détache du roman. Il s’agit d’Aristide. Où puise-t-il sa détermination ?
GLD. Mon grand-père était originaire de Toscane qui en ce temps pourrait être qualifié de « pays profond ». Il régnait néanmoins une sociabilité et un passage des idées. Une transmission existait dans le village. Des étudiants ou des gens de passage venaient faire des haltes dans sa campagne. Au fil des échanges et des lectures, il a découvert la nécessité du combat et des luttes. Dès 13 ans, il avait entre les mains des livres de Marx, Engels ou Lénine. Cette pratique n’est pas propre à la Toscane. A la Révolution française déjà, cette volonté de sociabilité et de diffusion d’idées révolutionnaires existait dans les campagnes. A 14 ans, il participe à sa première lutte contre le Comte de Belagaio, seigneur du village. Il gardera de cette expérience un caractère trempé et une certitude de la justice de son combat. Il refusera plus tard par ailleurs de participer à la guerre en Lybie de 1911 puis à la première guerre mondiale. Il fut le premier de notre famille à tisser ce fil rouge.
HD : Chassé en 1922 d’Italie par Mussolini, il s’établit en France…
GLD. La France est le pays de la Révolution. « Liberté, Egalité, Fraternité » n’était pas aux yeux de mon grand-père une devise creuse. Elle est au cœur de tous ses combats et de tous ceux de notre famille. Aujourd’hui encore, ces mots, cet idéal de combat et justice irriguent la pensée et les discours de mon père, Léon. A 90 ans, il continue inlassablement à militer. Par ailleurs, nombre d’Italiens ont franchi les Alpes pour travailler. Dès le XIXème siècle la France était une terre d’exil. La question d’un retour ne s’est jamais posée. Il était bien et heureux en France.
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HD A son arrivée, votre famille est confrontée au racisme, à la vie en usine dans le Nord de la France…
GLD. Nous abordons une autre forme de combat. Syndical celui-ci. D’emblée, Aristide a adhéré à la CGTU. Le combat pourrait paraitre moins prestigieux que les faits d’armes mais il était tout aussi important d’unifier les salariés français et étrangers, victimes de la même oppression patronale.
HD : Votre roman débute et se clôt par sa mort en 1950. Pourquoi avoir délimité le livre à sa seule existence alors que les combats de votre famille se poursuivront au-delà de son décès ?
GLD. J’ai opté pour ce choix par soucis de cohérence et de compréhension. Il est évident que la lutte perdurera au travers de ses enfants. La guerre finie entrainait la fin de la lutte armée, une autre aire s’ouvrait. Et il fallait bien placer un point final.
HD : Au-delà de l’attrait politique et historique, votre livre fait littérature. Sans manquer de respect à votre éditeur, n’était-il pas envisageable de le présenter à des maisons plus prestigieuses ?
GLD. Les éditions Delga ont effectué un travail remarquable. J’ai présenté le livre aux grands éditeurs parisiens. Partout le même refus. Mes prises de position ont refroidi. Certains faits font encore grincer des dents. La non-intervention en Espagne est un exemple, le Pacte German-soviétique en est un autre, ou encore le décret Sérol du nom du député socialiste qui condamne les communistes. Un éditeur trouvait mes personnages trop caricaturaux et l’histoire peu crédible. Il m’a été reproché mon approche politique. J’aurais du m’en distancier, faire preuve de critiques. Chose impossible, les idées sont les miennes. Modestement, j’espère que ce livre participera à redonner goût aux combats.
Entretien réalisé par Lionel Decottignies et l’Humanité Dimanche
« Le Fil rouge » de Gilda Landini-Guibert.
Editions Delga. 560 pages.
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