Dans le cadre des émissions que France Inter consacre cette semaine à mai 1968, notre camarade Roger SILVAIN a été interviewé par la journaliste Hélène ROUSSEL.
L’enregistrement a été diffusé ce lundi matin à 6 heures 20.
C’est un entretien important.
Car dans le flot des commémorations ce qui domine c’est l’ignorance quasi totale de l’importance décisive de la plus grande grève ouvrière que le pays ait connu.
Ce qui est ignoré également à des fins le plus souvent de dénigrement syndical et anti-CGT, c’est ce que Roger rappelle : C’est à l’initiative de la CGT et de son secrétaire général de l’époque, Georges SEGUY, qu’a été organisée la grande manifestation du 13 mai en solidarité avec les étudiants et pour condamner la répression dont ils étaient victimes.
Et que sans cette solidarité il n’y aurait pas eu de mai 68, en tous cas pas dans les formes et la puissance que le mouvement a connu.
Les racines du mouvement rattachées de manière dominante aux seules luttes étudiantes ignorant le plus souvent ce qui mûrit dans le mouvement social et dans la classe ouvrire : la marche des mineurs en 1963, la lutte contre les ordonnances concernant la sécurité sociale, les multiples luttes dans les entreprises de l’année 1967 …
tandis que la grande presse comme Le Monde à la veille même de 1968 affice que « La France s’ennuie » …
L’enregistrement peu être consulté sur France Inter à l’adresse :
https://www.franceinter.fr/
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Transcription de l’entretien.
Question de Hélène ROUSSEL : Pourquoi les ouvriers ont tardé à entrer en grève
ROGER SILVAIN :
« Si on veut comprendre 68, faut commencer, qu’est-ce qui déclenche l’affaire ?
C’est la nuit du 9 au 10 mai quand les étudiants veulent reprendre la Sorbonne et qu’ils se font coincer par les deux bouts de la rue Gay-Lussac, qui est un véritable massacre.
Les CRS tapent là-dessus à bras raccourcis ; ça fait un bruit monstre.
Dès la matinée du samedi Georges Séguy qui est le secrétaire général de la CGT à l’époque, il dit : c’est pas possible , on ne peut pas tolérer ça …
Donc grande manifestation LUNDI 13 mai !
C’est une manifestation qui a été monstrueuse, et les gars de Billancourt pour la première fois depuis longtemps. A l’appel le lundi matin ça a été un débrayage fantastique, à tel point qu’on était gêné dans qu’on était gêné dans les luttes depuis les années 55, la direction avait instauré ce qu’on appelle la prime anti-grève : quand vous faisiez grève 24 heures vous perdiez 20 % de votre prime, et le soir Pierre DREYFUS qui était le PDG de la Régie Renault à cette époque annonce : il n’y aura pas de retenue sur la prime …
ça a été un élément qui a donné confiance !
Alors on reprend le boulot le 14 mai le mardi matin et c’est effectivement le 16 mai qu’on apprend Cléon occupé ; contrairement à ce qu’on pense des fois, Billancourt a joué un rôle très important, de catalyseur, mais les premiers qui partent c’est les gars de Renault Cléon.
On fait monter les sonos, tout ça, … et la décision est prise d’occuper l’entrprise et d’y coucher pour la nuit.
Et là globalement on vote la poursuite de la grève avec occupation.
C’est important, cette grève a été reconduite TOUS LES JOURS, il n’y a pas eu de décision d’une grève illimitée, tous les jours nous faisions le meeting, et tous les jours il y avait un vote pour savoir si on reconduisait.
La grève aura duré 33 jours et 34 nuits
Question de Hélène ROUSSEL : Que veulent les ouvriers roger SILVAIN ?
ROGER SILVAIN :
Les ouvriers ce qu’ils veulent c’est d’abord l’augmentation des salaires ; c’est clair, ça pesait très lourd comme ça pèse en ce moment d’ailleurs
H. ROUSSEL fait alors écouter bande sonore saisie par des étudiants du 10 juin devant la porte de l’usine Wonder à Saint Ouen au moment de la reprise :
Une ouvrière : « Non je ne rentrerai pas dedans, je ne mettrai plus les pieds dans cette taule … on est déguelasse jusqu’à là ! On est toute noire. Les bonnes femmes dans les bureaux elles s’en foutent … maintenant on ne pourra plus rien avoir «
des Militants : c’est pas fini, c’est une étape, ce ne sera plus jamais comma avant!C’est une victoire tu entends ?
Hélène ROUSSEL : je ne retournerai pas dans cette taule ! Ce cri du coeur d’une ouvrière … on sent votre émotion Roger SILVAIN, ça a été dur chez vous aussi la reprise …?
ROGER SILVAIN :
Vous n’empêcherez pas que dans un mouvement qui est aussi dur quand même, plus d’un mois, quand vous arrivez au dénouement, même si vous avez des acquis intéressants, c’était notre cas, les salaires augmentés de 35 % , la reconnaissance du syndicat dans l’entreprise, ce qui n’était pas le cas avant, vous avez ceux qui considèrent que globalement il n’y a pas le compte
Hélène ROUSSEL ; Vous Roger SILvain direz vous aussi que 68 c’est une première étape ?
ROGER SILVAIN :
Oui, … C’est qu’après dans les 10 ans qui vont suivre avec les luttes qu’on ménera on aura une continuité sur les acquis qu’on a pas eu en 68, on les aura après
Hélène ROUSSEL : Aujourd’hui Roger SILVAIN, dans le monde du travail mai 68 a encore des fruits ?
ROGER SILVAIN :
Oui, oui, oui, oui, oui
C’est vrai que c’est très difficile, quand vous avez sur plusieurs années une difficulté à engranger les résultats, ça aide pas pour consolider le syndicat
Hélène ROUSSEL : Vous y penser comment à mai 68 Roger SILVAIN … ave fierté, nostalgie, amertume?
ROGER SILVAIN :
Surtout pas d’amertume !
68 dans la mémoire importante de ma vie syndicale … c’ets des évènements qu(il n’y a pas tous les jours .
Ça fait 50 ans il n’y en pas eu un aussi important depuis !
Si vous voulez je voudrais bien en voir un autre équivalent avant de mourir !
C’est clair !
Gilles a fait grève jour et nuit chez renault il y avait une très grande solidarité à l intérieur comme à l extérieur bravo pour tous les grévistes de 68