Nous relayons ci-dessous la dénonciation fort à propos par Unité-CGT de la « manifestation » que co-organise la confédération CGT intitulée « Troupes de Russie hors de toute l’Ukraine ! ».
Bien que très pertinent, nous regrettons que l’analyse évoque le conflit dit russo-ukrainien sous une forme de guerre inter-impérialistes, alors que dans le même temps le texte fait une très juste analyse des raisons de la guerre : la poussée sans fin vers l’Est de l’OTAN en application de la stratégie jamais abandonnée de l’endiguement de l’URSS, puis aujourd’hui de la Russie, fusse-t-elle capitaliste.
La Russie, comme tout État souverain, capitaliste ou non, a droit à des garanties de sécurité, garanties qui ont été largement bafouées depuis la chute de l’URSS. Le putsch euro-fasciste de Maïdan en 2014, la non-application des accords de Minsk et l’absence totale de garantie que l’Ukraine n’adhérerait pas à l’OTAN, pour ne pas dire l’ambiguïté totale sur son adhésion imminente, seront les provocations de trop à l’encontre de Moscou.
Cela n’empêche nullement les militants franchement communistes du PRCF de dénoncer cette guerre. En effet, la Russie capitaliste de Poutine n’a à offrir, au fond, au peuple ukrainien que la domination d’oligarques russes ou pro-Moscou en lieu et place d’oligarques ukrainiens ou pro-occidentaux, tout en faisant le même constat et la même dénonciation qu’Unité CGT, à savoir que les dirigeants fantoches de l’Ukraine OTANisée ne tiennent qu’avec la réhabilitation du nazisme, la complicité et les crimes fascistes de l’armée ukrainienne largement nazifiée, notamment à l’encontre des russophones et des progressistes ukrainiens.
Nous avons également du mal à comprendre la fin du texte, qui appelle à ce que l’armée russe quitte l’Ukraine tout en reconnaissant, dès le début de l’analyse, que la Crimée et les régions du Donbass ne font plus partie de l’Ukraine. Pour le PRCF, la fin de ce conflit doit être une solution négociée entre l’Ukraine et la Russie, ce qui profitera d’abord au peuple ukrainien.
Cela dit, et malgré ces quelques divergences, nous avons avant tout beaucoup de points de convergence avec l’analyse proposée et nous rejoignons bien entendu Unité CGT : la paix ne passera que par l’arrêt total et définitif de l’envoi d’armes (voire de troupes !) à la junte de Kiev. Plus que jamais, l’urgence est à la désescalade alors que ce conflit fait peser le risque d’un conflit atomique exterminateur pour l’ensemble du vivant de notre planète !
Surtout, ce texte met en application un anti-impérialisme authentique, tel que défini par Karl Liebknecht : l’ennemi principal est dans notre pays ! Il dénonce donc avant tout et fort à propos les livraisons d’armes du régime Macron à la junte de Kiev et son financement de l’OTAN, dont Unité CGT, comme le PRCF, réclame que la France en sorte… et urgemment !
Et bien sûr, ce texte est une sacrée bouffée d’oxygène, alors que la fausse gôche continue de soutenir les sanctions boomerang contre la Russie et que les députés du PCF/PGE vont jusqu’à scandaleusement voter les crédits de guerre à l’OTAN, Fabien Roussel en tête… D’autant que la contestation de la ligne confédérale sur l’Ukraine (et pas que !) continue de progresser dans la CGT, à l’image de l’UD du Nord qui a très récemment organisé une manifestation en faveur de la désescalade et de la paix à Lille, à laquelle les militants du PRCF 59 étaient naturellement présents.
Il est également intéressant d’observer que la confédération n’a pas du tout communiqué sur cette manifestation qu’elle organisait pourtant, tant elle sait que cette ligne est très loin d’être majoritaire dans la CGT, ne serait-ce que par le Comité confédéral national (le parlement de l’organisation) qui a déjà désavoué le bureau de la conf sur l’Ukraine, sans parler de tous ses militants à la base qui mènent les luttes pour les salaires chez Sanofi, la SNCF, EDF, à Carrefour ou à Action, qui sont sur le terrain à subir, comme tous les travailleurs, l’inflation due au capitalisme en crise ; crise largement aggravée par les sanctions prises contre la Russie !
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La direction confédérale de la CGT a-t-elle signé un appel à la guerre contre la Russie ?
« Troupes de Poutine, hors de toute l’Ukraine » : un texte signé par plusieurs organisations, dont notre Confédération Générale du Travail, appelle à manifester le samedi 10 décembre.
Cet appel pose un certain nombre de problèmes sur lesquels nous allons revenir.
Soulignons d’emblée le décalage posé entre les positions adoptées par la CGT et le contenu de l’appel à manifester le 10 décembre, caricatural et caractéristique de la désinformation à l’œuvre depuis l’intervention militaire russe fin février 2022.
Première remarque : le texte stipule que « toute l’Ukraine » serait à libérer. Cela implique donc que les régions de Crimée et du Donbass seraient occupées. Or, ces régions ont décidé massivement en 2015 de se séparer de l’Ukraine après un coup d’État brutal et sanglant animé par les partisans du rapprochement de l’Ukraine avec l’Union européenne et l’OTAN. La guerre civile qui se poursuit encore aujourd’hui dans le pays ne date pas d’il y a quelques mois mais dure depuis plus de 8 ans. Cette phrase porte donc la revendication des ultra-nationalistes et revanchards ukrainiens qui souhaitent faire revenir, par le fer et le feu s’il le faut, ces régions rebelles et majoritairement russes ou russophones.
Seconde remarque : le document, signé par des organisations françaises, ne mentionne pas le rôle pourtant fondamental des États occidentaux, notamment américain, français, britannique dans le déclenchement indirect de l’invasion russe en Ukraine. Le soutien aveugle et total aux oligarques ukrainiens pro-UE et pro-OTAN, la volonté d’intégrer coûte que coûte (et contre l’avis majoritaire de la population ukrainienne) le pays dans l’UE et l’OTAN, la casse des Accords de Minsk par les grandes puissances ont provoqué cette guerre de très haute intensité. Ainsi, si on doit condamner d’un côté la volonté de Poutine de s’emparer du pays, on doit également condamner le rôle de Zelensky et de ses prédécesseurs, ainsi que les politiques impérialistes occidentales dans la région. Et bien évidemment exiger la sortie de la France de l’OTAN ainsi que le départ immédiat des soldats français stationnés le long des frontières russes.
Troisième remarque : cet appel signé par la CGT porte une analyse biaisée de la nature du conflit. Pour Unité CGT, cette guerre est une guerre impérialiste qui oppose bien une Russie capitaliste et impérialiste aux autres grandes puissances, également impérialistes et alliés et soutiens directs du régime de Kiev. Il n’y a donc pas de camp à choisir, ni d’agresseur ou agressé. Les seuls coupables de la situation sont les capitalistes russes, ukrainiens, français, américains, britanniques. Les seules victimes sont les peuples et les travailleurs d’Ukraine et de Russie. Ainsi, en Russie comme en Ukraine, ce sont bien des centaines de milliers d’hommes qui sont contraints et forcés à partir au front.
L’appel à soutenir le gouvernement ukrainien couplé à une unique focale anti-russe n’est pas une position internationaliste. Pire, cela sous-entend que le gouvernement russe est seul responsable de la situation : on ment au peuple et on le désinforme. Est-ce le rôle de la CGT de se prêter à un tel jeu ?
Quatrième remarque : le nationalisme ukrainien, un des nationalismes les plus antisémites, racistes, homophobes, anti-tziganes, anticommunistes, est un poison qui irrigue désormais l’ensemble du spectre politique ukrainien. On ne le rappellera jamais assez, le basculement violent en 2013-2014 de l’État ukrainien dans le giron occidental a été rendu possible par la force de frappe des militants néonazis ukrainiens. Ce sont d’ailleurs ces mêmes militants qui ont massacré une centaine de syndicalistes et d’antifascistes à Odessa, avec la complicité des institutions et dans le silence médiatique le plus absolu.
Après 8 ans de régime autoritaire, les partis de gauche sont interdits et les syndicats réprimés. La présence de bataillons paramilitaires d’extrême-droite comptant des milliers de combattants est désormais connu de tous et toutes.
Comment la direction CGT peut-elle, d’un côté, appeler à lutter contre l’extrême-droite en France, et de l’autre côté soutenir sans réserves un gouvernement ukrainien gangréné par les idées néofascistes ? Cela n’est ni cohérent, ni sérieux, ni antifasciste.
Cinquième remarque : la mention de « déportation » de population interroge. D’une part, ce mot, chargé de sens et assimilé à la Shoah, ne reflète pas la réalité du terrain et apparait comme une fake news des plus grossières. D’autre part, il convient de rappeler l’exode de 2014-2015 qui a vu le départ (temporaire ou définitif) de plusieurs centaines de milliers d’Ukrainiens à la suite de la prise violente du pouvoir par les nationalistes ukrainiens et la volonté de briser la résistance dans le Donbass. Autant d’éléments « oubliés » ou visiblement inconnus par un certain nombre de dirigeants.
Résumons : la CGT appelle donc à participer au soutien d’un gouvernement d’extrême-droite, qui interdit les libertés syndicales et les partis progressistes, et mène une guerre terroriste contre sa propre population.
Cette position pose donc un énorme problème de cohérences et de respects des principes internationalistes. Pire, elle nous met tous et toutes en danger en justifiant, d’une certaine manière, l’union sacrée pour la guerre contre la Russie.
En ce qui concerne Unité CGT, nous faisons une distinction très nette entre les dirigeants d’État et les peuples. Les peuples de Russie et d’Ukraine, comme le peuple français, ne sont pas coupables des décisions des oligarques ukrainiens, russes, français ou américains. Notre seule boussole, c’est la recherche de la paix et le soutien absolu aux peuples, syndicalistes et militants anti-guerre de ces deux pays.
S’il va de soi que notre collectif appelle bien évidemment au départ des troupes russes, la paix ne peut passer par le soutien financier, militaire, humain accordé à un gouvernement ukrainien, tout aussi coupable de crimes de guerre que l’armée russe.