C’est une des raisons de la colère étudiantes en 2019. La hausse massive des frais d’inscriptions appliqués aux étudiants étrangers s’inscrivant dans les universités et les écoles de l’enseignement supérieur en France. Jusqu’à présent, un principe d’égalité, sans distinction d’origine était appliqué, la seule sélection étant celle de la reconnaissance des diplômes. Cette mesure, au-delà de son injustice flagrante, est une attaque extrêmement dangereuse contre l’Université française et au-delà contre le rayonnement de la France et le développement des pays de la francophonie. Cette mesure par ailleurs n’est que la préparation d’une hausse générale des frais d’inscriptions à l’Université. Rappelons qu’aux Etats Unis, les étudiants doivent débourser en moyenne 45 000 dollars pour chaque année d’études supérieures ! La dette des étudiants aux Etats Unis atteint désormais plus de 1000 milliards d’euros et 8 millions d’étudiants sont désormais en faillites, sur endettés.
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Injuste la hausse prépare la hausse générale des frais d’inscriptions
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C’est toujours à la marge que se préparent les réformes impopulaires. L’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers dans le secondaire participe de ce processus. Commencer par les plus faibles, les moins nombreux, les moins biens défendus. Le gouvernement Macron a annoncé la multiplication par 16 des frais d’inscriptions en licence et par 15 en master. Une augmentation considérable, visant à aligner ces frais sur ceux pratiqués outre-manche et aux Etats-Unis. Cette réforme crée un dangereux précédent en instituant dans un service public une logique de préférence nationale qui ne dit pas son nom. Mais ce n’est visiblement pas le cœur idéologique de la mesure, qui vise selon les services du ministère à « financier l’enseignement supérieur ». On comprend donc que les frais d’inscription – et non frais d’enseignement – devrait donc servir à financer l’ensemble de l’enseignement supérieur. La mesure sera donc très rapidement déclinée.
Injuste et dangereux : l’éviction des étudiants de la francophonie
En revanche, pour tous les étudiants qui viennent en France en ayant économisé suffisamment pour justifier de 615 euros de ressources mensuelles, le seuil pour obtenir un visa étudiant, on peut imaginer que les frais d’inscription (représentant désormais la moitié de leur budget) auront un impact considérable.
Injuste et inefficace : un boulevard ouvert aux universités anglo saxonne
Le gouvernement prétexte que cette hausse des frais d’inscription servira à augmenter les moyens pour l’enseignement supérieur…
C’est l’un des effets souhaités par ceux qui défendent l’augmentation des frais d’inscription. Cela n’a pourtant jamais été le cas à l’étranger, l’État se désengageant financièrement lorsque les frais d’inscription augmentent. En France, l’effet sera identique puisque le ministère a annoncé il y a quelques jours qu’il n’y aurait plus de financement dédié à la gestion de l’accroissement automatique de la masse salariale avec l’ancienneté, invitant les universités à mobiliser les ressources propres des établissements, parmi lesquelles on trouve les droits d’inscription pour les étudiants extracommunautaires.
Cette mesure ne va-t-elle pas rendre impossible l’accès à l’université pour les étudiants de certains pays ?
Comme nous venons de le voir, cette mesure aura des effets sur l’accès des étudiants à l’université, sans qu’il soit possible de les anticiper. En revanche, ce qui est certain c’est que cet effet sera différencié en fonction du pays d’origine des étudiants. Cela est vrai en raison de l’inégale répartition des richesses à travers le monde, mais c’est d’autant plus vrai que les mobilités étudiantes se différencient en fonction du pays d’origine des étudiants. Ainsi, si les étudiants d’Amérique du Nord et d’Océanie ne sont que 11% à rester plus d’un an en France, cela est le cas de 60% des étudiants en provenance du Maghreb et de 71% des étudiants des pays d’Afrique francophone. Avec les frais d’inscription, le coût d’une scolarité augmentera mécaniquement en fonction du nombre d’années passées dans l’enseignement supérieur français. On peut donc raisonnablement penser que ce sont les étudiants qui restaient hier le plus longtemps qui vont être le plus impactés par la hausse des frais aujourd’hui et modifier leurs choix d’études demain.
Un étudiant non-européen devra payer 3 770 euros par an en 2019, contre 243 euros actuellement pour suivre un doctorat. Cette hausse ne risque-t-elle pas de décourager les chercheurs étrangers, qui constituent 41 % des doctorants, ce qui aurait un effet non-négligeable au niveau scientifique ?
Là encore, on peut imaginer que les frais d’inscription auront un effet d’autant plus fort sur ces étudiants qu’ils sont obligés de rester pour toute la durée du cycle d’études afin d’obtenir leur diplôme. Les mobilités en cours de cycle de doctorat sont extrêmement compliquées, alors qu’elles sont tout à fait possibles en cours de licence ou de master.
Matignon considère que la quasi-gratuité des universités française est “contre-productive”, et justifie cette augmentation par le besoin d’“attractivité” de l’Hexagone. On comprend mal pourquoi la gratuité serait problématique. Quelle est la logique de cette politique ?
Il existe différents types de financement de l’enseignement supérieur dans le monde : les pays qui font payer des frais d’inscription élevés, ceux qui ont des frais d’inscription très modérés (comme la France) et ceux qui ne font pas payer leurs étudiants et octroient même des allocations d’études importantes à leurs étudiants. La France est le 4e pays d’accueil des étudiants internationaux, juste derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, qui sont les trois pays pionniers en termes de libéralisation du système d’enseignement supérieur (avec des effets délétères sur le niveau d’endettement des étudiants). Le gouvernement pense donc qu’en augmentant les frais d’inscription, cela permettra de concurrencer encore davantage ces pays sur le marché mondialisé de l’éducation. À l’inverse, le gouvernement aurait pu graver dans le marbre la gratuité de l’enseignement supérieur afin de promouvoir la francophonie et de concurrencer le pouvoir d’attraction des universités anglo-saxonnes, sans donner dans la surenchère en terme de frais d’inscription. Cette voie, qui n’est pas celle choisie par le gouvernement actuel, aurait permis de défendre le rayonnement culturel de la France.
Cette réforme s’inscrit-elle dans un contexte plus général d’augmentation des frais d’inscription dans les écoles françaises ? Et en préfigure-t-elle d’autres, y compris pour les étudiants français ?
En effet, tout porte à croire que cette hausse des frais d’inscription préfigure une hausse généralisée des frais d’inscription. Ainsi, depuis plusieurs années maintenant, on assiste à une introduction par étapes des frais d’inscription. Cela a d’abord été le cas à Sciences Po Paris, puis à l’Université Paris Dauphine, avant que cela ne touche les écoles d’ingénieurs publiques. De nombreuses universités disposent désormais de diplômes d’établissement à côté des cursus classiques permettant de faire payer les étudiants. En parallèle, les rapports institutionnels préconisant une hausse des frais d’inscription se sont multipliés ces dernières années. Le dernier date de novembre 2018 et a été réalisé par la Cour des comptes. Il préconise une augmentation importante des frais d’inscription pour les étudiants des universités. En morcelant la réforme, les gouvernements successifs ont bien compris que leurs politiques avaient toutes les chances d’aboutir et ils jouent pleinement cette carte.