Depuis l’annonce de la loi Blanquer le 11 février dernier, c’est l’inquiétude et la colère qui prédominent dans l’ensemble de l’Education Nationale. Lycéens, professeurs, parents d’élève, les voix se multiplient pour alerter contre cette nouvelle loi qui attaque directement l’Éducation Nationale, ce service public pour tous. Le ministre avait promis en 2017 qu’il ne ferait pas contrairement à ses prédécesseurs de nouvelle loi. Et bien, ce n’est pas le cas. Ce n’est pas une surprise puisque le ministre, bien connu déjà pour ses agissements sous l’ère Sarkozy rue de Grenelle, poursuit en réalité exactement la même politique que celle de ses prédécesseurs : la politique de destruction du service public de l’Education Nationale, en vue de sa privatisation, conformément aux objectifs fixés de longue date par la commission européenne à travers sa stratégie de Lisbonne et son processus de Bologne.
Que contient le texte présenté au conseil supérieur de l’éducation le 15 octobre 2018 ? Explications.
La loi Blanquer, dite « loi sur l’école de la confiance », faire taire les professeurs
La loi « Blanquer » injustement nommée « Loi sur l’Ecole de la confiance » a donné lieu, de la part du ministre, pendant les séances à l’Assemblée en première lecture, à une débauche de gages donnés à la droite la plus réactionnaire.
L’article 1 expose les enseignants à des sanctions disciplinaires plus sévères que ce que prévoit le statut général en cas de manquements « au devoir d’exemplarité ». Une formulation volontairement floue qui permet de mener une répression contre les professeurs, y compris pour des propos ou des actes accomplis en dehors du service.
« Les dispositions de la présente mesure pourront ainsi être invoquées dans le cadre d’affaires disciplinaires concernant des personnels de l’Education nationale s’étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public » voilà ce qu’indique la loi donnant quelques exemples :pourront être concernés par cette disposition les propos « mensongers », « diffamatoires » contre « leurs collègues » ou « l’institution scolaire », « notamment par le biais de publications sur les réseaux sociaux »
La mise au pas des professeurs est clairement visée. Mise au pas politique, avec les pressions sur la liberté d’expression, mise au pas morale avec la question de l’irréprochabilité du comportement y compris dans le cadre privé, mise au pas pédagogique avec l’accent mis sur l’évaluation par le ministère lui-même des pratiques pédagogiques, des équipes, des établissements.
Une nouvelle dérive autoritaire et totalitaire est dénoncée par les enseignants, comme par les défenseurs des libertés publiques, qui vise rien moins qu’à instituer un délit d’opinion spécifique contre les enseignants. Un article de loi liberticide qui intervient d’ailleurs alors que de nombreuses voix de profs avec le #PasDeVague au lendemain de l’agression d’une professeurs à Créteil, avaient très vivement dénoncé le comportement du ministère et de ses plus hautes autorités.
Morceler le service public d’éducation pour le privatiser à travers une école à plusieurs vitesses
La loi démantèle l’unité du service public d’éducation, au mépris du principe constitutionnel de l’égal accès à l’éducation.
Par exemple, en inventant, sans aucune concertation préalable, des « EPLE des savoirs fondamentaux » (EPLE = établissements publics locaux d’enseignement) qui permettent de fusionner écoles primaires et collège d’un même réseau sous la tutelle d’un seul chef d’établissement, sur proposition des collectivités territoriales et du Recteur. Le risque existe, particulièrement dans les zones rurales et les quartiers populaires, de voir réapparaître un système à deux vitesses tel qu’il existait avant la réforme Haby de 1975 avec des collèges ouvrant vers les poursuites d’études au lycée (les petits lycées ou les CES) et les collèges destinés aux études courtes (les CEG, ou écoles fondamentales => les EPLE des savoirs fondamentaux).
En outre, la mesure vise à supprimer des postes de personnels administratifs pour ces établissements, au motif d’une soit disant mutualisation. Mais également de supprimer des directeurs d’école primaire pour les remplacer par un unique directeur adjoint. Le principal syndicat d’enseignant dénonce :
Il n’a jamais été prouvé que ce type d’organisation améliorait la réussite des élèves. Il s’agit d’une modification profonde du système scolaire et d’une « mise en cause du statut des enseignants » qui ont pour objectif de construire, sur fond d’économies budgétaires, une école inégalitaire dont les élèves des espaces isolés et des milieux populaires feront les frais.
SNES FSU
L’invention d' »EPLE internationaux », pouvant sélectionner leurs élèves sur la base de leurs compétences en langues et pouvant être financés par des dons privés, institue au sein même de l’école publique des établissements destinés à l’élite. La loi dessaisit en outre les conseils d’administration de leurs prérogatives au profit de la commission permanente.
Et bien d’autres mesures problématiques sont présentes dans la loi.
On pourrait ici citer l’article 14 qui prévoit le remplacement des professeurs recrutés sur des concours de haut niveau et bénéficiant d’une formation professionnelle par des Assistants d’Education (ceux que les élèves appellent parfois de manière bien péjorative « les pions »), sous prétexte de pré-professionnalisation. En réalité, il s’agit de faire des économies, les AED étant payés… au SMIC, en proposant un pseudo contra de pré-professionalisation. Dès lors que les AED disposeraient d’un master 1, voire d’une simple deuxième année de licence ils seraient chargés de faire cours, pour un salaire de l’ordre de 700 € par mois ! Ce n’est pas cela « revaloriser le métier d’enseignant » ! Rappelons qu’il y a quelques dizaines d’années, des systèmes de bourses et les écoles normales permettaient de recruter sur concours et de salarier pendant leurs études les professeurs. Permettant un recrutement et une formation de qualité, et donnant accès à de nombreux enfants des classes populaires au métier d’enseignant.
La mobilisation se prépare, avec en vue la grève du 19 mars !
La préparation de la rentrée 2019 est catastrophique :
- dans les collèges, du fait de la dégradation des taux d’encadrement, la hausse démographique n’étant pas financée ;
- dans les lycées, du fait des inconnues inhérentes à la réforme du lycée (choix des enseignements de spécialité, enseignements pouvant être assurés par plusieurs disciplines, menaces sur les options, etc.).
La démocratie sociale est menacée car les proviseurs n’entendent pas faire voter la ventilation des DGH en mars. Les emplois du temps seront imposés aux professeurs à la rentrée en lycées (passage de 20 % des enseignements en barrette en 2018 à 60 % en 2019 puis à 75 % en 2020: voeux individuels impossibles à respecter).
Alors que les dotations horaires – les plans établissant le nombre de classes et d’heures d’enseignements pour chaque établissements – arrivent dans les lycées et les collèges, la colère monte. Parmi les professeurs comme parmi leurs élèves qui constatent notamment que la réforme du lycée préparant la casse du diplôme national du bac, conduit à supprimer dans de nombreux établissement l’accès aux filières et options demandées par les options. De fait, en supprimant les séries, et sous prétexte de permettre de composer un parcours à la carte, le ministre Blanquer établie une sélection dès la classe de première, avec le double objectif de réduire le nombre d’heures d’enseignement pour réduire le nombre de professeur, et de préparer la sélection à l’entrée à l’université. Mise en place avec Parcoursup, celle ci sera d’autant plus discriminante que les parcours ne seront plus encadrés par des séries. Malheur au jeune n’ayant pas eu accès à la bonne option, car absente de son établissement ou inaccessible faute de dotation horaire et donc de place pour lui, permettant d’accéder à la formation supérieur qu’il désire suivre. C’est une vrai jungle qui est instituée, qui favorisera à l’évidence les classes aisées, qui elles auront accès aux conseils et à un enseignement privé payant (et largement subventionné par l’Etat) où elles pourront elles choisir les bonnes options.
C’est dans ce contexte que les appels à l’action se multiplient dans les établissements scolaires. Avec des actions de rétention des notes, des manifestations, et des appels à la grève. Une journée nationale de manifestations régionales pour l’éducation est en préparation pour la fin du mois de Mars.
Les professeurs sont conscients de l’enjeu et ils appellent à faire plus et plus fort.
L’heure est grave, le mois de Mars est décisif. Nous devons mettre toutes nos forces dans l’action et réussir à entraîner significativement bien plus de professeurs que lors des précédents rendez-vous.
Giovanni – professeur, syndicaliste SNES FSU
L’intersyndicale appelle à la grève nationalement le mardi 19 mars 2019, dans le cadre d’un appel commun des fédérations de fonctionnaires FSU/CGT/FO/Solidaires, à l’occasion de la journée d’action inter-professionnelle unitaire. Cette grève doit être très clairement majoritaire. C’est à chacun, professeurs, parents d’élève, lycéens de construire sa réussite dès maintenant.
Car au delà de l’Education Nationale, il s’agit d’agir pour une même cause commune. Celle des salaires, Celle de la défense de la fonction publique.