La loi scélérate dite « loi asile immigration », qui est en réalité une loi anti-immigrés (extra-européens préférentiellement), a été adoptée par l’Assemblée nationale le 19 décembre 2023. Mais les contradictions suite à l’adoption de ce texte sont nombreuses, il faut les examiner sérieusement pour essayer d’en comprendre les enjeux, alors que celle-ci doit être examinée par le conseil constitutionnel. Sur France 5, Macron a ainsi dit au lendemain du vote : « Est-ce que parce qu’il y avait des articles contraires à la Constitution il fallait dire : pas de texte ? Ma réponse est non ».
i) Macron utilise la droite/extrême droite comme levier pour construire une majorité
Le camp présidentiel s’est retrouvé bloqué par sa droite, si l’on peut dire. Pour faire passer le texte, Renaissance a dû se démasquer en assumant ses positions sur le terrain de la droite extrême réactionnaire et de l’extrême droite du Rassemblement lepéniste. Macron matérialise encore un peu plus ce que nous ne cessons de dénoncer au PRCF. Macron est le carburant le plus puissant de la fascisation en France. Après l’adoption de la motion de rejet préalable à l’Assemblée nationale, la « gauche » s’est gargarisée d’une immense victoire contre le pouvoir. Mais, après le passage du texte en commission mixte paritaire, la macronie s’est alignée sur la droite réactionnaire pour durcir le texte de loi. Pourquoi ces professionnels de la politique, souvent professionnels du droit, ont-ils alors accepté d’adopter un projet de loi pour lequel des versants entiers sont clairement anticonstitutionnels ?
Le 10 janvier sur TF1, un journaliste a dit à Gérard Larcher : « peut-être que certains articles seront censurés ». Larcher répond du tac au tac par une réponse claire : « Si certains articles sont censurés, et que cela touche à l’essence même de la maîtrise des politiques migratoires, alors il faudra modifier la Constitution ». On peut également noter que Larcher, le 4 septembre, avait déjà réclamé cette fameuse réforme constitutionnelle pour pouvoir organiser un référendum sur l’immigration. Cela fait également écho au ballon d’essai du 18 juin 2023 que Richard Ferrand avait lâché dans la presse. Petite piqûre de rappel sur les propos de R. Ferrand dans le Figaro : « À titre personnel, je regrette tout ce qui bride la libre expression de la souveraineté populaire. La limitation du mandat présidentiel dans le temps, le non-cumul des mandats […] Tout cela corsette notre vie publique dans des règles qui limitent le libre choix des citoyens. Ça affaiblit notre vie politique en qualité et en densité, et la rend moins attractive. Changeons tout cela en préservant le bicamérisme et le Conseil constitutionnel, gardien vigilant des principes républicains et des libertés publiques ». Au-delà de la langue de bois habituelle et du verbiage macronien primaire, il faut comprendre qu’au nom de la liberté et de la démocratie, il faudrait changer la constitution pour laisser la possibilité à Macron de poursuivre dans l’escalade fascisante et totalitaire au-delà de la constitution, qui en la matière est déjà un faible garde fou, et cela au nom de la liberté et la démocratie bien évidemment… Macron lui-même aurait dit le 30 août 2023 lors d’une réunion avec les chefs des oppositions que la limitation du nombre de mandats présidentiels serait une « funeste connerie ». On voit que l’exécutif porte cette question dans le champ médiatique, comme pour préparer les masses à la question de la révision constitutionnelle. Les médias relaient ces ballons d’essai, et l’exécutif obtient en retour une réaction de l’opinion.
Les communistes ne perdent pas de vue que le fascisme n’est pas une rupture avec le capitalisme mais bien son prolongement en temps de crise. Macron est un habile politicien, à n’en pas douter l’un des meilleurs de sa génération. On peut le considérer comme notre ennemi le plus doué, aux pleins services du capital. Toutes ses prises de parole publique des différents acteurs, dont Macron lui-même, en faveur d’un changement de constitution, ne doivent pas être analysées indépendamment du contexte politique actuel. Macron n’est plus en position de force, ni à l’Assemblée nationale ni au Sénat. Pour aboutir à un changement de constitution lui octroyant le droit à un troisième mandat, il lui faudrait, en vertu de l’article 89 de la constitution, proposer un texte de révision aux députés et aux sénateurs. Si le texte est adopté à la fois par l’Assemblée nationale ET le Sénat, alors le processus de révision peut être adopté selon deux modalités :
1. voté par référendum
2. voté par la majorité des 3/5e des suffrages exprimés par les deux chambres réunies en congrès (Assemblée nationale + Sénat).
Or Macron n’a qu’une majorité partielle à l’Assemblée nationale et LR est majoritaire au Sénat.
Macron et son gouvernement accélèrent grandement la dynamique de fascisation du pays. Pour pouvoir gouverner, il embrasse les thématiques réactionnaires de la droite et de l’extrême droite. Cette dérive réactionnaire est parfaitement calculée par le camp présidentiel, la France ne peut être gouvernée que par l’alliance des ordolibéraux avec les fascistes.ii) La thématique de l’immigration pour piéger les droites réactionnaires
La thématique de l’immigration est un totem sanctuarisé par « les droites », de Ciotti à Le Pen en passant par Zemmour. Il était clairement annoncé la volonté de LR de rentrer dans une surenchère réactionnaire avec le durcissement du texte de loi au Sénat. Ciotti avait notamment explicitement dit que jamais la droite ne voterait un texte qui a vocation à régulariser des sans-papiers, prétextant un phénomène « d’appel d’air » migratoire.
Macron et les faux républicains se sont mis d’accord sur un texte en commission mixte paritaire qui vient piétiner les plates-bandes du RN, mettant au centre du texte la préférence nationale chère au Rassemblement lepéniste. Un texte qui accentue encore la dynamique de fusion des droites réactionnaires, qui agit comme un aimant sur le métal en attirant vers lui le bloc présidentiel, toujours plus loin dans la réaction droitière. Peu importe le niveau de réaction, Macron n’a qu’un objectif : asseoir son pouvoir coûte que coûte. Pour réaliser l’agenda de destruction de nos acquis sociaux fixé par l’Union Européenne au service de la bourgeoisie transnationale, il va devoir faire alliance avec la réaction la plus extrême. Le vote du texte de loi asile immigration en est l’exemple (proto)typique. Mais on est en droit de se poser une question, existe-t-il un calcul politique de Macron pour changer la constitution et s’octroyer le droit à un 3e mandat ?
Cette question n’est pas naïve, on a pu précédemment montré par le biais de quelques exemples qu’une réforme constitutionnelle est envisagée par la macronie. Or, dans l’état du rapport de force sociale, la contre-réforme des retraites a laissé un profond ressenti de classe aux travailleurs de France. La réforme des retraites et toutes les autres contre-réformes ont laissé des traces, comme par exemple celle dite du « travail », du chômage, la dissolution programmée de la France dans le saut fédéral européen, et j’en passe… L’essentiel du propos n’étant pas une critique de la politique de la macronie, mais plutôt une critique de l’instrumentalisation des thématiques réactionnaires par le pouvoir pour conserver sa domination et donc son pouvoir. Macron a amené le débat sur la thématique fascisante de la criminalisation de l’immigration. Ce faisant, il a pris en tenaille son opposition la plus à droite. En effet, en adoptant un texte de loi amendé selon les considérations des LR, qui eux-mêmes font la course au Rassemblement lepéniste pour être la force motrice de la réaction, Macron les tient en joue idéologiquement. Car il apparaît inévitable que le Conseil constitutionnel va censurer tout ou partie du texte. Ce faisant, le texte de loi risque d’être dénaturé des ajouts des LR. Comme l’a dit Gérard Larcher, si le texte était dénaturé par le Conseil constitutionnel, il faudrait alors, je vous le donne en mille …. changer la constitution.Alors Macron peut se retrouver en position tiers, et recevoir la légitimité de son opposition la plus droitière pour enclencher l’article 89 de notre constitution. C’est ainsi que l’étau se resserre sur la droite et l’extrême droite. Car engager dans une folle course a l’échalotte de la réaction, ils ne pourront pas refuser de voter avec Macron les dispositifs permettant la mise en conformité de la constitution au texte fascisant. L’article 89 implique un vote du sénat (facilement gagnable avec les faux républicain) ainsi que le vote de l’assemblée nationale (également gagnable en faisant front unitaire avec les forces réactionnaires).
Macron y gagne politiquement la possibilité de réviser la constitution sans passer pour un personnage autoritaire. Poussé par son opposition, majoritaire au Sénat et à l’Assemblée nationale (LR + RN + Renaissance > tous ou partie), alors même que Macron semble carbonisé, proposer un changement de la constitution pour faire adopter la possibilité d’un troisième mandat, avec un retour au septennat, semble impossible dans le contexte de détestation populaire actuelle du président. C’est pourquoi nous devons rester vigilants au calcul qui peut être effectué par le bloc présidentiel. Il n’est pas impossible que ce texte de loi serve en fin de compte d’objet légitimant à une réforme constitutionnelle impopulaire. C’est pourquoi nous devons rester vigilants dans les jours et mois prochains, à la tournure des événements sur le plan politique.KR pour www.initiative-communiste.fr