initiative-communiste.fr donne la parole au délégué syndical CGT, José SAINZ.
Bonjour monsieur Sainz, pourriez-vous vous présenter ? Quel poste occupez-vous au sein d’IBM ?
Je m’appelle José Sainz, cela fait 34 ans que je travaille chez IBM, je suis donc technicien « inspecteur » : je m’occupe de la maintenance, chez le client. Je suis également Secrétaire CGT Provence-Nice-Méditerranée, élu au CSE central et au Comité Social Économique IBM Grand Sud et je travaille sur Nice.
On observe de plus en plus de fermetures de sites d’IBM. Le dernier site en date est le site de Rouen qui a succombé il y a quelques mois. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il se passe ?
C’est simple : on est en train de connaître la plus grande restructuration de l’entreprise depuis ces 20 dernières années. La direction a pour projet de mettre en place un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) qui est tout simplement en réalité un plan de suppression de l’emploi de 1251 personnes… Il faut savoir qu’aujourd’hui, il y a 5000 salariés actifs. Il est prévu dans ce plan social des « départs volontaires », des mises en disponibilité, ces derniers ne vont plus travailler mais vont être payés à 60% de leur salaire sous forme d’allocation jusqu’à la retraite. Si jamais la direction n’arrive pas à faire partir ces 1251 personnes, la Direction procédera à des licenciements secs.
En parallèle de ça, la direction prévoit la création d’une nouvelle entreprise qui va s’occuper de l’infogérance des clients, de la gestion des structures informatiques des entreprises et des clients. IBM se sépare de ces activités et les met donc dans cette nouvelle entreprise qui s’appelle KYNDRYL et celle-ci vivra sa vie. 1300 personnes seraient transférées obligatoirement dans cette entreprise, et celle-ci n’aurait pas les mêmes conventions collectives qu’IBM. La direction veut faire ce transfert de 1300 personnes dès le 1er septembre, alors même que la mise en place du PSE ne sera pas terminée. Au départ ce serait une filiale d’IBM mais à partir du 1 décembre, elle serait totalement indépendante d’IBM.
En ce qui concerne le PSE, l’intersyndicale se bat pour faire supprimer le volet licenciements secs du PSE. On se bat pour un PSE avec uniquement des départs volontaires et sans licenciements.
Pour ce qui est de la nouvelle entreprise KYNDRYL, tous les clients qu’avait IBM ne suivent pas forcément la Kyndril, elle va donc se retrouver avec un portefeuille moindre, sera en situation de handicap, et les salariés vont donc se retrouver dans une boîte où les employés risquent de partir en plans sociaux très rapidement !
Le vendredi 16 avril, vous avez appelé l’ensemble des salariés à se mettre en grève. Comment organisez-vous la lutte d’une manière plus générale ?
C’est simple.
On aimerait que ce soit simple…
Avec la période de crise que l’on vit actuellement, la crise sanitaire, il faut savoir qu’à peu près 90% des salariés sont en télétravail. Les sites IBM sont vides, les travailleurs sont isolés chez eux. La difficulté a donc été de rassembler tout le monde, comme à l’époque, avec des actions traditionnelles comme des assemblées générales du personnel et les distributions de tracts… De plus, il faut savoir que la direction nous interdit de transmettre des tracts électroniques, on ne peut pas envoyer des mails de masse, d’ailleurs cela a été signé par d’autres organisations syndicales alors que c’est vraiment un handicap. On a donc décidé de faire un travail de fourmi, en envoyant des mails un par un aux salariés pour qu’ils nous envoient leur adresse personnelles. On veut les tenir informer de l’avancée de ce qu’il se passe. En plus de ça, à partir de novembre dernier, on a mis en place des réunions du personnel sur ZOOM, des téléréunions tous les jeudis à 13H. On a progressivement vu les gens arriver. Il faut savoir que sur Paris, nos camarades ont fait la même chose : ils font une assemblée générale du personnel tous les mardis à 16h. Les salariés ont donc pris l’habitude de se connecter pour avoir les infos de ce que faisait la direction.
Il faut savoir que la direction n’a jamais voulu rien entendre sur le fait que nous étions contre des licenciements secs. Nous avons été en intersyndicale face à la direction, mais la direction IBM n’a rien voulu entendre. Elle a agi dans l’illégalité en ce qui concerne le périmètre du PSE pour pouvoir presque choisir les personnes qu’elle allait garder, celles que la direction IBM voulait voir partir. On a dit que ce n’était pas homologable, la direction le dit toujours aujourd’hui. La direction a les moyens financiers de faire partir qui elle veut au volontariat uniquement : malgré la crise économique, et la crise sanitaire, IBM s’en tire mieux que ces concurrents.
Il fallait donc qu’on se mobilise, on a tout organisé par ZOOM, avec appel à la grève de la CGT, pour le fameux vendredi 16, on l’a discutée et fait voter à 90%. Nous avons organisé un piquet de grève numérique en réunissant une bonne centaine de salariés IBM sur Zoom, de 9h à midi. Cela a été une réussite et juste la CGT l’a fait, les autres organisations syndicales n’ont pas voulu y participer.
Le vendredi 16 avril au matin, on a rejoint le CSE central à Paris organisé par la direction, , elle se faisait par WEBEX (une application similaire à Zoom), à 9h43 on a envahi numériquement cette réunion de la direction. La direction a paniqué, elle a fini par couper toute la connexion et viré tout le monde. Vous vous rendez compte ? Ça fait des mois que les salariés sont en dehors de toute discussion, la direction profite de la situation du confinement et du COVID pour licencier car les employés ne sont pas physiquement présents, alors on a donc décidé d’agir numériquement !
Comment un géant de l’informatique historique américain comme IBM en vient à licencier en masse ? Est-ce un souci de rentabilité ?
C’est bien simple, il faut considérer qu’IBM, depuis près de 30 ans, s’est placé sur le marché de l’informatique avec pour l’objectif de faire du profit à court terme. L’entreprise n’a pas investi comme beaucoup d’autres pour le long terme. Leur politique est basée sur les suppressions d’emplois pour faire de la marge très rapidement et baisser les prix au maximum, en délocalisant en Inde ou autre pays low-cost. IBM licencie en masse pour faire du profit à court terme en hypothéquant l’avenir. IBM n’investit pas pour la formation ou pour avoir des techniciens ou ingénieurs avec de hauts degrés de compétences. On baisse les couts et on signe des deals rapidement pour faire de la marge !
De plus, IBM touche des crédits d’impôts recherche ! Elle bénéficie donc des aides de l’État mais en contrepartie a une politique très agressive sur les licenciements.
Quand je suis arrivé dans la boite, on était plus de 23.000 en France, et aujourd’hui on n’est plus que 5000 et si la direction arrive au bout de son programme nous ne serons plus que 2400. Comme quoi c’est une politique de longue date. Le recrutement n’est plus : aujourd’hui la moyenne d’âge est de 52 ans ! Il n’y a pas d’embauche depuis longtemps!
En plus de ça, le but d’IBM est de ne faire que de la marge et aujourd’hui c’est par le dématérialisé, le cloud. Intelligence Artificielle et Cloud vont entrainer la suppression de plus de la moitié des effectifs sur le long terme. De plus, IBM a donné 5,4 milliards de dividendes aux actionnaires en 2020.
On vous soutient à fond dans votre lutte et merci de votre temps !
Merci à vous de relayer notre lutte ! On continue combat !
Entretien réalisé par Dark Vlador le 28/04/2021