ENTRETIEN EXCLUSIF avec Initiative Communiste du camarade BERNARD TEPER, co-animateur du REP (Réseau Education Populaire)
Bernard Teper est co-animateur du Réseau Éducation Populaire (REP). Il a accepté de réponde aux questions d’Initiative Communiste le journal du PRCF. Une très pertinente contribution au débat examinant les conditions et les façon permettant de rassembler largement pour un front commun – à l’image du CNR – permettant de rassembler pour gagner face à la destruction de la France des travailleurs, de ses conquêtes sociales et démocratiques.
Initiative Communiste : peux-tu présenter la Gauche républicaine à nos lecteurs?
Bernard Teper : Tout d’abord, merci de nous donner la parole. Car c’est bien dans le débat sur des paroles présentées que nous pourrons nous hisser collectivement à la hauteur des exigences de l’histoire.
Avant de répondre à ta question, je dirais que le mouvement réformateur néolibéral a pris le contrôle économique et politique de la planète pour diriger probablement la dernière phase du capitalisme. Il a gagné temporairement la bataille de l’hégémonie culturelle et les mots forgés par les luttes du peuple :révolution, démocratie, laïcité, république, gauche, etc. sont devenues « glissants »comme disent les linguistes. Hier , tout le monde avait à peu près la même définition de ces mots et il y avait ceux qui était pour et ceux qui étaient contre. Aujourd’hui, tout le monde est pour ces mots mais chacun a une définition contradictoire avec celles de tous les autres. C’est le relativisme culturel.
Donc pour répondre à la question, il faut commencer par redonner une définition historique à ces mots. Gauche renvoie pour nous à ceux qui souhaitent une transformation sociale et politique dans le sens de plus d’émancipation individuelle et collective. Donc , on voit bien avec cette définition que certains qui étaient de gauche ne le sont plus. République renvoie pour nous à un mode d’organisation et de gouvernement d’une société qui répond à un certain nombre de principes philosophiques et politiques. Aujourd’hui, nous considérons par exemple que la 5ème république est tout sauf républicaine. Nous ne sommes donc pas seulement républicains car nous avons comme modèle politique la République sociale et non seulement la république (qui elle peut être bourgeoise). Ce modèle est évolutif et aujourd’hui doit répondre à une dizaine de principes constitutifs, à 4 ruptures,aux 4 sorties, et au moins 6 exigences indispensables. Le tout piloté par la stratégie de l’évolution révolutionnaire (Marx 1850, Jaurès 1901). C’est pour nous le seul modèle politique qui permet de sortir du capitalisme dans les pays développés car nous estimons que les expériences qui ont eu lieu dans des pays peu industrialisés avec une majorité de travailleurs ruraux et l’existence d’une économie informelle importante ne peuvent pas être des modèles pour nous.
Initiative Communiste : sous couvert de s’inspirer du CNR, certains groupes issus de la gauche appellent à l’union des « républicains des deux rives ». En quoi s’agit-il pour le moins d’une impasse politique?
Bernard Teper : Je voudrais dire d’abord que le CNR s’est construit à chaud, dans la clandestinité et a regroupé les républicains qui étaient tous sur une même rive, la rive étant définie par la lutte politico-militaire contre le nazisme, le fascisme et le pétainisme.
Le CNR a été jusqu’à lier la lutte politico-militaire et le projet de société dans un texte s’intitulant « Les jours heureux ». Il est donc outrecuidant, désinvolte, farfelu d’utiliser le sigle CNR pour une tentative de créer un cartel, à froid, sans liens dans la lutte pratique et concrète avec des pseudos républicains qui seraient sur des rives différentes (ce qui veut dire qu’il ne peuvent pas participer à un projet politique commun).
Au lieu d’un projet politique commun et d’un adversaire bien identifié, ces groupes dont vous parlez souhaitent remplacer ce projet par un mot: « souveraineté ». Mais très vite, on écarte la souveraineté populaire pour ne retenir que la souveraineté nationale.Conclusion:tout mot déclaré surplombant ne remplacera jamais un projet de société comme « Les jours heureux ».
Les gilets jaunes ont déjà travaillé sur des revendications diverses, c’est une première étape avant de travailler à un projet. C’est effectivement pour ces groupes, et pour le moins, une impasse politique.
Initiative Communiste : le gouvernement veut altérer la loi de séparation de l’église et de l’état. Quelle est votre positionnement à ce sujet?
Bernard Teper : La laïcité et donc ses transpositions juridiques ont toujours été lié en France aux grandes avancées sociales et politiques. La laïcité a reculé quand, du point de vue de l’émancipation, le social et le politique ont reculé. La première séparation de l’Etat est l’oeuvre de la Convention , la deuxième de la Commune de Paris, la troisième dans la réinstallation de la République. Les forces de la réaction ont déjà violé 17 fois ce texte du 9 décembre 1905. Sans compter les jurisprudences crées par la grande bourgeoisie pour leur permettre une alliance avec le communautarisme religieux contre les couches populaires. Ainsi le financement public des cathédrales et des églises et pour faire bonne mesure de quelques édifices des autres religions. Ainsi, aujourd’hui, il y a plus d’argent, par tête d’élève, dans l’école privée confessionnelle que dans l’école publique alors que ce financement public est détourné des politiques sociales dont les financements sont en régression.Le président Macron, gérant du capital souhaite organiser le 18ème viol. On a donc raison de résister.
Pourquoi souhaite-t-il le faire? Il est un gérant du capital minoritaire dans le pays. il ne doit sa survie politique qu’à une constitution née grâce à un coup d’Etat qui organise une 5ème république ni républicaine ni démocratique. Nous entrons en ce moment dans une sorte de démocrature. L’antidote pour la classe populaire ouvrière et employée et ses alliés est alors la liaison du combat laïque et du combat social.
Voilà pourquoi nous avons lancé l’appel intitulé « Combat laïque-combat social, fédérer le peuple » (www.combatlaiquecombatsocial.net ). Pour nous, dans un pays développé, la laïcité, liée à une anti-racisme radical, permet le rassemblement d’un bloc historique, au sens d’Antonio Gramsci, majoritaire autour de la classe populaire, ouvrière et employée. Ceux qui à gauche combattent la laïcité pour remplacer la République laïque par le communautarisme anglo-saxon, sont pour le moins des diviseurs du peuple voire veulent remplacer la lutte des classes par la lutte des races.
Pour en savoir plus sur REP :
www.reseaueducationpopulaire.
www.gaucherepublicaine.org
Bernard Teper est Co-auteur de « Néolibéralisme et crise de la dette », « Laïcité:plus de liberté pour tous », « La laïcité pour 2017 et -delà, de l’insoumission à l’émancipation », »Contre les prédateurs de la santé », »Retraites: l’alternative cachée », »Penser la République sociale pour le 21ème siècle », »Repenser la protection sociale du 21ème siècle »