par Tom, syndicaliste en lutte, 62
Ce vendredi 17 janvier, des grévistes ont envahi le siège de la CFDT pour protester contre la position de Laurent Berger, qui a signé la contre réforme des retraites, ayant obtenu une grande victoire par le remplacement des mots « âge pivot » par « âge d’équilibre » dans le texte. Ça se passe comme ça à la CFDT: on se bat pour une terminologie plus juste.
Après cet envahissement, Laurent Berger est immédiatement monté au créneau pour dénoncer de soi-disant violences, expliquant que les salariés présents au siège avaient été agressés verbalement et physiquement. Il devrait même porter plainte. Sans rire…
Nos chers médias démocratiques, libres, etc, se sont immédiatement offusqués de l’introduction de cette horde sanguinaire. Tout comme nos responsables politiques, avec un soutien de poids en la personne de François Hollande ! L’homme tellement populaire après son quinquennat, où il appliqua avec zèle les injonctions de la Commission de Bruxelles (casse du service public, loi El Khomri, etc…) qu’il n’a même pas pu se représenter en 2017… Il faut dire qu’entre grands démocrates on se soutient !
Les images de l’envahissement (ou devrait-on dire l’attentat?) parlent d’ailleurs d’elles- mêmes : on y voit pêle-mêle des manifestants chanter, danser et même pour certains taper… dans leurs mains ! On vous le dit tout net : l’horreur ; le terrorisme!
Et pour comprendre ce carnage, cette boucherie, il faut se mettre à la place de Laurent Berger: voir des grévistes entrer dans le siège de la CFDT ? On n’avait jamais vu ça ! Quelle est la prochaine étape de cette escalade ? Des syndicalistes au siège de la CFDT !?
Il faut se souvenir que ce syndicat est un syndicat « responsable » et « démocratique » (comme l’indique son nom), toujours là pour dénoncer les violences… mais toujours celles des grévistes, des Gilets jaunes, des manifestants… et surtout jamais celles des policiers, du gouvernement et du capitalisme en général. Toujours là pour appeler à une « trêve », alors que la fédération cheminote de ce syndicat appelait au contraire à continuer la grève et que l’on assiste, comme en 1995 et comme en 2003 à une vague de départs de la CFDT de militants en total désaccord avec la position confédérale (la CFDT est « Démocratique » qu’on vous dit !).
Bref, toujours là, Laurent Berger, pour appeler à « savoir cesser une grève quand on a rien obtenu du tout »*.
Alors, pour comprendre la réaction des grévistes, il faut se poser la même question que celle qui percute la Macronie depuis le début de ce mortifère quinquennat : celle de la légitimité.
Quelle est la légitimité du Berger du MEDEF, du CAC 40, de la Macronie et de l’UE (n’est-il pas l’actuel président de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), organisation qui soutient les contre-réformes voulues par l’UE et par sa Commission ?) pour s’arroger le droit de signer un texte, et de crier « victoire », en s’appuyant sur une mobilisation historique où certains grévistes ont vu leur fiche de paie de janvier à zéro, alors que le secrétaire général de la CFDT n’aura pas appelé à la moindre journée de grève?
Comment ne pas être en colère quand on entend un gouvernement, dont le soutien est ultra-minoritaire dans la population, s’appuyer sur cette signature pour dire qu’un compromis avait été trouvé et que désormais « la grève n’a que trop duré » tout en multipliant les exactions policières ?
Comment ne pas être exaspéré devant les média-mensonges qui ne cessent de reprendre l’idée (la « fake News » comme on dit en globish) que le front syndical se serait disloqué alors que la confédération CFDT n’en a jamais fait partie ?
Alors comme dit l’adage : qui sème le vent, récolte la tempête !
Parce qu’il faut bien appeler Laurent Berger pour ce qu’il est : un usurpateur !
En signant ce texte scélérat, en récupérant la mobilisation qu’il n’a jamais construite, voulue et soutenue, il a volé cette mobilisation à ceux qui la détiennent, à savoir les grévistes. Et notamment à ceux de la SNCF et de la RATP en grève depuis prés de 50 jours. La grève n’appartient qu’à ceux qui la font. A ce titre, dans de tels mouvements, seules les AG de luttes sont légitimes. Elles sont d’ailleurs des moments de vie instances de la démocratie ouvrière. Elles sont même la base et le fondement historique du mouvement ouvrier et du syndicalisme.
Alors non, Laurent Berger n’est pas un démocrate, c’est un usurpateur, qui a volé aux grévistes leur grève. Par sa trahison, il a lui même déclenché de l’animosité à son égard et à celle de la centrale qu’il dirige.
Toutefois, nous finirons par une proposition pour contrer Berger et sa clique plus efficacement et sans que l’on puisse remettre en cause le « pacifisme » et la « démocratie »: que la CGT quitte la très jaune C.E.S., qui, rappelons le encore une fois, a pour actuel président nul autre que le secrétaire général de la CFDT, à savoir Laurent Berger.
En attendant, plus que jamais, comme on le scande dans les manif à l’appel de syndicalistes proches du PRCF : « on n’est pas des moutons; on a pas b’soin / d’ Berger » !
*la fameuse citation de Maurice Thorez, tronquée et sortie de son contexte de 1936, dit au contraire : « il faut savoir arrêter une grève dès lors que satisfaction a été obtenue ».
La grève n’appartient pas à un syndicat particulier qui imposerait sa loi aux autres. La CFDT estime qu’il faut négocier sans conditions préalable, qu’exiger la capitulation du gouvernement avant tout n’est pas la bonne approche. On peut discuter, sans haine si possible, de cette position, de cette conception du syndicalisme. On est pour ou on est contre, mais elle n’est pas absurde. A ce jour l’histoire lui a donné raison.
Je ne peux que soutenir et approuver ce texte