Au plan européen, la force dominante, l’Allemagne, et son second, la France, ont proposé le 18 mai un « plan de relance » de 500 milliards empruntés sur les marchés. Ce plan, porté depuis à 750 milliards pour la période 2021-2027 (le PIB annuel de l’UE est de 15.000 milliards) s’appuie sur une prétendue mutualisation des dettes permettant d’avancer vers un impôt européen et une accélération de la fédéralisation ; il est prévu en échange d’un gigantesque plan d’ajustement structurel sur le modèle grec au nom bien sûr de la dette, de l’euro et du pacte de stabilité. Au programme : baisse des salaires et pensions, réduction des dépenses de santé et des dépenses publiques, privatisation des secteurs non encore concernés … et la mise sous dépendance austéritaire des peuples livrés à la domination de la « Troïka » (Commission de Bruxelles, BCE et FMI) et aux diktats des marchés financiers.
Deux jours après, le 20 mai, les 5 confédérations syndicales françaises (dont la CGT) et la DGB allemande, membres de la CES (confédération européenne des syndicats), publiaient en toute « indépendance syndicale » une tribune appuyant bruyamment le plan Macron-Merkel tout en défendant une nouvelle fois l’introuvable Europe sociale.
Tournant le dos aux intérêts des travailleurs, ce ralliement sans débat de Philippe Martinez et de la direction confédérale CGT à la construction européenne s’inscrit dans l’entreprise longue de plusieurs années désormais visant à recentrer la « grande dame » et à parachever le long processus d’intégration à la Confédération Européenne des Syndicats et au syndicalisme d’accompagnement des intérêts capitalistes. Cela crée une situation très difficile pour les travailleurs : peuvent-ils désormais compter sur la direction CGT pour les défendre alors que celle-ci valide au plan européen les initiatives les plus anti-sociales et qu’elle valide le cadre de l’UE, stratégie centrale des forces dominantes du capitalisme européen ?
Bien entendu, de nombreux militants, de nombreuses bases syndicales ne l’entendent pas de cette oreille. Depuis plusieurs jours, de nombreuses réactions se développent dans la CGT contre le ralliement et à la volonté d’accélérer son évolution fédérale dans un contexte de crise globale du capitalisme.
Nous publions aujourd’hui la réaction de Laurent Brun, secrétaire général de la Fédération CGT des Cheminots
Non l’Union Européenne n’est pas la sauveuse de notre économie !
Le soi disant plan de relance franco allemand pose en lui même un certain nombre de questions (nouveau recul de souveraineté en matière de politique économique, conditions de remboursement qui pourraient amener une étape supplémentaire vers le fédéralisme, critères de sélection des projets…).
Laurent Brun – SG de la CGT Cheminot – Facebook 21 mai 2020
Mais c’est surtout une gigantesque arnaque idéologique qui vise à présenter l’Union européenne comme la solution à la crise alors qu’elle en est une des causes.
Pour les services publics, par exemple, les règlements de l’Union européenne consacrent l’obligation de mise en concurrence, le principe du « bénéfice raisonnable » (donc de la profitabilité du service public), et surtout les instruments « indépendants » de contrôle bureaucratique et financier qui ont fait grossir les « tetes » administratives et réduire les effectifs de production, un des problème révélé au grand jour dans cette crise.
Je ne développe pas sur le rôle de la banque centrale qui n’aide plus au financement des grands projets mais uniquement à la protection de la bourse et des grands patrimoines, sur les critères de convergence ou les contraintes budgétaires qui imposent aux états la réduction des budgets sociaux, sur la libre circulation des capitaux qui a organisé les délocalisations, etc…
Je ne reviens pas sur le fait que l’UE a été immédiatement au chevet des bourses mais n’a pas organisé une seule seconde la lutte contre l’épidémie (démarches de coopération des labos publics de recherche, mobilisation des forces productives pour fournir masques et matériel… nous n’avons rien vu de tout ça, ils n’ont même pas idée que ça aurait pu être leur rôle tellement ils sont éloignés de la coopération… tout juste parlent ils de raté sur la coordination des mesures prises par les États membres alors que justement cela n’a aucun intérêt car les états ont décidé les mesures en fonction de leurs capacités hospitalières, et des caractéristiques de leur pays).
Tous les maux ne viennent pas de l’Union Européenne mais l’Union Européenne est la caisse de résonance de tous les pires dogmes de l’ultraliberalisme.
Donc je ne soutiens pas le plan de relance européen. Et je regrette profondément la déclaration unitaire des organisations syndicales qui le soutiennent.
https://www.facebook.com/laurent.brun.923/posts/130180968668123