Le 13 mai 2018, le secrétaire général de la CGT Cheminots, Laurent Brun, répondait aux questions d’Initiative communiste, le mensuel du Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF), pour faire le point/poing sur la situation des cheminots[1], en grève depuis début avril et qui résistent vaillamment face au matraquage du gouvernement, de la police… mais aussi d’une presse aux ordres prompte à discréditer par tous les moyens, y compris les plus ignobles et les plus réactionnaires, tout mouvement osant s’opposer à la destruction des services publics opérée par La Régression en Marche. La cause était entendue : si la SNCF se portait mal, c’était à cause du statut des cheminots et de la dette excessive de la compagnie imputable… à la direction responsable d’une politique « tout TGV » suicidaire mais qui, curieusement, n’a fait l’objet d’aucune sanction à l’encontre du directeur Guillaume Pépy[2]… Mais comme l’a très bien signalé Yvan Le Bolloc’h – qui prépare un documentaire en immersion sur le conflit des cheminots : « Les cheminots, c’était le premier bastion à prendre »[3] ; autrement dit, une fois la SNCF transformée en société anonyme (SA) – donc, de fait, condamnée à la privatisation – et le statut des cheminots démantelé, la voie est ouverte pour la destruction de la fonction publique[4] ainsi que de la Sécurité sociale, quitte à lancer des ballons d’essai pour mesurer l’état de résistance de l’opinion publique comme dans le cas de la Sécu[5], des retraites par réversion et des retraites par répartition.
Pourtant, malgré cette destruction en règle opérée contre la République, les fondements de la Sécurité sociale, les services publics, etc., une seule chose obsède les « chiens de garde médiatiques » en cet été 2018 : quand la résistance (pardon, la « prise d’otages » dixit l’ultra-réactionnaire et anticommuniste François de Closets[6]) des cheminots va-t-elle enfin cesser ?!
À l’origine de ce courroux généralisé contre Laurent Brun, cet entretien accordé à notre mensuel en mai dernier, et notamment certaines déclarations suscitant l’effroi au sein de toute une oligarchie médiatique – de fait, l’office de propagande de l’ Élysée : ainsi, le secrétaire général de la CGT cheminots a-t-il osé dire : « Les analyses de Lénine sont toujours d’actualité : il faut à la fois une idéologie révolutionnaire, et une organisation révolutionnaire pour la porter. » Il n’en fallait pas plus pour que l’oligarchie médiatique sonne le tocsin contre le spectre marxiste-léniniste, avec pour double objectif de diaboliser une nouvelle fois le communisme – à cela, nous sommes habitués – mais aussi le combat mené par les cheminots en expliquant que ces derniers mènent une grève… politique, reprenant au passage l’antienne de la totale indépendance syndicale depuis la charte d’Amiens – on appréciera au passage le souci de l’oligarchie médiatique afin que la plus stricte et totale indépendance entre les partis et syndicats soit respectée, avant tout pour empêcher la formation d’un grand parti et d’un grand syndicat de classe.
La charge est donnée par Le Monde dans son éditorial du le 18 juin 2018, intitulé : « SNCF : la grève du rail en échec »[7]. Assumant plus que jamais sa fonction d’organe de propagande, le quotidien « de référence » joue ici le rôle de petit télégraphiste de la ministre des Transports Elisabeth Borne, comme le montre l’extrait suivant :
« Elisabeth Borne a accusé la CGT de mener une « grève politique ». La ministre des transports n’a pas tort. M. Brun a proclamé haut et fort que « dans les mois qui viennent, les cheminots sauront être à la pointe de la contestation de ce gouvernement ».
À défaut de convergence des luttes syndicales, la CGT se place en opposante politique. Dans Initiative communiste – mensuel du Pôle de renaissance communiste en France, un groupuscule en guerre avec la direction du PCF –, M. Brun est encore plus explicite, en voulant imposer « l’idée que nous ne reprendrons jamais le travail sans obtenir satisfaction. Et à ce moment-là, le gouvernement devra reculer (sauf à engager une vraie guerre sociale sur le modèle thatchérien). » Et, n’hésite-t-il pas à ajouter, « les analyses de Lénine sont toujours d’actualité : il faut à la fois une idéologie révolutionnaire et une organisation révolutionnaire pour la porter ». »
Et d’ajouter au sujet de Laurent Brun avec une formule témoignant d’une ignorance et d’une méconnaissance crasses de l’histoire – autant de qualités dignes de la « macronie » : « Il aurait été plus inspiré de se référer à Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF qui, en 1936, affirmait qu’« il faut savoir terminer une grève ». » Sans même entrer dans les détails, on rappellera simplement qu’en 1936, les accords de Matignon accordaient deux semaines de congés payés, la semaine de travail à 40 heures (payée 48 heures), les conventions collectives, etc., et que les grèves (qui rassemblaient des millions de travailleurs) visaient à forcer le patronat réactionnaire à appliquer les accords. C’est dans ce contexte que Maurice Thorez prononça cette célèbre formule, volontairement coupée par le « journaliste » qui oublie la suite de la citation entièrement retranscrite ci-contre : « Il faut savoir terminer une grève dès que la satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées mais que l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications. » Au passage, on admirera « l’analogie » réalisée par le journal détenu par Xavier Niel, grand ami de Jupiter…
Il n’en fallait pas plus pour que la meute médiatique s’engouffre dans la brèche. Le lendemain, invité dans la matinale de France Info à 8h30, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez se voit interpellé par Jean-Michel Apathie, l’un des molosses les plus zélés pour défendre l’ordre établi[8]. Citant Initiative communiste et reprenant le propos de Laurent Brun « Les analyses de Lénine sont toujours d’actualité » au moins deux fois, Apathie apostrophe Martinez – qui, embarrassé de parler de Lénine, a au moins le mérite de répondre en faisant allusion à Marx pour indiquer que deux mondes s’affrontent – et répète le nom de Lénine comme un gramophone apeuré, qui tremble à l’idée que « la lutte des classes [soit] toujours d’actualité », idée à laquelle souscrit Martinez – c’est le minimum !
Mercredi 20 juin, au tour du Canard Enchaîné d’entrer dans la danse, dans un article non signé – au même titre que l’éditorial du Monde – intitulé : « Lénine, ne reviens pas ! », à propos duquel Initiative communiste a d’ailleurs écrit[9]. L’hebdomadaire satirique, habitué à ses foucades anticommunistes[10], ne peut s’empêcher d’ironiser sur la grève des cheminots mais surtout de lancer un lourd jeu de mots évidemment « innocent », et en réalité gravement injurieux, en parlant du « Rouge Brun » au sujet du secrétaire général de la CGT cheminots…
Mais la palme de l’aboiement le plus fort revient sans conteste à Jean-Pierre Elkabbach, l’inénarrable propagandiste – nous n’osons le qualifier de « journaliste » par respect pour la profession – au service du pouvoir, comme l’avait déjà si bien démontré le documentaire Les Nouveaux chiens de garde et qui s’est déjà manifesté à de nombreuses reprises comme lors d’une interview de Philippe Martinez en juin 2016 lors de la lutte menée contre l’infâme loi « Travail »[11]. Cette fois-ci, l’ami de Lagardère, Sarkozy, Macron et compagnie reçoit sur Cnews Laurent Brun le vendredi 6 juillet 2018[12]. D’entrée, le ton est donné par le molosse : « Ceux qui aiment et qui connaissent l’histoire de la CGT sont en train d’assister à l’agonie et à la mort lente de votre syndicat, la CGT ». Il est impossible de retranscrire toutes les saillies d’un propagandiste pour lequel la vieillesse est depuis longtemps un naufrage désastreux, mais concentrons-nous sur son effroi du fait de l’entretien accordé par Laurent Brun à Initiative communiste. S’agaçant de la perte d’argent de la SNCF « provoquée » par les grévistes selon Elkabbach – curieusement moins disert pour évoquer la désastreuse politique « tout TGV » de Guillaume Pépy et de ses soutiens gouvernementaux… –, le molosse, qui affirme que « le gouvernement a négocié », s’émeut sur le fait que « en 2018, « Les analyses de Lénine sont toujours d’actualité » et que Laurent Brun explique fort justement que « il faut à la fois une idéologie révolutionnaire et pour l’incarner une organisation révolutionnaire ». Emporté comme jamais au point de sombrer dans la multiplication des « fake news » – affirmant ainsi au sujet de l’attitude du gouvernement envers les cheminots : « Il n’arrête pas de vous écouter »… –, Elkabbach exprime ses angoisses : « La CGT fait la révolution » ; pas encore, mais nous ne pouvons qu’y inciter ! Et de s’émouvoir de nouveau : « au moment où le monde communiste s’est libéré de cette idéologie, où tout le monde a dit Good Bye Lénine [il faut toujours du globish insupportable dans ces cas…], vous, vous nous dites, en 2018, Lénine est vivant, c’est la résurrection de Lénine, comme si Lénine allait aider la CGT et les Français à régler le monde des robots, de l’intelligence artificielle et des algorithmes. » On appréciera ce procès en archaïsme orchestré par un homme biberonné aux analyses smithiennes datant de près de 250 ans… ; mais peut-on attendre un effort de réflexion de la part d’un individu qui, on en est sûr, n’a jamais lu les analyses de Lénine hautement contemporaines ?!… Et de conclure : « Lénine vivant en 2018, Initiative communiste, Laurent Brun. » Notons que Laurent Brun, lui, n’a pas reculé d’un pouce puisque, tout en continuant d’animer la contestation cheminote, il s’est récemment fait photographier par notre site en arborant le journal « Initiative communiste » sur la poitrine. Enfin des syndicalistes qui ne reculent pas, qui ne s’excusent pas… et qui préparent la contre-attaque ouvrière, que cela déplaise à Apathie, au Monde, à Elkabbach, au journal pseudo-contestataire et lourdement anticommuniste qu’a toujours été le Canard, c’est une bonne nouvelle. Car, comme le disait le militant ouvrier allemand August Bebel, « c’est quand l’ennemi de classe me félicite que je dois me faire du souci » !
Cette séquence au cours de laquelle la presse écrite, télévisée et radiophonique, par le biais de ses principaux organes nationaux, aura exprimé ses peurs et fait preuve du plus crasse anticommunisme primaire, aura eu un double mérite : d’abord, mettre en lumière les profondes angoisses de l’Oligarchie politique, économique et médiatique (OPEM), celles de la lutte des classes, du retour du marxisme-léninisme et de la crainte de la renaissance d’un puissant mouvement communiste structuré et organisé, politiquement et syndicalement ; ensuite, donner raison aux analyses du PRCF, dont le combat en faveur de la reconstitution d’un puissant parti marxiste-léniniste, alliant les drapeaux rouge et tricolore, appelle à la formation d’un large Front antifasciste, patriotique, populaire et écologique, un FRAPPE ouvert à toutes les forces communistes, progressistes et démocratiques contre la destruction des conquêtes sociales et démocratiques, et aux 4 sorties – de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme. Même hégémoniques médiatiquement, tous les chiens de garde acquis à l’ordre établi ne peuvent s’empêcher de trembler en pensant à ces paroles ouvrant le Manifeste du Parti communiste : « Un spectre hante l’Europe : le spectre du communisme ». Pour que ce spectre devienne réalité, encourageons le syndicalisme de combat, affichons notre solidarité à nos camarades cheminots, postiers, étudiants, chômeurs, immigrés, et rejoignez le combat porté par le PRCF !
[1] L’entretien est disponible au lien suivant : https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/entretien-avec-laurent-brun-secretaire-general-de-la-cgt-cheminot-grevesncf-jesoutienslagrevedescheminots/
[2] Voir le lien suivant : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0301803868683-sncf-lhistoire-secrete-de-la-reforme-a-tout-prix-2183341.php
[3] Voir le lien suivant : https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/yvan-le-bolloc-h-les-cheminots-c-etait-le-premier-bastion-a-prendre
[4] Voir le lien suivant : http://www.lagazettedescommunes.com/569700/4-minutes-pour-ouvrir-une-breche-dans-le-statut-de-la-fonction-publique/
[5] Ainsi, alors que L’Humanité signale la volonté des députés LREM de supprimer de la Constitution la référence à la Sécurité sociale (voir le lien suivant : https://www.humanite.fr/modele-social-la-macronie-veut-supprimer-la-secu-de-la-constitution-657752), ces derniers font machine arrière en assurant qu’il s’agit d’un simple malentendu, à l’image de l’escroc Richard Ferrand : https://www.francetvinfo.fr/politique/la-republique-en-marche/lrem-renonce-a-supprimer-de-la-constitution-la-reference-a-la-securite-sociale_2835673.html
[6] Voir le lien suivant : https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/video-sncf-un-journaliste-parle-de-prise-d-otage-en-cas-de-greve-un-syndicaliste-ancien-otage-du-bataclan-lui-repond_2631432.html
[7] Voir le lien suivant : https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/06/18/sncf-la-greve-du-rail-en-echec_5316911_3232.html
[8] Voir l’entretien intégral au lien suivant : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/8h30-aphatie/gel-du-point-d-indice-le-pouvoir-d-achat-des-fonctionnaires-va-de-nouveau-reculer-deplore-philippe-martinez_2786025.html
[9] Voir le lien suivant : https://www.initiative-communiste.fr/articles/billet-rouge-2/initiative-communiste-prend-du-galon-a-propos-dun-article-du-canard-enchaine/
[10] Voir le lien suivant : http://www.reveilcommuniste.fr/2015/03/au-canard-enchaine-chute-libre-dans-l-anticommunisme.html
[11] Voir le lien suivant : https://www.acrimed.org/Le-Monde-maquille-un-interrogatoire-de-Philippe
[12] Voir l’entretien intégral au lien suivant : https://www.cnews.fr/emission/2018-07-06/laurent-brun-invite-de-jean-pierre-elkabbach-787712