La direction de la CGT, pro-CES, vit un congrès agité, alors que les orientations pour un syndicalisme de classe et de masse se voient défendues et renforcées par les délégués.
Alors que l’actuel secrétaire général de la CES L Visentini et son adjoint Tudor, devaient prononcer un discours, les congressistes ont entonné l’Internationale. Et c’est l’indignation et les sifflets qui ont prédominé lorsqu’à plusieurs reprises le nom de Laurent Berger a été annoncé. En effet la CES a fait le choix de désigner le leader de la CFDT, l’organisation réformiste qui a de fait soutenu la totalité des contre réformes anti sociales de ces dernières années, comme président de la CES. Un véritable camouflet pour la CGT qui en demeurant à la CES va se retrouver de fait présider par un Laurent Berger qui en France ne cache pas son intention de détruire la CGT. Après les embrassades avec le maire PS de Dijon F Rebsamen en ouverture du congrès, le ministre du travail de Hollande qui en 2015 a signé les licenciements des 42 élus CGT de Goodyear et qui a fait voté la loi Rebsamen cassant nombre des droits des travailleurs et syndicalistes Martinez doit faire face aux syndicalistes CGT qui veulent une CGT combative, à l’offensive pour défendre les droits des travailleurs.
Le débat sur la CES est enfin ouvert
La journée de mercredi 15 mai devait largement être consacrée au débat concernant les orientations internationales de la CGT. Depuis 1995, la CGT n’est plus membre de l’une des principales organisations syndicales internationale, la Fédération Syndicales Mondiale. Cette dernière regroupe les syndicats et confédérations syndicales de lutte de classe. Elle regroupe plus de 100 millions de syndiqués, avec notamment les principaux syndicats de la classe ouvrières dans les pays émergeants. La CGT avait alors décidé de rejoindre la CFDT au sein de la Confédération Européenne des Syndicats, la filliale européenne de la CSI, l’organisation des syndicats réformistes, créée à l’époque de la guerre froide sous l’égide et les financements des Etats-Unis d’Amériques, pour faire pièce au syndicalisme de lutte et diviser le mouvement syndical internationale. La CES est au demeurant une organisation largement subventionné par la commission européenne, avec obligation de part les traités européens de promouvoir une construction européenne toujours plus resserrée.
Pour faire rentrer la CGT dans la CES, il avait été expliqué que ce serait une manière pour la CGT d’imposer sa ligne de défense des travailleurs au sein d’une organisation qui brille surtout par son accompagnements des directives européennes. A tel point par exemple que la CES n’a rien trouvé à redire aux atteintes aux droits de grève en Grèce, mises en oeuvre pour imposer l’application des memorandum austéritaire imposé par l’UE et la BCE avec le FMI, contre le vote par referendum du peuple grec. Et l’on pourrait multiplier les exemples. Mais le bilan 20 ans plus tard, c’est que la position de la CGT n’a pas progressé et qu’au contraire la CES est, comme cela était dénoncé par ceux qui ont combattu l’adhésion à la CES, a été le moyen d’imposer et de verrouiller une ligne réformiste. En témoigne le choix de Laurent Berger, leader de la CGT, comme président de la CES. Un choix que n’assume pas la direction de la CGT, son représentant Boris Plazzi ose, pour essayer de faire avaler l’énorme pilule, expliquer doctement aux délégués des 600 000 syndicalistes CGT que la présidence de la CES par Berger n’est qu’un titre « honorifique, symbolique ». Honorifique, certainement pas pour la CGT, mais symbolique de ce que l’est CES, assurément.
Le 52 congrès de la CGT vote pour la FSM
C’est un des membres du bureau de la puissante union départementale du Val de Marne (UD CGT94), Benjamin Amar qui a posé la problématique du débat. Appelant à ce que le document d’orientation de la CGT pour les trois prochaines années évoque clairement la « lutte des classes » plutôt que « l’opposition de classe » et récuse le « syndicalisme rassemblé ». Sous les applaudissements, il lance :
« On est resté au milieu du gué. Notre concept, c’est la lutte des classes, pas l’opposition de lutte »
Benjamin Amar, secrétaire générale de l’UD CGT 94
A sa suite, plusieurs interventions ont également demandé l’ajout de « la sortie du capitalisme », du « syndicalisme de classe et de masse » ainsi que de « la grève générale ».
Témoin de la demande générale des syndicalistes CGT de positions claires et offensives pour les travailleurs, une intervention a demandé un amendement du texte pour y remplacer l’expression de « maîtrise publique » soluble dans les directives européennes demandant la privatisation à la travers la délégation des services publics par un bien moins flou « services publics nationalisés ». Signe d’une certaine colère contre le déficit de démocratie syndicale vécu par les délégués au long de la journée, un amendement est également demandé pour indiquer que « le congrès confédéral décide »… Pour contrer la fronde, c’est à J Eliez, de la CGT RATP, pressenti par la direction pour rejoindre le bureau confédéral qu’il revient d’étouffer les demandes. Ce dernier en appelant aux statuts, peine à convaincre.
C’est dans ce contexte que les délégués au congrès de la CGT ont ouvert la discussion sur les affiliations ou désaffiliations internationales.
De nombreuses interventions se sont alors succédées, de la CGT 13, de la CGT 59, et de la CGT 94 pour proposer que la CGT demande un statut d’observateur à la FSM
C’est alors qu’un délégué CGT du 94 demande la mise au voix d’un amendement du point 510 du document d’orientation du congrès, pour y ajouter une simple référence à la FSM
« Pour la CGT, il s’agit de rechercher constamment l’échange et l’unité avec toutes les organisations syndicales possibles, affiliées ou non à la CES, à la CSI et à la FSM »
Amendement à la résolution 501 du document d’orientation du 52e congrès de la CGT
Immédiatement, la commission représentant la direction s’y oppose, sous la présidence d’un Denis Gravouil qui entretient le flou en lançant le vote : plutôt que de demander comme il est d’usage de voter pour ou contre, l’amendement, il demande de voter pour ou contre la décision de la commission. Pour autant le vote est clair, les délégué vote pour l’adoption de l’amendement. Panique à la direction de la CGT, qui se voit désavoué par son congrés et ce devant les représentants de la CES/CSI. Le bureau du congrès demande un nouveau vote. C’est l’indignation générale. Le congrès proteste au cris de « le débat, le débat », à la tribune, un délégué dénonce les manoeuvres « intolérable » de la direction.
Une provocation qui conduit à ce que le second vote du congrès donne une majorité encore plus large à l’amendement en faveur de la FSM. l’amendement est adopté. Très largement. L’orientation pro CES et anti FSM de la direction confédérale de la CGT ne recueille que 34% de soutien, tandis que le vote pro FSM recueille 54.5% des suffrages et que 11.5% s’abstiennent. Rappelons que sous pression, Martinez s’était prononcé contre la FSM dans une déclaration insultante qualification la fédération syndicale mondiale de démocratique, ni de masse.
Au regard de l’ambiance, on peut sans nul doute imaginer que le statut d’observateur de la CGT à la FSM aurait pu être adopté s’il y avait eu un vote, le congrès apparaissant vent debout face à la direction de la CGT et ses orientations. De fait, entre les amendements adoptés contre l’avis de la direction, ce vote cinglant en faveur de la CGT et la timide approbation du rapport d’activité, les orientations réformistes apparaissent en net recul au 52e congrès de la CGT.
la dynamique est pour un syndicalisme de classe et de masse
Dans un congrès marqué par un fort renouvellement militant, puisque pour 8 délégués sur 10 c’est la première participation à un congrès confédérale, la dynamique est clairment pour un syndicalisme de classe et de masse. C’est un très vif mécontentement qui s’exprime à l’égard de la direction confédérale, comme des orientations portées ces 20 dernières années, de syndicalisme rassemblé et de refus d’agir de façon décisive pour le tous ensemble des luttes vers la grève générale interprofessionnelle ou encore plus récemment le refus de converger avec le mouvement des gilets jaunes. Alors que les travailleurs, et le mouvement des gilets jaunes l’illustre, comprennent que la classe capitaliste mène une violente guerre des classes, permanente et utilisant l’arme d’exploitation massive de l’Union Européenne contre eux, les syndicalistes veulent une organisation de combat pour défendre et faire gagner la classe des travailleurs. L’appareil confédéral n’arrive plus à contenir la revendication du rétablissement de ce syndicalisme gagnant. Dépassé, elle ne peut désormais plus empêcher que s’expriment les demandes de tourner la page de ces 20 ans de fuite en avant réformiste vers le syndicalisme rassemblé suivant la CES et la CFDT refusant de mettre en cause l’Union Européenne du Capital comme l’a pourtant fait tout au long de son histoire la CGT. De fait, si la direction confédérale devrait se maintenir et avec elle globalement son orientation, l’unification et l’organisation des forces du syndicalisme de classe dans la CGT, qui ont montré avec le vote sur la FSM qu’elles pouvaient être majoritaire, pourraient ouvrir à courts termes de vraies perspectives.
JBC pour www.initiative-communiste.fr