C’est un jugement cinglant du Conseil d’Etat contre un ordre de Darmanin ministre de l’Intérieur à ses préfets, un ordre violant l’Etat de droit, un ordre liberticide et porteur d’une profonde dérive fasciste, un ordre exprimé dans un télégramme du 7 octobre 2023 aux préfets stipulant » les manifestations pro palestiniennes, parce qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public, doivent être interdites ».
Dans son jugement du 18 octobre 2023, le Conseil d’Etat condamne la « regrettable approximation rédactionnelle du télégramme contesté ». Evidemment, la plus haute autorité administrative dont on constate par ses jugements le tropisme toujours plus affirmé à faire primer de façon extensive les dispositions du L 211 du Code de la sécurité intérieure sur la liberté de manifester fondée sur les libertés individuelles consacrées par la Constitution, s’est appuyé sur des éléments non formulés par le télégramme de Darmanin, des déclarations ultérieures de l’individu et de ses services. Une argutie juridique qui ne masquera pas la conclusion réelle du jugement. En effet si l’association requérante Comité Action Palestine est déboutée, c’est uniquement car la décision du Conseil d’Etat attribue au seul préfet et à la seule motivation spécifique de chacun de leur arrêté le droit de fonder une interdiction de manifester et que l’instruction de Darmanin est ainsi jugé sans portée juridique. Le jugement du Conseil d’Etat stipule ainsi :
« A ce titre, il revient au préfet compétent, sous le contrôle du juge administratif, de déterminer, au vu non seulement du contexte national décrit au point 6, mais
aussi des circonstances locales, s’il y a lieu d’interdire une manifestation présentant un lien direct avec le conflit israélo-palestinien, quelle que soit du reste la partie au conflit qu’elle entend soutenir, sans pouvoir légalement motiver une interdiction par la seule référence à l’instruction reçue du ministre ni la prononcer du seul fait qu’elle vise à soutenir la population palestinienne. »
L’ordre donné par Darmanin est donc sanctionné comme ne fondant pas droit à motiver une interdiction de manifester. Il renvoie au demeurant chaque préfet à sa responsabilité personnelle d’atteinte grave au liberté publique s’il fondait une interdiction de manifester sur cette instruction. Ce qui signifie que la responsabilité de chaque préfet pourra être recherché s’il venait à porter voie de fait contre le droit de manifester.
Ce point de jugement aura produit ses effets, non pas sur les actes des préfets qui continuent d’interdire sous l’ordre non pas juridique mais politique de Darmanin Macron de façon systématique les manifestations pour la paix et en soutien aux droits du peuple palestinien consacrés par le droit international , mais à tout le moins sur les juridictions administratives. Ainsi au soir du 19 octobre le tribunal administratif a cassé l’interdiction de la manifestation parisienne de la place de la République, interrompant ainsi sur le vif le matraquage des milliers de manifestants présents. Dans ce cadre, la question de la qualification judiciaires des violences illégitimes doit être posée.
On observera cependant, et c’est un point qui doit attirer l’attention de chaque citoyen engagé à défendre la paix, dans le contexte d’une circulaire Moretti gravement menaçante pour les libertés publiques, que le Conseil d’Etat estime dans le point 6 de son jugement que
« Les manifestations sur la voie publique ayant pour objet, directement ou indirectement, de soutenir le Hamas, organisation inscrite sur la liste de celles qui font l’objet de mesures restrictives spécifiques dans le cadre de la lutte contre le terrorisme par le règlement d’exécution du Conseil du 20 juillet 2023 visé ci-dessus,
de justifier ou de valoriser les exactions telles que celles du 7 octobre 2023, comme ce fut le cas de récentes manifestations mentionnées par le ministre de l’intérieur et des outre-mer en défense, dont l’une a d’ailleurs été organisée par l’association requérante, sont de nature à entraîner des troubles à l’ordre public, résultant notamment d’agissements relevant du délit d’apologie publique du terrorisme ou de la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence contre un groupe de personnes à raison de son appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion »
De fait, le Conseil d’Etat ouvre la porte à faire valoir des motifs d’ordre public en motivant d’un soutien indirect au Hamas ou à la seule justification des exactions du 7 octobre 2023 en tant que cela relèverait de l’apologie publique du terrorisme ou de la provocation publique au racisme.
Il n’en demeure pas moins que le droit de manifester son soutien au peuple palestinien est consacré. A fortiori celui de manifester plus généralement pour la paix et donc contre les guerres et conflits provoqués par l’impérialisme.
Des appels à manifester, notamment à l’initiative de la CGT et d’un très large rassemblement, sont lancés pour ce dimanche, par exemple à 15h Place de la République à Paris, ou 15h à la porte d’Aix à Marseille.
JBC pour www.initiative-communiste.fr