Cela n’a pas fait beaucoup de bruit. Mais le gouvernement Valls Euro Medef vient de faire un nouveau cadeau aux multinationales, en l’occurrence au géant Microsoft avec un partenariat entre Microsoft et l’Éducation Nationale. Outre le scandale de l’argent public qui va finir dans les poches du géant américain et de ses actionnaires, c’est également le formatage de génération d’élèves qui doit inquiéter, en France.
Et ce au moment, où sous couvert de réforme des collèges, les nouveaux programme et grâce à la destruction rampante du statut des enseignants le gouvernement cache qu’il supprime et affaibli des pans entiers d’enseignement scientifique en prétextant favoriser l’enseignement du « numérique »
Le partenariat indigne de l’Éducation Nationale avec Microsoft
omme on pouvait s’y attendre, le récent partenariat conclu entre Microsoft et l’Éducation nationale (en vue du grand plan pour le numérique à l’école) est sous le feu des critiques. Des associations pointent aujourd’hui du doigt une dangereuse « collusion d’intérêts ».
Au total, ce sont douze organisations qui dénoncent un « partenariat indigne des valeurs affichées par l’Éducation nationale » : des militants du logiciel libre (April, AFUL, Framasoft, Adullact…) aux syndicats d’enseignants – à l’image de la CGT Éduc’Action ou de la SGEN-CFDT. Tous sont remontés contre l’accord de 18 mois dévoilé lundi par la Rue de Grenelle, et en vertu duquel la firme américaine propose aux établissements scolaires français des suites Office 365 Education (avec les versions cloud de Word ou Excel), de nombreuses formations relatives à ses produits, différents outils d’apprentissage du code, etc.
Aux yeux des signataires de ce communiqué, il y a une évidente « collusion d’intérêts ». « Ce partenariat prévoit de présenter une fois de plus aux élèves un logiciel privateur et des formats fermés comme seuls outils incontournables et par voie de conséquence la dépendance comme modèle à adopter. Tout cela tend à renforcer la position dominante de l’entreprise américaine, au détriment des logiciels libres et des formats ouverts, qui pourtant respectent les principes élémentaires de neutralité et d’interopérabilité. » Même s’il est bien précisé que cette convention « ne présente aucun caractère d’exclusivité », on imagine facilement qu’en prenant l’habitude d’utiliser des produits Microsoft à l’école, les enfants et adolescents auront ensuite du mal à se détacher des programmes du géant américain…
« N’hésitez pas à proposer » rétorque le ministère
Si cet accord n’a rien de nouveau (comme nous le soulignions lors la signature le 9 novembre dernier par Satya Nadella, PDG de Microsoft, d’un chèque de 13 millions d’euros au profit de l’Éducation nationale), un tel signal reste très mal vécu par les détracteurs de ce nouveau partenariat. Ceux-ci rappellent qu’il va à contre-courant des positions exprimées par les citoyens lors de la récente consultation relative au projet de loi numérique, notamment. Ils n’hésitent pas à rappeler d’autre part que le candidat Hollande avait toujours déclaré que la jeunesse était sa grande priorité. « Visiblement, une nouvelle fois, la jeunesse et la formation des esprits sont sacrifiées au profit d’intérêts économiques de grandes firmes américaines » raillent à cet égard les signataires du communiqué.
Interpellé sur Twitter par de nombreux internautes, le cabinet de la ministre de l’Éducation a tenté de se défendre en invitant les internautes à lui signaler l’existence de solutions libres. Contactée pour davantage d’éclaircissements, la Rue de Grenelle n’a cependant pas retourné nos sollicitations (pour l’instant).
Le gouvernement refuse de donner la priorité aux logiciels libres
Alors que les participants à la consultation relative au projet de loi numérique ont massivement demandé à ce que l’État privilégie l’utilisation de logiciels libres au sein de l’administration, le gouvernement n’a – sans grande surprise – pas exaucé ce souhait partagé par plusieurs milliers d’internautes. Une « reculade » pour certains, le choix d’actionner d’autres leviers selon l’exécutif.
Parmi les dix propositions les plus populaires de cette opération auto-proclamée de « co-construction de la loi », trois avaient le même objet : promouvoir activement l’utilisation des logiciels libres par les pouvoirs publics (ministères, mairies, écoles, autorités administratives indépendantes, etc.). En somme, les administrations seraient ainsi tenues d’utiliser par principe des systèmes d’exploitation Linux et des programmes de type Libre Office, en lieu et place des traditionnels Windows et autres Word et Excel de Microsoft.
- En deuxième position (2 540 votes favorables) « Utiliser les logiciels libres & GNU/Linux dans les écoles et les universités »
- En troisième position (2 321 votes favorables) « Donner la priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts dans le service public national et local »
- En neuvième position (1 817 votes favorables) « Utilisation [obligatoire, ndlr] de GNU/Linux dans l’administration »
Aux yeux de l’April, l’association de promotion du logiciel libre (à l’origine de la seconde proposition), « les logiciels libres, de par le fait qu’ils peuvent être vérifiés et améliorés par tous, sont une brique de base pour construire une informatique qui soit au service des utilisateurs, donc des citoyens ». Les autres contributeurs mettaient eux aussi en avant l’importance de se protéger contre d’éventuelles portes dérobées qui pourraient permettre bien des choses, comme l’ont démontré les révélations d’Edward Snowden.
Le gouvernement promet des efforts « accrus » en matière de promotion du libre
Problème : la nouvelle version de l’avant-projet de loi numérique ne contient aucune disposition relative aux logiciels libres. Le gouvernement se justifie en affirmant haut et fort qu’il « souscrit pleinement au développement du logiciel libre et de son utilisation, notamment dans l’administration ». Sauf que l’exécutif « souhaite avant tout le faire par des mesures non législatives, par accompagnement sur le terrain et promotion des initiatives des administrations et des agents ». Les « efforts de promotion du logiciel libre seront accrus », promettent par ailleurs les autorités, laissant espérer « une révision de la circulaire [Ayrault] de 2012 » – toutefois conditionnée à « un bilan sur son impact ». Autrement dit, pas question pour l’instant de toucher à quoi que ce soit sur le plan juridique.
Les espoirs de l’April reposent désormais sur les parlementaires
Au vu de l’adhésion qu’a suscitée sa proposition, la pilule a beaucoup de mal à passer du côté de l’April, d’autant plus que le numéro un de Microsoft a été reçu hier en grandes pompes par l’Élysée, où il a signé un chèque de plus de 80 millions d’euros. « Au niveau politique, se contenter d’actions de promotion, verbiage sans aucune contrainte, relève de l’inaction. Le gouvernement ne peut pas se défausser sur des agents publics, qui sans réel soutien, œuvrent chaque jour en faveur du logiciel libre. » Manuel Valls est au passage accusé de faire « fi de l’expression citoyenne ».
Raillant les « déclarations d’intention imprécises » de l’exécutif, l’organisation préfère s’en remettre aux parlementaires, dont elle espère qu’ils introduiront par voie d’amendement des dispositions répondant à « la nécessité, largement exprimée, d’une informatique loyale au service de l’intérêt général ». Certains se souviendront d’ailleurs que depuis 2013, l’enseignement supérieur utilise « en priorité » des logiciels libres, sur décision des députés et sénateurs (voir notre article).
Ces dispositions, alors inédites, avaient suscité pour mémoire la colère des professionnels du logiciel propriétaire. « Cette rédaction est très problématique pour l’écosystème numérique que nous représentons parce qu’elle introduit une discrimination injustifiée entre les différents acteurs du secteur face à la commande publique, en fonction de leurs modèles d’affaires et du type de licences ou de leurs modes de commercialisation » regrettaient à l’époque Jamel Labed, président de l’AFDEL, Guy Mamou-Mani, président du Syntec Numérique et Michel Cosnard, président directeur général de l’Inria.