Nous poursuivons le débat fraternel sur les conditions de l’unité d’action des communistes et sur les bases de la future, et néanmoins urgente, reconstruction du parti de la classe ouvrière dans notre pays, alors qu’une terrible offensive antisociale est en cours
Il est facile de dire que la mouvance communiste – à savoir tous ceux qui refusent à juste titre l’opportunisme social-démocrate de la direction du PCF – serait divisée en une infinité de chapelles. Dans l’ordre des raisons et pas seulement dans l’ordre des choses, les camarades n’ont pas tant d’options possibles. Il faut envisager toutes ces options, non pour s’envoyer des mots à la figure, mais pour précisément sortir des conflits personnels et des divisions purement locales. La mouvance communiste est aujourd’hui appelée à faire un choix entre le léninisme bien compris et :
- ce que j’ai qualifié récemment de menchevisme (voir article paru sur ce site : « L’ « ANC » : du PCF… au PCF?« )
- le gauchisme qui s’ignore des groupes en déshérence
- le sectarisme charismatique des diverses baronnies locales
Suite à mon premier article sur l’ANC, j’ai reçu de nombreuses et fraternelles remarques. Les principales objections portent sur le fait que léninisme, même au sens créatif et renouvelé tel que nous l’entendons, serait dépassé. Précisions donc les enjeux.
Le léninisme est d’autant plus adapté à notre époque que la mouvance communiste court trois dangers, nouveaux pour notre tradition politique :
- Le libéralisme dépolitisant
- L’émiettement local
- La phraséologie gauchiste
Libéralisme dépolitisant : Au lieu d’aborder le problème de face, le menchevisme plus ou moins conscient qu’on nous propose avec l’ANC entend s’adapter à la société, prendre les militants comme ils viennent. Et même s’il est prôné par des cadres sincères et dévoués, et ne peut être considéré comme un désarmement moral, il est avant tout une erreur tactique. Il faut exiger une rupture avec la vie quotidienne, dans l’organisation même. La politique ne peut être vécue sur le mode du hobby personnel, comme dans les partis bourgeois. La dépolitisation générale, la baisse de la culture politique, liées à l’agonie du libéralisme pourrissant, exigent un surcroît de fermeté. Une organisation communiste se doit d’être une contre-culture de rupture où l’organisation est déjà en elle-même créatrice de contenu. Et c’est d’autant plus vrai que nous avons à faire à une offensive terrible contre le monde du travail et la nation : acquis sociaux, pouvoir d’achat des salaires petits et moyens, âge de la retraite et niveau des pensions, services publics et Education nationale littéralement saccagés et humiliés, désindustrialisation massive et politiquement organisée pour déclasser massivement le prolétariat français, paysans travailleurs sans cesse au bord de la faillite, quand ce n’est pas du suicide. Voilà la réalité d’un pays en décomposition sociale et nationale dont les couches populaires – qui sont censées intéresser au premier chef les communistes – n’attendent pas de ces derniers d’interminables échanges « inventifs » sur leur nouvel i-pad, mais une stratégie, une organisation démocratique et disciplinée, une capacité de lancer au bon moment les mots d’ordre justes de la contre-attaque.
L’émiettement local du PCF a produit la mise en valeur nationale, la propulsion à la hauteur de dirigeants nationaux d’acteurs autrefois liés aux réalités locales : secrétaires fédéraux et même secrétaires de section. Ce changement de statut qui est allé avec un affrontement croissant avec la direction – jusqu’à un certain point – ne s’est pas accompagné d’un changement dans leur mode d’organisation, qui reste avant tout charismatique et rappelle par certains côté l’emprise qu’exerçait Ferdinand Lassalle sur les ouvriers allemands (sans oublier les petits arrangements au sommet que permet cette non-ingérence des masses). Vingt ans après la mutation, on voit ce processus stagner : l’impossibilité d’appliquer en interne le centralisme démocratique dans leur fédération ou section ne peut garantir les droits de la minorité et favorise le caporalisme, danger bien réel pointé par les initiateurs de l’ANC mais mal défini selon nous : n’est-il pas fallacieux de l’attribuer à un excès de centralisme démocratique ou de léninisme alors que tout montre qu’il s’agit au contraire d’un phénomène typiquement petit-bourgeois ? Le « chacun compte pour un » n’est rien s’il ne s’appuie pas sur sa contre-partie : quand le vote majoritaire où chacun compte pour un a parlé, tout le monde applique avec discipline ce que la majorité a décidé. Pas la peine d’avoir lu L’Etat et la Révolution de Lénine pour comprendre cela, il suffit d’avoir, ne serait-ce que parcouru, Du contrat social de Rousseau…
La phraséologie gauchiste : Elle est le propre de groupes en déshérence, campant sur un maximalisme stérile et incantatoire comme manière d’esquiver la confrontation démocratique avec la base et l’analyse concrète. Ainsi, un parti récemment créé (sans avoir selon nous atteint la taille critique pour ce faire), reproche-t-il au PRCF de prôner, outre la sortie du capitalisme, la sortie de l’UE, de l’euro (celle de l’OTAN n’étant pas mentionnée). Ce qui, selon eux, laisserait envisager – « péché » inadmissible – la possibilité d’étapes intermédiaires, tandis que l’annonce à son de trompes de la rupture pure et simple avec le capitalisme contiendrait en soi toutes les vertus. C’était à peu près le même raisonnement qu’avait tenu Lutte Ouvrière au moment du traité de Maastricht (inutile de dire non à l’UE, puisque nous sommes contre l’ensemble du système). On sait ce qui en est résulté. Et l’on voit bien que le gauchisme, qu’il se prétende trotskyste, maoïste ou stalinien, reste le gauchisme, c’est-à-dire un corps étranger au léninisme, quoi qu’il en dise.
Résumons-nous :
Contre le menchevisme : l’organisation.
Contre le caporalisme des baronnies locales : le centralisme démocratique
Contre la phraséologie gauchiste : l’analyse concrète des situations concrètes qui émerge de la force de l’organisation et des débats démocratiques.
C’est d’abord dans les luttes que nous fédérerons tous les communistes qui entendent le rester. Mais c’est aussi par la défense de nos principes politiques que nous avancerons au plus vite. Le léninisme coïncide à peu près avec l’invention du moteur à explosion. On peut certes revenir aux calèches. Mais on n’ira pas loin.
Aymeric Monville, 29 janvier 2015
Bonjour camarades. je suis avec beaucoup d’attention tout ce qui se dit sur le communiste, les communistes et je reçois votre excellent journal. je ne veux pas rentrer dans les débats( pour l’instant). Comme je vous estime je tiens à attirer votre attention sur un fait majeur qui risque de faire achopper votre action sur les mêmes impasses que tous les « rassemblements » et « associations » de communistes, c’est l’oubli notoire des femmes et de la question du féminisme. Vos affichettes présentent un visage masculin de la classe ouvrière et nous voila repartis pour un tour. j’ai écrit de nombreux articles sur l’articulation nécessaire luttes de classes/luttes féministes. Le refoulé constant de la place des femmes et de la fonction du féminin dans les organisations révolutionnaires est un contresens sur ce que signifie le mot « révolution ». Si le mot « révolution » désigne comme les planètes, le retour à la même place alors oui nous y sommes. mais je vois que vous ne parlez plus révolution mais « progressisme ». Alors oui nous voila repartis pour un tour…Amitiés. Nicole-Edith Thevenin
bien sûr.
Tu noteras camarades que les affiches et visuel du PRCF ne représente pas exclusivement des hommes. Loin de là.
Tu es d’ailleurs la bienvenue au PRCF pour y renforcer l’action des femmes.