1 Ce qu’est une crypto-monnaie, au sens du ‘bitcoin’, ‘Ether’ ou autres…
Dans crypto, monnaie il y a deux termes, hétérogènes : l’un renvoie à ce qui autorise les échanges, l’équivalent universel et, ce, quelle que soit sa forme ; l’autre renvoie à une procédure électronique : les chaînes de blocs – en globbish : ‘blockchain’.
1.1. La monnaie
Il s’agit ici de la monnaie des échanges marchands dans le mode de production capitaliste, une abstraction, mais dans le concret des formations économiques et sociales dont l’infrastructure économique est régie par la loi de la valeur.
Et ce qui s’échange, encore une fois quelle que soit la forme de l’équivalent universel, c’est-à-dire de la monnaie, c’est du temps de travail, humain, en général, abstrait, social …
Évidemment ceci échappe complétement à la vulgate économique qui, de ce fait, se débat dans d’étranges constructions et d’insondables contradictions.
Sur ce sujet nous n’avons pas à argumenter plus avant.
1.2. Le cryptique
Pour nous, la chose est ici un peu plus compliquée, car la crypto-monnaie est inséparable d’une technique de communication électronique, la chaîne de blocs.
Pour commencer, reprenons la définition de base que l’on retrouve dans tous les textes que l’on trouve sur les sites consacrés à ce thème.
- La chaîne de blocs
« La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle (définition de Blockchain France). «
Source : blockchainfrance.net
Le site du ministère de l’Économie et des Finances donne le terme français : chaîne de blocs.
Et le texte se poursuit ainsi :
« Par extension, une blockchain constitue une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. Cette base de données est sécurisée et distribuée : elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne. »
Puis ainsi :
« Il existe des blockchains publiques, ouvertes à tous, et des blockchains privées, dont l’accès et l’utilisation sont limitées à un certain nombre d’acteurs.
Une blockchain publique peut donc être assimilée à un grand livre comptable public, anonyme et infalsifiable. Comme l’écrit le mathématicien Jean-Paul Delahaye, il faut s’imaginer « un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible. »
Mais ici, précisons que publique ne renvoie pas à étatique mais à la possibilité pour chaque individu d’intégrer cette chaîne. On pourrait dire chaîne ‘ouverte’ par opposition à une chaîne ‘fermée’.
- La connexion base de données / monnaie
Ici c’est simple, la technique de chaîne de blocs est apparue précisément par et pour une monnaie : le ‘bitcoin’ dont on nous dit qu’il a été développé par un inconnu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto.
- La crypto-monnaie : comment ça marche
« Une crypto-monnaie, dite aussi crypto-actif, crypto-devise, monnaie cryptographique ou encore cybermonnaie, est une monnaie émise de pair à pair, sans nécessité de banque centrale, utilisable au moyen d’un réseau informatique décentralisé. »
Source Wikipédia
Notons-le dès maintenant une telle définition de la crypto-monnaie est complétement contradictoire avec l’existence d’une banque centrale.
Un actif limité
Aujourd’hui (2 décembre 2020), 18,5 millions de bitcoins sont en circulation pour un total prévu à l’origine de 21.000.000. Mais divisible au 100 millionième ce qui ouvre un gigantesque domaine de pratiques spéculatives. En janvier 2021 plus de 18.000.000 de bitcoins ont été émis, 3 millions ont été perdus ; il y a donc 15 millions de bitcoins en circulation. On ne s’étonnera donc pas que les vendeurs devenant de plus en plus rares et la demande toujours forte le cours soit à la hausse.
Un actif hautement spéculatif
Les crypto-monnaies n’ont, par définition, pas de valeur intrinsèque. On les achète contre des dollars. Et elles n’ont d’existence qu’après conversion en dollars. Elles ne sont pas ‘mesure de valeurs’ et n’ont pas de référence à l’or en tant que temps de travail abstrait. N’ayant pas d’assises économiques et sociales, elles sont soumises purement et simplement aux mouvements de flux et de reflux et donc hautement spéculatives.
Il est de fait très difficile de repérer l’utilisation en tant que numéraire des crypto-monnaies. En fait les ‘crypto-monnaie tel le bitcoin ne peuvent pas jouer le rôle de moyen de paiement précisément à cause de leur volatilité.
Comment accepter pour paiement 10 bitcoins qui valent aujourd’hui 200.000$ quand demain ils ne pourraient valoir que 20.000$ ?
La recherche d’un étalon stable fut l’une des affres de l’économie politique classique anglaise, et une des raisons de son fourvoiement, faute d’avoir perçu derrière le travail la force de travail.
Il existe certes une crypto-monnaie non volatile : le Theter qui vaut invariablement 1 $ dont il n’est de fait qu’un autre nom.
Il est donc assez surprenant que des acteurs institutionnels ayant des fonds gigantesques à gérer choisissent le bitcoin comme actif de couverture. Pourtant des investisseurs institutionnels achètent des ‘bitcoins’ comme actif de couverture, c’est-à-dire pour se prémunir, sur le long terme, contre les risques sur d’autres actifs. En décembre 2020, les institutionnels qui détiennent des bitcoins dans une optique de long terme détiennent 77% des 14,8 millions de bitcoins déjà émis et encore en circulation !
Mais ici le bitcoin joue le rôle de réserve de valeur non comme une monnaie mais plutôt comme une œuvre d’art.
En janvier 2017 le bitcoin valait 1.012,34 $ ; 23.196,20$ le 22 décembre 2020. Le dimanche 3 janvier 2021 le bitcoin valait 34.366,15$, record historique puis il a perdu 17% en séance pour se stabiliser en fin de journée à -5%
Un actif hautement secret
Il semble assez évident que le cryptage des transactions et l’existence de plateformes privées permettra un usage massif des crypto-monnaies pour le blanchiment d’argent.
C’est bien la crainte de l’AMF (Autorité des marchés financiers) et de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) qui ont publié une directive pour le contrôle des transactions et la conservation des actifs numériques. Ces autorités ne parlent d’ailleurs jamais de crypto- monnaie mais d’actifs.
- Les dangereux ‘rêveurs’ : l’ETHERUM-ETHER, un parfum d’anarchie de droite
Les crypto-monnaies agissent sur certaines personnes comme le font les champignons hallucinogènes. Nous citons le site Paymium, plateforme d’échange de crypto-monnaies : « Bitcoin est la première monnaie native du web construite sur Internet par et pour le peuple. Nous pensons que cette expérience décentralisée entraînera des changements fondamentaux dans notre société… »
On est donc en pleine pensée libertarienne, sous influence !
Le problème est que non seulement la monnaie ne se prête pas à une gestion libertaire, puisqu’ elle est par définition ce qui permet les échanges entre tous mais le bitcoin n’est pas une monnaie.
Sauf à quelque catastrophe spéculative, on ne voit pas bien quels changements se profilent.
2 Peut-il y avoir des monnaies privées (évidemment) cryptées ?
Sans doute dans le prolongement des évolutions décrites, mais pour partie en rupture, un seuil est franchi avec les projets de monnaies privées. Il existe plusieurs projets de telles monnaies privées, conçues pour régler des transactions commerciales. Le plus connu est le projet du fondateur de Facebook, la monnaie Libra.
En juin 2019, le monde de la finance est en émoi. Facebook est en passe de lancer le ‘Facebook coin’. Le matin du 18 juin, Marc Zuckerberg annonce la création avec une vingtaine de partenaires du ‘Libra’.
D’abord pensée comme une monnaie basée sur un panel de monnaies : dollar, euro, yen, le Libra (ou la Libra ?) n’existera (dès janvier 2021 nous dit-on) que conçue comme une réplique du dollar et n’aura donc cours que pour solder des transactions exprimées en dollar.
Elle aura cours au sein des utilisateurs des plateformes des réseaux sociaux : Facebook, Instagram, Messenger……pour régler leurs dépenses. Un utilisateur de Facebook pourra potentiellement acheter des produits et payer en ‘Libra’ via ces réseaux.
Mais dès qu’il faudra sortir de ce réseau, la conversion s’imposera, en dollar dans un premier temps et Le Libra ne sera que le signe d’un signe.
Lorsque le Libra sera basé sur un panier de monnaies, la conversion s’effectuera en confrontant le cours d’une monnaie à celui du panier.
On doit ici, au-delà du champ restreint de fonctionnement de cette monnaie, se demander ce qu’il adviendrait de cette monnaie si Facebook devait être démantelé ?
« La monnaie est ainsi devenue une simple ligne de code « (DB professeur d’économie à Telecom Paris Tech)
Oui mais. Le Libra n’évolue pas dans l’éther monétaire. Pour sa stabilité- on dit désormais stablecoin- (toujours en globbish) il est référé à une ou plusieurs devises : exemple panier d’euros, dollars, livre sterling….On paye en Libra d’accord mais il y a aura bien un compte débité et un compte crédité.
Il faudra bien solder ou alors définir une valeur ‘intrinsèque’ du ‘Libra’ qui fonctionnera alors précisément comme une monnaie privée.
Mis il y aura d’autres monnaies privées et aussi des monnaies publiques. Paiera-t-on les salaires en monnaie privée et les impôts aussi ?
On remarquera enfin que ‘Libra’ renvoie aussi au libertarisme.
Si on rapproche cette remarque du délire qui s’est emparé des fanatiques du bitcoin, on doit mener deux réflexions :
- Les motivations profondes des promoteurs des crypto-monnaies sont autant de l’ordre du psychologique, comme intériorisation des courants de pensée charriés par les évolutions des sociétés, expression d’une volonté de pouvoir que d’ordre sociologique comme manifestation de ces mêmes courants souterrains.
- On ne peut faire l’économie d’une analyse des interactions dialectiques entre progrès, voire révolutions techniques et les changements sociaux. On pourrait même pousser à une forme de prospective. Après tout, la vie des crypto-monnaies suivra le cours de toute chose en régime capitaliste : prolifération, concentration, monopole. À terme, le monde ne devrait plus être divisé en nations mais en quelques grands empires économiques privés, ayant alors chacun ses règles sociales et donc sa monnaie. Exactement comme dans la bande dessinée ‘le Lazare’.
- Qu’est-ce qu’une monnaie numérique publique ?
3. 1. L’argent liquide contre les autres formes de la monnaie : déclin ou persistance ? ou la lente disparition des mouvements physiques
Il faut au préalable évoquer un autre phénomène qui vient percuter l’analyse de la monnaie qui explique les formes qu’elle a pu prendre : la bancarisation du salaire.
En effet si 3 modes de paiement des salaires sont autorisés un paiement par virement bancaire, un paiement par chèque barré, un paiement par espèces si le salaire est inférieur à 1.500 euros net et si le salarié en fait la demande ; il est clair que, dans l’immense majorité des cas, le salaire est versé directement sur le compte du travailleur.
Or ceci a 2 conséquences, la possibilité de déplacements de numéraire dématérialisés et l’apparition d’opérateurs non-bancaires.
Les techniques mais aussi les rapports sociaux évoluant, de plus en plus de transactions sont dématérialisées. Il y a, relativement, de moins en moins de transactions impliquant la circulation d’espèces. La pratique grandissante des virements, des prélèvements permanents ainsi que l’usage de plus en plus fréquent des cartes bancaires restreignent drastiquement le champ de la circulation des espèces physiques.
Puis les évolutions se précipitant et les nouveaux usages sociaux modifiant les rapports de force entre acteurs économiques et financiers, les industriels ou les commerçants ont pu créer leur propre système de paiement après avoir créé leur propre système de distribution. Mais pas leur propre monnaie à ce stade.
Il s’agit d’un système de paiement hors banque mais qui mouvemente des comptes bancaires, qui n’est qu’un pur système technique de débit d’un compte/crédit d’un autre et éventuellement au passage opération de change.
On connait ‘Apple pay’ mais l’exemple le plus frappant est celui de Ant (la Fourmi) la banque d’Ali Baba, le géant chinois du commerce en ligne.
3.2. Les projets et réalisations des banques centrales
De nombreux pays et donc leur banque centrale, ou encore des organismes supra nationaux, ont décidé de créer des ‘crypto-monnaies’.
Ici ‘crypto-monnaie’ a un sens : ce sont des monnaies au sens plein du terme, c’est-à-dire remplissant bien toutes les fonctions d’une monnaie.
Mais elles sont virtuelles : elles n’ont d’existence que numérique et donc bien évidemment, pour des raisons de sécurité, sont cryptées.
Donc rien à voir avec le bitcoin ou autres dites ‘crypto-monnaies’.
Voici, tel que décrit par un membre du directoire de la Banque Centrale Européenne, le projet de l’Union Européenne : « un euro numérique qui existerait parallèlement aux espèces : ensemble ils donneraient accès à des modes de paiement simples et gratuits…’ et la numérisation pourrait révolutionner l’univers des paiements ». Projet plus réaliste que chez les adorateurs du bitcoin puisqu’on cantonne la révolution aux seuls moyens de paiement.
La BCE est encore dans les projets. La Suisse, la Chine en sont à l’étape des tests ; la Suède s’apprête à lancer sa propre monnaie numérique ; une monnaie numérique circule aux Bahamas, le Brésil a lancé son ‘pix’. Et les choses iront s’accélérant.
En décembre 2020 la Chine a lancé un test à Suzhou, ville de 10 millions d’habitants et pour 20 millions de e- yuan. Il est intéressant de noter que la technologie sous-jacente n’est vraisemblablement pas celle des ‘chaînes de blocs’ jugée trop lente pour supporter un si grand nombre de transactions. Exit donc la liaison ‘chaîne de blocs’- monnaie numérique
Il existe un projet de monnaie numérique, dit Helvetia, porté par la Banque des règlements Internationaux, la Banque Nationale Suisse et un groupe privé pour la création d’une monnaie numérique de banque centrale ayant un compte auprès de la BRI. Rappelons qu’une monnaie de ce type existe déjà : les DST du FMI.
On peut ici constater qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’une nouvelle forme du signe monétaire. Si cela peut entraîner des modifications importantes dans le fonctionnement du système financier, donc une sorte de révolution technique, mais interne, limitée à ce domaine, en tout cas à court et moyen terme. À long terme comme disait Keynes ‘nous serons tous morts’.
Résumons et concluons.
Il existe trois réalités distinctes derrière lesdites ‘crypto-monnaies’
Premièrement les actifs spéculatifs qu’on appelle couramment crypto-monnaie bien à tort puisqu’il ne s’agit pas de monnaie mais d’actifs financiers hautement spéculatifs et probables vecteurs du blanchiment d’argent sale.
Deuxièmement les monnaies numériques publiques développées par plusieurs pays et même internationalement par la BRI. Mais ici il ne s’agit que d’un changement technique autorisé par l’informatique.
Troisièmement les monnaies numériques privées, phénomène plus complexe, est sans doute plus inquiétant. Avec en arrière-plan l’idéologie libertarienne, la destruction des États, l’emprise croissante des monopoles financiers sur la vie publique et à terme leur domination absolue
Ces monnaies privées sont appelées à ronger l’espace public de l’intérieur. Bois vermoulu bouffé par les termites
Le projet n’est pas d’ordre technique mais politique. Le but est de détruire les États, donc les nations.
De ce point de vue, convergence des offensives supranationales et mise en place de monnaies privées est évidente.