Le journal le Monde a ouvert ses colonnes à plusieurs économistes, dont nombre sont au demeurant des libéraux ou des soutiens des systèmes de retraites par points, et leurs analyses viennent démontrer à qui pourrait encore en douter que le plan Macron de contre-réforme des retraites par points est une catastrophe. Aussi peu universel qu’il est injuste, ce plan va aboutir à une baisse massive des pensions de retraites et un recul de l’âge de départ à la retraite.
La baisse de 30% des pensions confirmée
Nous en avions fait la preuve par le calcul pour les travailleurs du privé, la contre- réforme des retraites par points c’est une baisse de l’ordre d’un tiers des pensions de retraites pour les travailleurs du privé (régime général et complémentaire Agirc/Arco). (lire ici).
Ce calcul est également confirmé pour les travailleurs du public par les travaux de Sterdyniak qui évalue à 32,4% la baisse en moyenne des pensions de retraites pour les agents du public avec le système Berger-Macron. Une baisse qui n’a rien de surprenante quoiqu’en dise le gouvernement puisqu’elle correspond en tout point à l’objectif de fond de la réforme : réduire de 0,5 point la part des retraites dans le PIB, c’est-à-dire en moyenne le niveau des retraites d’environ 22 % d’ici à 2050
L’économiste approfondit son analyse en montrant que le million d’enseignants qui s’occupe de nos enfants verront, malgré la propagande gouvernementale, leur niveau de pension de retraite s’effondrer.
L’étude d’impact du projet de loi démontre … une baisse obligatoire des pensions de retraites
Zaidman, experte des retraites, explique que l’objet de la loi est de faire baisser le rapport de la pension moyenne sur le revenu d’activité moyen de plus de 15 points (celui-ci passant de 65,8 % en 2017 à 50 % en 2050). Ce qui signifie de façon concrète la baisse du niveau de vie des retraité d’au moins 15 points en moyenne.
Une analyse confirmée par l’étude d’impact, d’après l’analyse de Boizo qui indique » L’étude d’impact est assez claire sur l’évolution des dépenses de retraite : elles passeraient de 13,8 % du produit intérieur brut (PIB) du pays aujourd’hui à 12,9 % en 2050, soit une baisse de 0,9 point de PIB « . En ordre de grandeur, 0.9% du PIB 2019 (2583 milliards d’euros) c’est 23 milliards d’euros. Actuellement il y a 14 millions de retraités. Cette baisse est donc tout sauf négligeable puisqu’elle équivaudrait en moyenne à une baisse de 1650 € pour chacun d’entre eux, pour une pension moyenne de 1500 € actuellement. Ce qui signifie que l’étude d’impact écrite par le gouvernement et dont les chiffres et analyses sont très contestés et contestables, acte noir sur blanc une baisse des retraites en moyenne de l’ordre de 50% en parité de PIB.
JBC pour www.initiative-communiste.fr
Retraites : « L’étude envisage une forte paupérisation des enseignants et plus généralement des fonctionnaires »
Tribune. La réforme des retraites a pour objectif de mettre en place un régime par points. Le niveau de la retraite dépendra de l’ensemble de la carrière, primes comprises. Les fonctionnaires seront donc particulièrement affectés puisque jusqu’à présent, ils ont droit à une retraite représentant 75 % du traitement indiciaire des six derniers mois de leur carrière (hors primes). Le principe selon lequel tous les fonctionnaires qui ont atteint le même grade doivent avoir la même retraite, considérée comme une rémunération différée, serait tout simplement oublié.
En moyenne, le traitement de fin de carrière d’un fonctionnaire représente actuellement 123 % de son salaire moyen de carrière. Dans le nouveau système, qui annonce un taux de cotisation ouvrant des droits de 25,31 % et un taux de rendement de 5,5 %, le taux de remplacement à 65 ans, après 42 années de carrière, serait sur le salaire moyen de 58,47 % (soit 25,31 × 5,5 × 42/100). Sur le salaire de fin de période, il serait de 47,65 % alors qu’il est aujourd’hui de 70,5 % pour un enseignant dont les primes sont de 9 % du traitement – soit une baisse de 32,4 %.
Ce chiffre n’est pas étonnant puisque la réforme vise à réduire le niveau relatif des retraites d’environ 22 % d’ici à 2050, afin de réduire de 0,5 point la part des retraites dans le PIB, ce malgré une hausse de plus de 20 % du nombre des retraités. La baisse relative du niveau des retraites des fonctionnaires avait été assurée jusqu’ici par la stagnation du point d’indice de la fonction publique, dont le pouvoir d’achat a diminué de 15 % depuis 2000.
Malheureusement, ces informations sont totalement masquées dans l’étude d’impact associée au projet de loi.
Hypothèses
L’étude d’impact présente plusieurs cas types de fonctionnaires. Le principe général de l’étude n’est pas de comparer la situation après application de la réforme à la situation actuelle, mais de la comparer avec une situation imaginaire, qui serait la perpétuation de la dégradation de la situation actuelle poursuivie jusqu’en 2070. Par ailleurs, il est fait l’hypothèse que le taux de rendement du nouveau système restera à 5,5 %, ce qui n’est pas garanti par la loi. Celle-ci permet, au contraire, de faire évoluer ce taux jusqu’en 2045, en fonction des « contraintes d’équilibre financier » du régime. L’étude fait aussi l’hypothèse que le coût de la valeur d’acquisition du point ne progressera, de 2025 à 2045, que de la moitié de la hausse du pouvoir d’achat du salaire moyen. Elle fait enfin l’hypothèse que les droits acquis jusqu’en 2025 seront garantis selon la méthode dite « à l’italienne » (c’est-à-dire selon le traitement de fin de carrière), alors que l’article 61 de la loi se contente de laisser sur ce point le champ libre à une ordonnance. De plus, l’étude suppose que l’âge pivot restera à 65 ans, alors que, selon la loi, il devrait passer à 66 ans pour la génération 1987 et à 67 ans pour la génération 1999.
Prenons le cas d’un professeur certifié né en 1953 prenant sa retraite en 2020. Son dernier traitement est de 3 889 euros bruts et son taux de prime de 9 %. Dans le système actuel, sa retraite est de 75 % de son dernier traitement, soit 2 917 euros brut, auxquels s’ajoutent environ 23 euros du régime additionnel de la fonction publique (RAFP) sur ses primes, soit une pension totale d’environ 2 940 euros. Dans un système par points, sa retraite serait calculée sur l’ensemble des salaires de sa carrière, mais aussi des primes et d’une revalorisation selon la hausse du salaire moyen dans l’ensemble de l’économie. Sa pension serait alors de 2 197 euros, soit une perte de 743 euros par mois (25,3 %) par rapport au système actuel.
Une baisse de 32 % pour un professeur certifié
L’étude d’impact présentée par le gouvernement prend le cas d’un professeur certifié, cette fois-ci né en 2003, prenant sa retraite à 65 ans en 2067, dans 47 ans. L’étude fait l’hypothèse que, durant ces 47 années, le salaire moyen de l’ensemble des salariés et le SMIC augmenterait de 1,3 % par an en pouvoir d’achat – ce qui est peu crédible compte tenu du ralentissement constaté de la productivité du travail et des contraintes écologiques, mais passons ce détail. Selon l’étude d’impact, l’indice des traitements de la fonction publique resterait fixe en pouvoir d’achat, mais le taux des primes des professeurs monterait de 9 % à 20 %. Ainsi, le pouvoir d’achat du salaire d’un professeur certifié à un échelon donné n’augmenterait que de 0,2 % par an, entièrement grâce aux primes. Ce qui implique que le salaire d’un professeur certifié à dix ans de carrière passerait de 1,65 fois à 0,97 fois le smic, une baisse de 32 %. L’étude d’impact envisage donc ouvertement une forte paupérisation des enseignants (et plus généralement des fonctionnaires) par rapport au niveau de vie moyen des Français. Lire aussi Réforme des retraites : les calculs trompeurs d’une « étude » sur les primes des fonctionnaires
Dans cette situation, selon l’étude d’impact, le professeur partirait à la retraite à 65 ans avec une pension de 2 990 euros avec le système actuel prolongé, et de 2 921 euros avec le système à points. Ces 2 921 euros sont certes proches des 2 940 euros actuels, mais exprimés en rapport au salaire moyen de l’économie, la baisse atteint 46 %. Si ce professeur, en partant à 67 ans, augmente sa pension jusqu’à 3 460 euros, celle-ci représenterait encore une baisse de 36 % comparée au salaire moyen. Encore faut-il que l’âge pivot ne soit pas augmenté. Dans tous les cas, les enseignants retraités seront encore plus paupérisés que les fonctionnaires actifs.
Il faut donc choisir entre deux hypothèses : soit le gouvernement envisage effectivement une forte paupérisation des fonctionnaires, la baisse relative de leurs salaires entraînant automatiquement une baisse de leurs retraites ; soit l’étude ne l’a envisagée que comme un stratagème pour masquer la forte baisse du taux de remplacement. Est-il acceptable qu’un gouvernement présente ainsi des données fallacieuses dans un document destiné à éclairer le débat public et le vote des parlementaires ?
Henri Sterdyniak est économiste, chercheur affilié à l’OFCE, coanimateur des Économistes atterrés, auteur, avec Gaël Dupont, de « Quel avenir pour nos retraites ? » (La Découverte, 2000).
Catherine Zaidman : « Un tel choix revient clairement à programmer la baisse du niveau de vie des retraités et donc à remettre en question notre pacte social »
Tribune. La réforme des retraites entend renforcer l’adaptabilité du système au contexte économique et démographique en fixant une norme de dépenses à ne pas dépasser : la loi organique introduit une « règle d’or » imposant que les paramètres du nouveau régime soient ajustés à l’évaluation quinquennale des déficits prévisibles.
Mais, paradoxalement, ni les textes de loi ni l’étude d’impact qui y est associée ne présentent de chiffrage permettant d’évaluer les moyens d’atteindre cet objectif d’équilibre financier. Aucun tableau n’est en effet disponible présentant à court, moyen et long terme l’ampleur des besoins, qu’il s’agisse des coûts de transition liés au déploiement de la réforme, des mesures de compensation prévues pour certaines catégories socioprofessionnelles pénalisées, ou encore des mesures sociales annoncées, comme par exemple celle relative au minimum de pension fixée à 85 % du SMIC. Rappelons d’ailleurs sur ce point qu’un tel objectif était déjà fixé dans le cadre de la loi Fillon de 2003, mais qu’il n’a jamais été tenu… faute de marges de manœuvres financières disponibles.
La seule chose que l’on sache, d’ailleurs de façon indirecte à la lecture de l’exercice macroéconomique associé, est que cette réforme dite « systémique » « a été calibrée de manière à aboutir au même niveau de dépenses à terme » que dans les exercices du Conseil d’orientation des retraites (COR) de juin et novembre 2019.
Un décalage progressif de l’âge d’équilibre
Étrange choix qui conduit à afficher, pour une réforme d’ampleur inégalée, une diminution de la part des dépenses de retraite dans le produit intérieur brut (PIB). En l’absence de réforme, le COR avait en effet estimé, en juin 2019, que la part des dépenses dans le PIB baisserait de 0,6 point (de 13,8 % aujourd’hui à 13,2 % en 2050). Dans l’étude d’impact de la réforme menée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), cette baisse serait même plus prononcée du fait des hypothèses retenues concernant les règles d’âge : elle atteindrait 0,9 point, passant ainsi de 13,8 % aujourd’hui à 12,9 % en 2050.
Alors que l’exercice du COR ne fait, à législation inchangée, aucune hypothèse d’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour avoir le taux plein au-delà des 43 annuités prévues par la loi Touraine de 2014 pour la génération 1973, l’étude d’impact retient en effet explicitement un décalage progressif de l’âge d’équilibre pour les générations postérieures à 1975 de 1 mois environ par génération, en cohérence avec l’augmentation projetée des gains d’espérance de vie (avec pour règle de partage 2/3 de durée de vie active et 1/3 de durée de vie en retraite). L’âge de départ moyen à la retraite dans le système universel serait ainsi de 65,2 ans pour la génération 2000, contre 64,5 ans avant la réforme.
Notons toutefois que les résultats présentés par la CNAV n’ont qu’une valeur très relative. Ils comportent de nombreuses hypothèses conventionnelles (choix de l’âge pivot pour la première génération concernée par la réforme, par exemple), méthodologiques (modalités de simulation des dispositifs de solidarité), mais surtout restent incomplets, n’ayant pas pu prendre à ce stade l’ensemble des dispositifs de compensation en cours de négociation, ni même les montées en charge des barèmes de cotisations.
Un exercice budgétaire lacunaire
Mais comment aurait-il pu en être autrement, puisque aucun tableau de financement global n’est disponible ! L’exercice était évidemment impossible, puisque cela aurait supposé que nombre des vingt-neuf ordonnances prévues dans le texte de loi soient stabilisées. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le Conseil d’État, dans son avis rendu les 16 et 23 janvier, ait mentionné un exercice budgétaire lacunaire.
Résultat de l’exercice technique du COR, chargé d’éclairer la décision publique sur les tendances de long terme du système à paramètres inchangés, il est tout à fait inconcevable que ce choix de calage financier soit repris tel quel dans un texte d’orientation politique, sans qu’aucun débat ait été ouvert sur cette question centrale.
Un tel choix revient, très clairement, à programmer la baisse du niveau de vie des retraités et donc à remettre très nettement en question notre pacte social.
Dans le rapport du COR de juin 2019, les conséquences de ce choix apparaissent clairement. La baisse de la part des dépenses de retraite dans le PIB, associée à une augmentation relative du nombre de retraités par rapport aux actifs, affecte directement le niveau de vie relatif des retraités : le rapport de la pension moyenne sur le revenu d’activité moyen baisserait de plus de 15 points (celui-ci passant de 65,8 % en 2017 à 50 % en 2050), entraînant ainsi une baisse également de 15 points environ de l’indice du niveau de vie (celui-ci passant de 106 % entre 2014-2017 à 90 % environ en 2050). Ce constat bat en brèche les propos rassurants de certains commentateurs, expliquant dans tous les médias qu’il n’y avait aucun problème puisque le projet de loi précise que le montant des pensions ne peut baisser et sera même indexé sur les prix.
La richesse s’exprime en valeur relative et non nominale
C’est en effet oublier totalement que la richesse s’exprime en valeur relative et non nominale. C’est comme si on disait à un retraité qu’il devra se contenter d’acheter des produits et services de 20 ans d’âge ! Ces commentateurs ne semblent pas avoir pris la mesure de l’impact des hypothèses retenues sur le niveau de vie des retraités : une retraite indexée sur l’inflation pendant vingt ans équivaut à une baisse relative des retraites par rapport aux revenus d’activité de 20 % environ en termes de « pouvoir d’achat », dans le cadre d’un scénario de croissance du PIB réel de 1,3 % par an sur la période.
Il est très surprenant qu’une question aussi essentielle ne soit à aucun moment présentée dans l’étude d’impact ; aucune donnée sur les résultats de l’exercice de projection en termes de taux de remplacement de la retraite par rapport aux revenus d’activité, ou encore de niveau de vie, ne figure dans le document. Cela est d’autant plus incompréhensible qu’un décret prévoit que ces indicateurs doivent être publiés régulièrement par le COR, afin d’assurer le suivi des effets des différentes réformes des retraites. Ce décret aurait dû être appliqué également pour la présente réforme.
Catherine Zaidman est cadre retraitée de la fonction publique. Elle a participé pendant plus de quinze ans aux travaux de l’administration sur les réformes des retraites. Elle a été rapporteuse du rapport Briet « Les perspectives à long terme des retraites » (octobre 1995) et rapporteur général du rapport Charpin sur « L’avenir de nos retraites » (avril 1999).
« Ce que ne dit pas l’étude d’impact sur la réforme des retraites »
Tribune. L’étude d’impact de la réforme des retraites était attendue. Au vu de la complexité des modifications en jeu, de la difficulté de saisir intuitivement ses effets, elle devait permettre aux citoyens, et en premier lieu à leurs élus, de se faire une opinion sincère sur les effets potentiels de la réforme.
Dans un contexte où la confiance dans la parole du gouvernement est fortement érodée, et où les analyses contradictoires sur les effets d’un passage à un système universel à points sont légion, elle devrait apporter les clarifications nécessaires pour permettre un débat démocratique de qualité. Mais force est de constater que la clarification n’est pas complète
Malgré un document en apparence assez fourni (1 024 pages), seulement 93 pages sont consacrées à la véritable étude d’impact. Outre la description détaillée du fonctionnement du système actuel, elle présente de multiples cas types qui ont fait l’objet de nombreux commentaires. Il faut pourtant reconnaître d’emblée leur inutilité pour mesurer les effets de la réforme : un cas type est, par construction, l’analyse d’une personne fictive qui peut se rapprocher de 1 ou de 100 000 personnes. Les cas types présentés n’étant même pas soumis à la législation effective de la réforme, leur utilité pour comprendre les effets de celle-ci est proche de zéro.
Implications budgétaires
À l’inverse, l’étude d’impact proprement dite utilise des outils puissants de projection qui permettent de simuler pour des millions de Français, sur la base de données réelles, les conséquences potentielles de la réforme. Le gouvernement a mobilisé le modèle Prisme de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV) et il présente plusieurs résultats de ces simulations.
La première question importante est de savoir quelles sont les implications budgétaires de la réforme. L’étude d’impact est assez claire sur l’évolution des dépenses de retraite : elles passeraient de 13,8 % du produit intérieur brut (PIB) du pays aujourd’hui à 12,9 % en 2050, soit une baisse de 0,9 point de PIB. Est-ce que cette baisse est un renoncement à l’idée d’une réforme à budget constant ? Non, répond le gouvernement, il fallait en fait comprendre « budget constant en 2050 », et non aujourd’hui…
La mesure essentielle permettant cette baisse (− 0,6 point de PIB) est donc le report de la réforme systémique, et en particulier celui de l’indexation de la valeur du point sur la croissance des salaires, qui ne sera effective qu’en 2042. De ce fait, la dépense de retraite va bénéficier plus longtemps de l’indexation-prix du système actuel, et sous l’hypothèse d’un taux de croissance de 1,3 %, elle baisserait à l’horizon 2050.
Une mesure additionnelle tient à la réforme paramétrique proposée par le gouvernement d’ici à 2027, à savoir la mise en place de l’âge pivot à 64 ans, qui pourrait être remplacée par des mesures proposées par la conférence de financement (− 0,3 point de PIB).
Le caractère très incertain des projections
Ce que l’étude d’impact ne dit pas clairement, ce sont les effets sur les recettes. On comprend, entre les lignes, que c’est la contribution de l’État qui va ainsi baisser de 0,9 point de PIB à l’horizon 2050. Mais ce moindre effort de l’État ne prend pas en compte les revalorisations de carrière annoncées aux enseignants, et qui devront avoir des conséquences budgétaires importantes – pas de trace de celles-ci dans le document.
Enfin, l’étude ne dit rien sur le caractère très incertain de ces projections. En maintenant vingt ans de plus le système actuel, le gouvernement conserve la dépendance à la croissance de ce dernier – que l’étude d’impact dénonce avec raison dans la première partie du document. Aucune simulation n’est présentée pour des variantes de taux de croissance, comme le fait pourtant habituellement le Conseil d’orientation des retraites (COR).
La seconde question majeure, qui a fait l’objet de tant de controverses dans le débat public, est de savoir quels sont les effets redistributifs de la réforme : est-ce que celle-ci est une réforme pour favoriser les hauts salaires, les premiers de cordée, les carrières dynamiques ? Ou bien est-ce une réforme qui réduit les inégalités de retraite, et qui profite aux carrières heurtées et aux bas salaires ? L’étude d’impact est pour le moins succincte sur cet aspect majeur. On attendait des effets redistributifs par décile, par génération, avec ou sans modification de l’âge de départ en retraite, selon les régimes d’appartenance, etc
Le principal résultat présenté est la variation de pension par quartile (la population est découpée en quatre blocs de niveau de pension) pour la génération 1980 uniquement. On y voit plusieurs choses : les gagnants sont concentrés dans les deux quartiles du bas, c’est-à-dire que les gains de pension vont aux plus faibles pensions, tandis que les effets sont neutres pour les 50 % des plus hautes pensions. Un tel effet conduit bien à une réduction sensible des inégalités à la retraite.
Mais, pour autant, tous les doutes sont-ils levés ? Pas vraiment. La première observation évidente est que tout le monde gagne : les pensions moyennes sont systématiquement plus élevées dans le nouveau système que dans le système actuel. Comment est-ce possible ? Comment est-ce cohérent, surtout, avec la baisse de la dépense de retraite présentée plus haut ? La principale explication est la hausse de l’âge de départ en retraite dans le scénario avec réforme.
Les parlementaires, dépourvus de plusieurs analyses clés
Sous l’effet de l’attraction de l’âge pivot, les simulations projettent une augmentation progressive de l’âge moyen de départ en retraite à 65 ans, contre 64,5 ans pour les générations nées dans les années 1990. Cette augmentation de l’âge de départ permet d’offrir de plus hautes pensions tout en affichant une réduction de la dépense. Mais cela ouvre la question de savoir quels seront les effets redistributifs selon que la réforme augmente plus l’âge de départ des plus basses ou des plus hautes pensions.
Le fait de présenter les résultats par quartile ne permet pas non plus d’évaluer dans quelle mesure le changement de plafond dans le nouveau système pourrait bénéficier aux plus hauts salaires. Avec la hausse des cotisations entre le plafond de la Sécurité sociale et trois fois le plafond, il est à attendre des pensions plus élevées pour ces salariés, reflétant en premier lieu l’augmentation de leur effort contributif. Là encore, l’étude d’impact ne permet pas de faire la part de ce qui tient à un effet redistributif réel, de ce qui est de l’ordre de la convergence des taux de cotisation. Lire aussi Espérance de vie, santé, inégalités… L’âge « juste » du départ à la retraite fait débat
Enfin, l’étude n’apporte pas d’évaluation du financement de l’abaissement du plafond supérieur (de 25 000 euros à 10 000 euros par mois). La baisse du plafond entraîne en effet mécaniquement un surcoût transitoire : il faut que quelqu’un paie la dette représentée par les droits acquis entre trois et huit plafonds. Expliciter le montant de cette dette et la façon de la payer aurait été la seule façon de permettre de savoir si une telle mesure correspond à un objectif partagé, ou non.
Dans son ensemble, cette étude d’impact, qui devait apporter clarté et transparence, ne va malheureusement pas donner tous les éléments pour permettre un débat serein. Les parlementaires se trouvent dépourvus de plusieurs analyses clés pour discuter sur la base de faits établis. C’est dommage pour la réforme, mais surtout pour notre démocratie.
Antoine Bozio est maître de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), directeur de l’Institut des politiques publiques (IPP), dont les travaux d’évaluation sont publiés sur le blog https://blog.ipp.eu/. Ses travaux sur les systèmes de retraite par points ont été à l’origine de la proposition de réforme des retraites inscrite dans le programme de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron en 2017.