Le 19 mars, une rencontre s’est tenu entre « partenaires sociaux » comme il convient de dire dans la novlangue europatronale (https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2020-03/declaration_commune_19_mars_cfdt_cgt_fo_cfe_cgc_cftc_medef_cpme_u2p.pdf ). Validant le « dialogue social » et ne disant pas un mot sur le scandale du maintien au travail obligatoire des salariés dans les secteurs non indispensables, il s’inscrit totalement dans l’union sacrée invoquée par Macron pour accélérer sa casse sociale.
Vous trouverez ci-dessous la réaction d’organisations CGT dénonçant ce texte et sa démarche ainsi qu’un commentaire précieux de Jean-Pierre Page, ancien responsable international de la CGT.
LES ORGANISATIONS CONSTITUTIVES DE LA CGT SE DISSOCIENT ET CONDAMNENT LA « DÉCLARATION COMMUNE » DES CONFÉDÉRATIONS SYNDICALES ET PATRONALES DU 19 MARS 2020
Hier soir, les 5 confédérations syndicales et les 3 patronales ont validé un texte commun que nous ne reproduirons pas puisqu’il est disponible par exemple, sur le site de certaines confédérations.
Nous retenons que les signataires :
- « entendent affirmer le rôle essentiel du dialogue social » : L’heure serait au dialogue social, pendant que les patrons sont prêts à faire mourir des travailleurs plutôt qu’à renoncer à leurs marges ?
- « mettre en œuvre tous les moyens indispensables à la protection de la santé et de la sécurité des salariés devant travailler. » : Ce qui ne dit rien sur, donc valide, le maintien des activités non strictement indispensables à la lutte contre la pandémie et la vie quotidienne.
- « saluent l’engagement (..) des salariés indispensables à la continuité d’approvisionnement. » : A l’approvisionnement en pneus militaires ? en gazole alors que les stocks stratégiques sont pleins ? En rouge à lèvres ? Etc. Cette déclaration est un coup de poignard dans le dos des militants, des travailleurs qui se battent pied à pied contre les employeurs sans scrupules, pour arrêter des activités non indispensables et pour mettre à l’abri les salariés chez eux. On parle de la vie des travailleurs, non pas de quelques-uns, mais des milliers ! La parole des patrons, comme celle des politiques, Macron compris, est complètement discréditée par leur acharnement à poursuivre les activités de toutes les entreprises. C’est la même chose avec les signataires de ce texte. Tous se retrouvent dans l’union sacrée convoquée par Macron, alors que ceux qui trinquent, ce sont les salariés et leurs familles ! La seule parole crédible est celle des gens de terrain, les médecins, infirmières, urgentistes : Tous et toutes disent qu’il faut absolument stopper toutes les activités mettant les personnes en contact les unes avec les autres, et qu’ensuite, il faut n’autoriser que celles strictement indispensables. La réalité de terrain, c’est qu’en règle générale, les patrons obligent les gens à travailler bien avant de se préoccuper, au coût minimum, de mettre en place les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs. Pendant ce temps, les marges continuent de tomber mais le virus, lui, peut se transmettre en une seule minute ! Il y a donc urgence à stopper tout ce qui n’est pas nécessaire. Le coup d’état d’urgence sanitaire ouvre un régime d’exception pour les employeurs où tout est permis pour eux. Le rôle de la CGT dans la période est de se trouver auprès des travailleurs, et non signataire d’une déclaration en collaboration avec ceux qui nous font face. Les organisations qui s’expriment par cette adresse publique invitent toutes les organisations de la CGT, du syndicat à la confédération, à condamner cette « position commune » qui rend complice ses signataires des drames humains consécutifs à la crise sanitaire en cours, et à exiger le retrait de sa validation par la CGT.
Premières organisations : UD 13, FNIC, UD 94, UD 82, UD 18, SERVICES PUBLICS, UD 59, UD 04 Membres de la direction confédérale : B. Amar, M. Blanco, P. Bonnet, B. Talbot,
Réponse à Sébastien Martineau UD CGT du Cher
Cher Sébastien,
Totalement d’accord avec votre courrier. Les choses doivent être claires , deux logiques s’affrontent et l’épidémie en est un puissant révélateur. Une est celle de Macron et de l’UE qui entendent défendre et préserver la santé du capital, de la finance de la bourse.
Un autre qui entend défendre la santé des gens. Dans un cas, on déverse les milliards d’aide aux entreprises mais on est incapable de donner les moyens à notre système de santé pour faire face, quand l’on sait que leur politique aura supprimer 70 000 lits. Dans l’autre cas, comme en Chine, on mobilise tous les moyens matériels et humains, pour enrayer la propagation de la maladie et on construit des hôpitaux en dix jours.Ces deux approches sont en fait la conséquence de deux visions qui sont incompatibles comme le montre sur le plan international la manière dont la Chine et Cuba sont arrivés à surmonter l’épidémie et ce que font de leurs côtés les pays capitalistes . Tout est toujours affaire de choix de société et donc de volonté politique .
D’ailleurs belle démonstration de ce qu’est véritablement l’U.E et ce à quoi elle sert. Idem au plan syndical à travers le soutien apporté par la CFDT à Macron et à l’Union sacrée, ou encore de la CES aux côtés du patronat européen dans une déclaration commune pour soutenir les institutions et la BCE qui mobilise 750 milliard pour soutenir le Capital spéculateur et l’Euro mais pas pour se doter des équipements hospitaliers ou encourager la recherche médicale. L’on s’étonne ensuite que les gens soient méfiants vis-à-vis de l’Europe. Il est d’ailleurs significatif de noter que depuis les annonces du gouvernement, celles de Bruxelles et de Trump aux USA les places boursières sont comme dopés par ces cadeaux! On va ainsi nourrir encore la cause de la crise et verser une prime à ceux qui en sont responsables.Le Capitalisme comme il l’a fait avec l’usage des guerres va pouvoir ainsi donner un grand coup de torchon, se débarrasser de ce qui est obsolète. Comme le faisait remarquer un « trader », « les milliards pleuvent, la bourse se porte déjà mieux! » Le Capital, va pouvoir pressurer un peu plus les travailleurs, fixer unilatéralement de nouvelles règles, imposer de nouvelles formes de travail comme le travail à domicile, le télé travail, la gig économie, celle des salariés du « clic », des « micro taches » et des nouveaux « tacherons » afin de passer d’une société de pauvres sans emplois à une société de pauvres avec emplois. Cela se fera au prix de destructions humaines et matérielles innombrables. Le cynisme des capitalistes est sans borne. Macron en est un parfait exemple incitant d’un côté les gens à travailler et de plus sans sécurité, de l’autre exigeant qu’ils restent chez eux au besoin par des sanctions! Dans les hôpitaux on commence à faire le tri entre les malades, et on se débarrasse des vieux et des moins valides. Cela porte un nom l’eugénisme et les nazis l’ont pratiqué en leur temps.
Cette crise qui est mondiale et systémique, elle est celle du capitalisme. Ce qui se passe était prévisible et d’ailleurs annoncée depuis des années par bien des observateurs, y compris libéraux.C’est aussi la crise des relations internationales, de l’instrumentalisation du système onusien, du recul du multilatéralisme au bénéfice de l’unilatéralisme des USA qui s’impose par les guerres qu’elles soient commerciales, financières ou des guerres tout court, par les sanctions économiques, sociales, et politiques, l’ostracisme, le pillage, l’ajustement structurel, l’intolérance, le racisme, la pensée unique, le recul de l’esprit critique,l’assujettissement, la répression et les atteintes aux libertés. Comme l’on dit le roi est nu, et fait là, la preuve de sa nocivité, de son incapacité à résoudre les grands problèmes et défis de l’humanité. Il n’existe pas pour ça. Où est la coopération internationale sur un enjeu de cette dimension? Elle n’existe même pas au niveau européen et pour cause le seul objectif des gouvernements c’est de sauver la finance, le Capital, pour une raison simple, ils sont à leur service exclusif. Pas la santé des peuples, mais la santé du Capital!!!
Le rapport annuel 2020 du très libéral laboratoire de recherches Edelman qui porte sur une étude auprès de 35 millions de personnes des 5 continents montre que 74% de l’opinion mondiale considère que le capitalisme est un système injuste, 56% qu’il fait plus de mal que de bien et 73% pensent qu’il faut changer de système. Aujourd’hui la démonstration est éclairante le capitalisme entraîne l’humanité vers le gouffre, il n’y a donc pas à réfléchir indéfiniment sur ce que doit être l’alternative. L’alternative c’est une société qui réponde aux besoins des gens et des peuples à leur aspirations à la justice sociale, à la coopération, à la paix. Cette société, elle a un nom c’est le socialisme. Le traitement par la Chine de l’épidémie est sur ce point très intéressante. Là bas ils ont mis l’activité des entreprises et l’économie entre parenthèses et fait des gens la priorité absolue. Cette bataille ils l’ont gagnée , et elle a été conduite par les dirigeants et un parti sur le terrain, pas claquemurés la trouille au ventre comme Macron à l’Élysée ou Trump à la Maison Blanche . Cela devrait faire réfléchir de voir la Chine, Cuba, le Venezuela voler au secours des peuples en Europe pour les fournir en matériel sanitaire, en expertise , en personnel médical. Où sont les alliés naturels de la France et de l’Europe?
Je ne suggère pas de faire le choix d’un socialisme à la Chinoise ou à la Cubaine, mais ce qui se passe est à méditer ! Fidel disait très bien lui-même : »nous ne sommes pas un modèle, mais un exemple! ».
Je pense que la contribution offensive de Philippe Cordat ou encore le matériel très positif et au contenu de classe très ferme de la FNIC-CGT mériteraient d’être largement diffusés car cela montre qu’il existe une autre voie que subir les événements comme c’est malheureusement le cas de la direction de la CGT. Mais là, nous serons d’accord. ce n’est pas une surprise, l’inverse le serait!
Oui, il s’agit bien d’une guerre, entre deux logiques, deux visions, deux conceptions du monde, c’est une guerre de classes! Dans une barricade il n’y a que deux côtés, cela s’applique particulièrement à la situation que nous connaissons et aux premières leçons à en tirer. Il faut donc choisir, l’alternative est claire et ne l’a peut-être jamais été autant qu’aujourd’hui! Le temps presse et c’est bien de résistance dont il faut parler au sens où nos prédécesseurs l’ont fait quand il s’est agi de combattre le fascisme. Par conséquent ce qui est l’ordre du jour c’est bien la mise en chantier d’un programme et d’une stratégie révolutionnaires pour en finir avec ce capitalisme criminel et prédateur. Tout ramène finalement au choix de société que nous voulons et aux moyens que l’on se donne pour y accéder. Nous ne manquons pas de moyens pour cela, comme le démontre le mouvement sur les retraites et les luttes précédentes.
Bien fraternellement à toi,
En amitié, Jean-Pierre Page