C’est à une écrasante majorité que les travailleurs de RTE ont refusé de céder au chantage institué par la Loi Travail avec le coup de force tenté par la CFDT qui a initié aux ordres du patronat un référendum d’entreprise, l’une des mesures imposées par la force et le 49.3 par le gouvernement PS sur ordre de l’UE/MEDEF pour écraser les travailleurs. A 76,3 % des 4.258 salariés de la maintenance (soit la moitié des effectifs de RTE) ont participé au vote.
Jo Hernandez, responsable national du secteur Luttes/syndicalisme du PRCF s’est entretenu avec le camarade Yves CIMBOLINI agent technique d’exploitation retraité de EDF-RTE Militant CGT au sujet d’un référendum sur le temps de travail organisé par la direction de RTE (Réseau de Transport de l’Électricité) avec, la complicité des organisations minoritaires et réformistes.
Jo Hernandez : Yves, Suite à la mise en place d’un référendum au sein de l’entreprise RTE, tu as réagi à l’implication des syndicats réformistes sur la mise en œuvre d’une telle mesure découlant de la Loi Travail, projet que tu as appelé : « Le référendum qui fait honte ! » Peux-tu expliquer aux lecteurs d’Initiative Communiste de quoi il s’agit ?
YVES CIMBOLINI : S’appuyant sur la loi El Khomri, la direction organise un référendum à RTE sur le temps de travail. Voilà l’exemple de ce que peut entraîner cette loi, qu’une majorité de Français a rejetée et qui ne doit son salut qu’à un acte de force, le 49/3.
JH Quelles sont les raisons d’imposer un tel référendum dans une entreprise comme RTE ou EDF qui a pourtant un passé prestigieux d’implication des agents dans leur mission ?
YC Pour ce qui est des raisons invoquées pour justifier cette consultation, je ne vois pas où est le problème. Il me semble que jusqu’à présent les agents du RTE et d’EDF en général, ont toujours su gérer les interventions urgentes sur avaries. Aussi, lorsque j’entends les arguments de la direction qui invoque « une volonté de réduction des délais de prévenance », « la possibilité de désigner les agents avec un ordre de travail », voire s’il n’y a pas de volontaires, pouvoir prendre des mesures pour « inciter » ou plutôt contraindre les agents à le devenir, j’ai l’impression que l’on ne parle pas de l’entreprise que j’ai connue. Jusqu’à présent lors d’interventions d’urgence sur avaries, la difficulté pour la hiérarchie, était plutôt de choisir parmi les volontaires spontanés, ceux qu’elle allait désigner pour intervenir. C’est l’embarras du choix qui posait alors problème. Je me souviens pour avoir participé en 1999 / 2000 aux dépannages en Charente et en Dordogne, que nous étions tous prêts à partir au pied levé et que la frustration venait plutôt du fait de ne pas être sollicité. Personnellement j’ai été informé la veille de mon départ pour environ dix jours et je ne m’en suis pas plaint au contraire. Les agents de notre entreprise, -et c’est un fait historique reconnu par les usagers qui sont bien moins ingrats que nos dirigeants-, ont toujours su se comporter de manière exemplaire face aux évènements imprévus, dus aux éléments naturels ou autres, qui impactent la continuité de fourniture de l’énergie. Ils ont toujours su être dignes face à leur devoir.
Or, dans ce projet que certains syndicats défendent aujourd’hui, j’y vois un procès d’intention envers les agents, qui fait la négation de tout cela.
JH Pourquoi s’étonner de l’implication de certains syndicats réformistes et minoritaires à RTE dans la mise en œuvre d’un référendum ?
YC Bien qu’ayant pris ma retraite depuis bientôt six années, en tant que militant CGT, je me souviens encore des relations de respect que nous avions alors à l’époque avec certains syndicats dit minoritaires, ceci malgré les différents qui nous opposaient et le rapport de force qui nous était largement favorable. Malheureusement depuis tout ce temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et je me rends compte, sans en être étonné pour autant puisque ça a quand même toujours été dans leur nature, je dirai même dans leur raison d’être, que ces syndicats se dirigent de plus en plus vers le réformisme, l’accompagnement, voire la collaboration. L’acceptation de cette horreur sociale qu’est la loi El Khomri en étant le point d’orgue.
JH Mais quel est vraiment le contenu de ce projet ?
YC Ce projet, au-delà des faux prétextes mis en avant, véhicule l’idée que les agents n’auraient plus de conscience professionnelle.
C’est un procès d’intention à leur encontre, c’est inacceptable !!!
JH Quel est le message que tu veux faire passer à travers cette lettre ouverte ?
YC Dire aux syndicats réformistes qu’ils soient clairs avec les agents et que s’ils pensent vraiment cela d’eux, qu’ils le leur disent en face. Dire aux agents de rester vigilants, tout en les alertant au sujet des pièges tendus sur des simulacres de démocratie, organisés grâce à une collaboration entre leur direction et des syndicats corrompus. Dire enfin que cette affaire me consterne et que même si je suis en inactivité depuis quelques années, pour autant je ne suis pas indifférent à ce qui se passe dans nos industries, car elles font partie du patrimoine industriel et culturel de notre pays, conquis par les luttes. De plus j’y ai travaillé plus de trente-huit années au service des usagers et je leur resterai à jamais attaché.
JH Quel est en vérité l’objectif de ce projet de référendum. Sur le fond et sur la forme ?
YC Sur le fond, en fait, je pense que la direction est consciente du dévouement et de l’exemplarité historique des agents face à ces situations exceptionnelles, mais que sa réelle préoccupation (plus ou moins cachée) n’est pas de trouver des volontaires, dans les conditions actuelles où ces interventions sont bien encadrées par des textes qui confèrent des contreparties, astreintes payées, prise en compte des heures supplémentaires, frais de déplacement indemnisés, etc. A mon avis la préoccupation de la direction, qui a toujours eu un coup d’avance (vous pouvez en croire mon expérience) est tout simplement liée au fait que de nouvelles mesures antisociales, sont certainement en préparation dans nos industries, remettant en cause ces contreparties, mais aussi ce qu’il reste du statut, issu de la nationalisation de 1946 et récusé par les politiques eurolibérales,
Aussi, craignant que cela ne génère une future démotivation grandissante dans le personnel, la direction de RTE prend tout simplement les devants, de manière à pouvoir contraindre le cas échéant les agents, pour le coup bien moins enclins dans le futur, à intervenir au pied levé.
Sur la forme : L’organisation de ce référendum, qui est une des déclinaisons de la loi El Khomri et dont certains syndicats sont partie prenante, est tout simplement scandaleuse. Sous couvert de démocratie c’est tout simplement une arnaque qui se prépare. En effet lors de ce référendum, des agents qui ne sont pas concernés par le problème et les conséquences qu’il engendrera, vont être consultés. On comprend bien que la direction avec l’appui des syndicats minoritaires et surtout leur complicité, va tout mettre en œuvre à grand frais de réunions, petits gâteaux, etc. (dans ce cas-là les moyens sont illimités) afin d’utiliser à bon escient, je dirai même de « convoiter », toute une partie du personnel pour l’amener à faire peser la balance en faveur du projet. A ce sujet, je tiens à avertir les agents sur le fait que, si certains d’entre eux peuvent se laisser aller aujourd’hui à voter contre l’intérêt de leurs collègues de travail, demain, avec ce genre de référendum qui va certainement se multiplier, ils risquent fort de subir la même déconvenue. Aussi la solution la plus sage et surtout la plus solidaire, serait celle de voter contre le projet proposé par la direction avec la complicité de certains syndicats.
JH Quel est le message que tu désires envoyer aux agents de RTE et au-delà à tous les travailleurs ?
YVES Tout d’abord, signifier à ceux qui se posent la question de savoir ce qui peut motiver ces syndicats réformistes et minoritaires à EDF, à défendre une loi (la loi El Khomri), qui va pourtant contre l’intérêt des agents et plus généralement celui des salariés, que la réponse me semble claire.
En fait cela va tout simplement leur permettre d’obtenir un pouvoir qu’ils n’ont jamais obtenu de manière démocratique, par les élections de représentativité. De même cela permettra à la direction de marginaliser l’influence syndicale de la CGT. L’exemple de ce référendum fait preuve. Finalement, malgré tous les ponts en or que la direction a pu offrir aux syndicats de collaboration de classe afin de leur permettre d’augmenter leur influence, par leur positionnement pro direction, ils n’ont jamais réellement progressé au point même parfois, de décevoir cette direction qui s’était tant investie dans leur réussite, jusqu’à en oublier que : » Ce n’est pas en donnant de l’avoine à un âne que l’on en fait un cheval de course ! ».
JH Quel vont être à terme les conséquences pour ces syndicats d’accompagnement et pour le personnel de RTE et EDF ?
YC Pour ce qui est de ces syndicats, à terme ils vont l’avoir amère, car même si aujourd’hui la direction se montre complaisante voire bienveillante à leur égard, ce n’est qu’une alliance de circonstance. Le but étant de les utiliser pour casser la CGT et au passage faire entériner quelques mesures antisociales, grâce à leur accompagnement et à leur collaboration de classe. Une fois qu’elle aura atteint ce but, ce sont tous les agents qui en supporteront les conséquences. C’est l’affreuse réalité de la »lutte des classes », que les dirigeants capitalistes n’ont jamais abandonnée. Ils la nomment même la »guerre des classes » (dixit Warren Buffet) et ils considèrent qu’ils vont la gagner.
Je m’adresse alors à ces messieurs responsables des syndicats réformistes pour leur dire que le si cela arrive, bien qu’ils aient vendu leur âme au diable, je ne donne pas cher de leur peau.
Au diable Vauvert !
Le problème c’est que toute la classe ouvrière paiera les pots cassés !
JH Quel est ton mot de la fin ?
YC Tout d’abord je tiens à manifester ma solidarité envers tous mes camarades de travail encore en activité et dans la lutte, et auxquels je dis :
» Pour vous, comme pour le Service Public, ne lâchez rien !!! «
Je tiens aussi à leur rappeler les paroles du ministre communiste de la production industrielle, Marcel Paul. Celui qui a permis de concrétiser le 8 avril 1946 la loi de nationalisation des industries électriques et gazières. Une mesure qui faisait partie du programme du Conseil National de la Résistance.
Il s’est adressé à eux avec ces mots pleins de sens :
« Je vous demande de ne jamais oublier que vous avez en charge un instrument fondamental de la vie du pays. Votre dignité, comme l’intérêt national, vous font un devoir impérieux :
De continuer à défendre sans jamais défaillir le service public, propriété de la nation, contre les représentants du grand capital industriel et bancaire dont le seul objectif est d’asservir encore plus le pays a leurs insatiables besoins de domination et de profits.
De continuer avec le même courage à défendre notre statut national et légitime, nos retraites, nos œuvres sociales, qui font désormais corps avec les deux établissements publics, issus du programme du conseil national de la résistance, expression du combat de ceux qui ont été jusqu’ au sacrifice de leur vie pour sauver le pays et, avec lui, ses riches traditions d’humanisme et de liberté. »
Marcel PAUL
Tout est dit et bien dit. « Merci Marcel, c’est pour toi aussi que je continue ! »
Un véritable camouflet pour la Loi Travail et la direction de RTE !
Source : CGT Energie
Communiqué de presse commun Confédération CGT et FNME-CGT du 30 mars 2017
Les agents du RTE (Réseau de Transport de l’Electricité) ont clairement refusé l’accord soumis à référendum. Pour contourner l’opposition de la CGT majoritaire à 58,4% au sein de l’établissement Maintenance de RTE, la CFDT et la CFE-CGC ont demandé un référendum, en application de la Loi Travail.
Avec 76.3 % de participation et 70.8 % de votants contre le projet d’accord, les agents ont signifié leur refus de voir leurs horaires flexibilisés.
L’accord portait sur le recours au travail posté (2×8, 3×8) et les interventions en dehors des horaires habituels, pour réparer les avaries qui surviennent sur le réseau électrique.
Les agents ont le service public à cœur et se rendent disponible 7j/7 pour assurer l’alimentation électrique.
La CGT était d’ailleurs prête à conclure un accord sur le travail posté pour réaliser des réparations urgentes.
Mais cela ne suffisait pas à la direction de RTE qui voulait en plus avoir la possibilité de désigner les intervenants les week-ends et jours fériés, sans leur consentement, ce qui pour la CGT est inacceptable en dehors de la mise en place d’une astreinte.
Le vote des salariés non concernés par l’accord a fait courir un risque d’instrumentalisation et de division au sein du personnel. Ils ne sont pas rentrés dans ce jeu là alors même que la direction a essayé ouvertement d’influencer le vote, considérant qu’elle n’était pas tenue de rester neutre.
La mise en œuvre de ce référendum à RTE a permis de confirmer toute la nocivité de la Loi Travail et validé la pertinence des mobilisations du printemps 2016, alors que certains répétaient que les salariés de ce secteur n’étaient pas concernés.
Le référendum de la loi El Khomri n’est en fait qu’un moyen supplémentaire donné aux employeurs pour imposer des accords au rabais.
La CGT invite les salariés à s’unir dans les entreprises pour refuser les reculs sociaux et continuera à contester la Loi Travail devant toutes les juridictions.