Chargé par l’exécutif d’imaginer la réforme de l’Etat, le Comité Action Publique 2022 prônerait notamment une généralisation du recours aux contractuels dans la fonction publique !
Des profs avec un CDD de cinq ans, des policiers embauchés pour seulement dix ans, des agents territoriaux en contrats de deux ou trois ans renouvelables… Voici le nouveau monde des fonctionnaires, imaginé par les experts du « Comité Action Publique 2022 » (CAP22). Ce panel de 34 personnalités qualifiées, installé en octobre dernier, a été chargé par le gouvernement de plancher sur la réforme de l’Etat, des collectivités et de la Sécurité sociale. Issus du privé, du public et du monde associatif, ses membres se sont vus donner « carte blanche » par Edouard Philippe : un encouragement reçu cinq sur cinq par les experts, qui doivent rendre prochainement leur rapport au Premier ministre.
Selon nos informations, ceux-ci proposeront ainsi de généraliser la possibilité de recourir à des contractuels dans la fonction publique, alors que celle-ci est encore très encadrée. Entre autres différences avec leurs collègues sous statut, les contractuels ne bénéficient pas de l’emploi à vie. Si l’exécutif choisissait de reprendre la piste des experts de CAP22, ce serait un authentique casus belli pour des syndicats de fonctionnaires qui ne cessent d’alerter contre une potentielle remise en cause du statut de la fonction publique de la part de ce gouvernement. Une source bien informée s’attend d’ailleurs à ce que le gouvernement écarte l’idée… pour mieux promouvoir une simple «extension» du recours au contrat, comme souhaité par l’exécutif.
« Assouplir le statut »
Les ministres chargés de la réforme de l’Etat – Gérald DARMANIN (Action et Comptes publics) et son secrétaire d’Etat, Olivier DUSSOPT– répètent depuis leur prise de fonction qu’il n’est «pas question de remettre en cause» le statut de fonctionnaires. Problème pour les syndicats : le gouvernement souhaite élargir la possibilité pour les administrations de recourir à des agents non titulaires, qui n’ont pas le statut de fonctionnaire, pour des métiers « n’ayant pas une spécificité propre au service public ». Un exemple souvent invoqué est celui de la Défense, où certains militaires sont parfois embauchés pour dix à quinze ans avant de pouvoir aller dans le privé (ou l’inverse).
Mardi, Olivier DUSSOPT a précisément ouvert avec les syndicats un cycle de concertation sur « l’extension du recours au contrat dans la fonction publique». Objectif : «Accorder plus de souplesse et de liberté aux employeurs publics pour recruter leurs équipes en leur permettant de recourir davantage au contrat», indique Bercy. Fin 2016, la fonction publique comptait déjà, selon l’Insee, 940 200 non titulaires (en particulier dans le secteur scolaire ou de la santé) sur 5,7 millions d’agents publics, soit 16,5% de «contractuels».
Retenue ou pas, la piste serait donc, par sa seule existence, reçue comme une provocation par les syndicats de fonctionnaires dont les relations avec le gouvernement sont déjà très tendues. Ceux-ci ont appellé, mardi 22 mai, à une nouvelle journée de mobilisation, la troisième en moins d’un an, pour protester contre le gel de leur point d’indice et la hausse de la CSG.
Big bang des prestations sociales ?
D’autres propositions du rapport devraient susciter un débat animé. Celui-ci pourrait notamment proposer de nouveaux transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités locales. Ou une grande révision des prestations sociales : selon les Echos, le comité prônerait «la simplification et la rationalisation» du système. Ecartant tout «coup de rabot» sur les allocations, l’exécutif pourrait toutefois en profiter pour mettre en chantier une promesse du candidat MACRON : la création d’un «versement unique» regroupant toutes les prestations sociales, «versées le même jour du mois, un trimestre maximum après la constatation des revenus (contre jusqu’à deux ans aujourd’hui)».
Les ministres se sont vu présenter tout ou partie de ces pistes, à l’occasion d’une réunion de cadrage budgétaire organisée à Matignon. Pour la remise en bonne et due forme du rapport, il fallait attendre fin mai ou début juin, soit un retard de presque deux mois sur le calendrier initial. Le temps pour les experts de chiffrer leurs propositions, assure l’exécutif. A quoi s’ajoutait une préoccupation plus politique : ne pas mettre d’huile sur le feu dans un climat social déjà très dégradé, entre mobilisation des fonctionnaires et grève à la SNCF.