Loi travail et rapport Laurent sur le temps de travail les fonctionnaires ont bien raison de se mobiliser avec le privé ce 14 juin. Emplois, statuts, salaires, code du travail, temps de travail, c’est la même bataille pour tous.
Comme une provocation de plus le 26 mai 2016, Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, ex dirigeant financier de Renault et élu de la droite (UMP), a remis son rapport sur le temps de travail dans la fonction publique à Annick Girardin, ministre de la fonction publique. Un rapport que lui a commandé le gouvernement Valls. Un gouvernement de droite (PS) demande à un élu de droite de préparer des mesures de droite, rien que de très normal.
Rapport Laurent, Loi Travail : faire sauter la durée légale du travail et les 35h, travailler plus pour gagner moins
Si les médias – et les syndicats – se sont fait très discrets sur cet inquiétant rapport, la rédaction d’Initiative Communiste a mis les mains dans la fange et lu pour vous l’inventaire des horreurs préconisées par le sieur Laurent.
Et il n’y a guère de surprise, car on retrouve dans le rapport Laurent les mêmes attaques contre les droits des travailleurs que dans la Loi Travail. Florilège :
- suppression de la référence à la durée légale hebdomadaire du travail au profit d’une unique référence à une durée annuelle du travail (Mesure 4 et 9)
- suppression de la rémunération des heures supplémentaires, suppression de la rémunération des astreintes (Mesure 18)
- généralisation à tous les fonctionnaires du forfait cadre (Mesure 28)
Les ignobles méthodes du rapport Laurent et de son commanditaire Valls UE
Le rapport Laurent est un rapport à charge. Un rapport destiné à faire croire que les fonctionnaires ne travaillent pas. A opposer les serviteurs publics à l’ensemble des citoyens, accréditant la rhétorique fascisante des piliers de comptoirs commune désormais du FN au PS en passant par les LR pour mieux mettre en place les mesures de casse des services publics, de baisse des salaires imposées par l’ euro austérité de fer dictée par l’Union Européenne des patrons.
La méthode ? citer une multitude de cas particuliers, hors contexte, et laisser croire qu’ils sont le cas général. Pour plaire à Valls, Laurent amalgame ainsi pèle mêle les situations des infirmières travaillant de nuit, des policiers, des agents d’accueil, des agents des impôts, du personnels de mairie ou des hauts fonctionnaires. Celle des fonctionnaires des trois versants de la fonctions publiques (Etat, Hospitalière, Territoriale). Des métiers et fonctions qui n’ont pourtant rien à voir en termes de conditions de travail, de missions, et de contraintes.
Le but ? accréditer la thèse que les fonctionnaires sont des faignants qui ne travaillent pas 35h par semaine. Car si la Loi Travail va permettre de faire travailler les salariés plus en les payant moins et de faire sauter les 35h, elle ne permettra une violente baisse des salaires de l’ensemble des travailleurs de France que si dans le même temps le gouvernement fait baisser les salaires de la fonction publique. Les patrons ne veulent pas de la concurrence d’un secteur public attractif et freinant la baisse des salaires. Et dans le même temps, sous la contrainte de l’euro austérité violente imposée par Bruxelles, le gouvernement doit continuer à supprimer massivement des postes de fonctionnaires. Or c’est impossible sans faire travailler plus ceux restant.
Alors si le rapport Laurent fait mine de se fonder sur une analyse présentant des garanties de sérieux de la mesure du temps de travail des fonctionnaires, sa lecture permet de mettre en évidence une véritable manipulation. Comment ne pas être interpellé qu’un rapport aussi épais (190 pages tout de même) réussisse à ne pas publier les chiffres du nombre d’heures supplémentaires non payées ou pire écretées (comptées mais non payées et passant à la trappe) et à ne pas en évaluer l’impact sur le temps de travail des fonctionnaires ? De fait, Laurent écarte très rapidement les données quantifiées issues des pointeuses ou des enquêtes menées par la statistique nationale pour ne se concentrer principalement que sur des enquêtes menées auprès de hauts fonctionnaires à la botte du gouvernement. L’enquète emploi de l’INSEE (2011-2014) constate pourtant que les personnels de catégorie A et B travaille bien plus que 35h et plutôt plus de 40h, et cela sans que leurs heures supplémentaires ne soient payées. Il se refuse ainsi à enquéter sur le temps de travail effectif, réel et non comptabilisé. Car dans les faits – et puisque la majorité des fonctionnaires n’ont pas droit aux heures supplémentaires, les mécanismes de comptage de leur temps de travail sont faits pour ne pas permettre de compter plus que les 1607 h annuelles fixées par la loi. Mais se refusant à interroger les fonctionnaires (déclarés in peto incompétents selon lui pour mesurer leur temps de travail, sauf s’ils sont hauts fonctionnaires) Laurent refuse donc de mesurer le temps de travail réel des fonctionnaires, et n’utilise des méthodes qui ne peuvent que conduire à trouver un temps de travail moyen inférieur à la durée légale. Y compris en réduisant le temps de travail des récupérations liées aux majorations légales liés au travail de nuits, les we ou jour férié (cf p 25)… Vous la voyez la manipulation ? elle est énorme !
Et comment ne pas être interpellé par l’absence même de réflexion sérieuse sur la définition même de la durée du temps de travail ?
N’importe quel ministre un minimum honnête et respectueux des fonctionnaires qui sont les artisans du service public, respectueux des citoyens aurait du envoyer ce rapport à la digne place qu’il mérite, la corbeille. Et demander à M Laurent de justifier ou rembourser les frais engagés pour produire un pareil torchon. Sauf qu’il s’agit d’une mission servant à enrober dans un rapport des mesures déjà décidée par le gouvernement, en application des ordres autoritaires de la Commission de Bruxelles et du grand patronat.
Quelques exemples des horreurs du rapport Laurent :
- Supprimer les jours fériés : M Laurent s’est aperçu qu’il arrivait que certaines années les jours fériés ne tombent pas systématiquement les dimanches. En vertu de l’annualisation, il préconise donc de supprimer 3 jours ferries sur les 11 existants (mesure n°4) et au passage ne prévoit aucune garantie que ces jours de congés restent fixe. L’annualisation des jours de congés, c’est également une mesure de la Loi Travail. Joyeux Noel à tous…. le 18 novembre pour les uns, le 16 janvier pour les autres….
- Supprimer les jours de congés dit de fractionnement : Contrairement à la plupart des entreprises qui peuvent s’autoriser un fonctionnement en effectifs réduits voir une fermeture pour congés annuel, les administrations demeurent ouvertes en permanence. De ce fait, pour inciter les fonctionnaires à répartir leurs congés dans l’année et y compris dans les périodes moins attractives, deux jours supplémentaires sont accordés à ceux ne prenant que peu de congés en été. deux jours que veut supprimer le sieur Laurent.
- Remettre en cause les régimes d’autorisation spéciale d’absence : en cas de décés de proche, de maladies graves de proches, de mariages, de naissance etc, des autorisations spéciale d’absence sont accordées dont le régime varie selon l’employeur public. Pour faire bonne mesure à la Loi Travail, la recommandation n°6 du rapport Laurent préconise de les supprimer. purement et simplement
- Augmenter le temps de travail des infirmier(e)s, médecins etc… : en raison des contraintes particulières liés à la permanence des soins, la fonction publique hospitaliaire dispose d’un régime particulier, avec l’octroi d’un peu plus de RTT en échange de semaine de travail plus dense. le rapport dans sa recommandation n°7 demande la suppression de RTT pour la fonction publique hospitalière. Plutôt que de recruter des infirmières, faisons les travailler encore plus pour pas un sous !
- Baisse de la rémunération des heures supplémentaires : le rapport du gouvernement se félicite que par convention ou accord il soit déjà possible de diminuer la majoration des heures sup dans la fonction publique à 10%. Cela ne vous rappelle rien ? la Loi Travail. Le rapport précise même » le droit du travail tend vers davantage de souplesse accordée au niveau local et accepte une plus grande variabilité de la règle alors que la fonction publique autorise moins d’adaptations » p 32… là encore le rapport Laurent prend directement appui sur le principe d’inversion de la hiérarchie des normes introduit par l’article 2 de la Loi Travail
- Généralisation du forfait jour : comme dans la loi travail, il s’agit d’avoir des fonctionnaires corvéables à merci, sans les payer pour les heures travaillées. A la page 56 du rapport chacun pourra bien noter quel est le but du gouvernement, faire ainsi sauter la base des 1607h annuelles pour passer à 2040 heures. Au passage, M Laurent passe la durée du travail quotidien à 10H, revenant sur un progrès social historique arraché par les luttes du XIXe siècle, la journée de 8h ! (recommandation n°28)
- Profiter de la réforme territoriale pour harmoniser par le bas : recommandation n°8 du rapport gouvernemental, utiliser à fond la réforme territoriale pour faire sauter les conquêtes sociales obtenues dans les collectivités locales les plus avancées socialement pour aligner par le bas.
- Annualiser le temps de travail : recommandation n9 du rapport. Il s’agit de pouvoir faire travailler plus, au bon vouloir de l’administration, les fonctionnaires. Sans les payer plus. Cela a un nom : la flexibilité. Et c’est aussi parmi les mesures de la Loi Travail.
- Supprimer les astreintes : sous le doux euphémisme de l’évaluation ou de l’harminisation, le rapport Laurent dans ses recommandations n°11 et 12 demande la suppression des astreintes, ou du moins de leur rémunération. Il est vrai que le sieur Laurent juge qu’avec le « téléphone portable », la notion d’astreinte n’existe plus ! Qui se dévoue pour appeler M Laurent au milieu de la nuit pour régler des problèmes urgents et lui faire vivre la réalité usante des astreintes ?
- Baisser les salaires à temps partiels : prenant acte du fait que les temps partie à 80% et 90% généralement subits par des femmes, en raison de contrainte d’emplois du temps mais ne donnant pas lieu à une reelle diminution de la charge de travail, ces temps partiels sont rémunérés légérement plus que 80% et 90%. Se posant en féministe, tel un valls voulant se faire passer pour un socialiste, P Laurent exige la baisse de ses rémunérations, qui encouragent les femmes à se mettre à temps partiel ! tous simplement odieux.
- Fliquer les agents, mais ne surtout pas compter leurs heures : le rapport laurent se prononce contre la généralisation des badgeuse. Argumentant la possibilité d’une sur-présence ! Comme si les fonctionnaires qui n’ont pas le droit généralement au paiement de leur heures supplémentaires aller s’amuser à collectionner des heures sup juste pour le plaisir. En fait, ce que craint le gouvernement – et il faut rappeler que les ministère refusent systématiquement de communiquer les bilan des heures écrettés aux organisations syndicales – c’est qu’apparaisse de manière encore plus flagrante la quantité monumentale d’heures supplémentaires effectuées mais non rémunéré par l’état employeur !
en revanche, le rapport rappelle que deux poses cigarettes par jours, c’est 6h de travail en moins par mois. Il est vrai que le temps de M Valls est compté, lui qui voyage en jet privé pour aller voir des matchs de foot ! (recommandation n°25 et 26)
On le voit avec ces quelques exemples – et on pourrait en ajouter encore d’autres – oui les fonctionnaires sont directement menacés dans la foulée de la Loi Travail. Et ils ont tout interêt à agir tout de suite dans le tous ensemble et en même temps avec les travailleurs du privés, contre la régression sociale et démocratique, contre le retour de l’exploitation la plus féroce résultat de l’euro offensive contre les salaires, les droits sociaux, les services publics impulsée sous l’égide de l’Union Européenne par l’oligarchie capitaliste et ses serviteurs PS, LR ou FN.
JBC pour www.initiative-communiste.fr
Lire et télécharger le rapport Laurent