GEG : une autre politique est possible… à condition de construire une alternative politique qui remette en cause le système, et sorte du carcan de l’UE !
Alors que la décision de la majorité municipale d’attribuer le marché de l’éclairage public à un groupement privé Bouygues Vinci, entérinant la procédure d’appel d’offre lancée par la municipalité Safar sanctionnée dans les urnes, n’en fini pas de faire des vagues, voici quelques éléments de réflexion. Non pour polémiquer, mais pour être constructif.
D’abord, il faut constater que la responsabilité de la municipalité précédente, mais également de la droite dans le choix de la SEM ne fait aucun doute. Une SEM n’est pas publique, cela est certain.
Ensuite, sur la procédure qui a conduit à retenir l’offre du consortium de Bouygues Vinci plutôt que la SEM contrôlée en partie par Grenoble (GEG) : l’appel d’offre ne pouvait pas et n’a pas été truqué. Et bien sûr, il est hors de question d’appeler à truquer et fausser un appel d’offre, comme le propose certain irresponsables anti-républicains revanchards.
Question technique ou choix politique?
Pour autant, doit on en conclure, qu’il n’y a pas d’alternative ? S’agit il au fond que d’une question technique sur laquelle l’équipe municipale n’a aucune latitude et qui donc mécaniquement échappe à la décision des citoyens?
C’est ce que nous dit la majorité municipale EELV-PG, expliquant :
- qu’ils ne font là qu’assumer une décision prise par la précédente municipalité.
- qu’ils y sont contraints, car l’éclairage public est une obligation et qu’il faut donc un prestataire pour assurer ce service public. La municipalité ne saurait s’exonérer des contraintes du Code des Marchés Publics et elle serait obligée donc d’attribuer le marché.
- que la priorité est d’assurer la mise en œuvre du plan lumière. mais qu’il ne faut pas voir là un choix politique remettant en cause les engagements pris dans la campagne (on peut ici citer l’engagement n°23)
En un mot, on entend là le discours habituel du TINA (there is no alternative : il n’y a pas d’alternative) justifiant de tout les reculs, de toutes les régressions. Bref, il n’y aurait d’autre choix que de confier – au prix forts – pour les 8 prochaines années (engageant au passage également la prochaine mandature, ce qui est particulièrement anti-démocratique) l’éclairage public à des intérêts privés.
Assumer sa responsabilité politique
Bien sûr, le pouvoir municipal est un pouvoir limité. Nous ne saurions le dénier. Ce qui ne saurait l’exonérer de sa responsabilité d’explication et de mobilisation politique : dès lors qu’il serait contraint d’appliquer des décisions en contradiction avec le mandat confié par les citoyens, son premier devoir est il d’expliquer que c’est comme ça, ou de mobiliser pour que les choses changent? Et donc d’assumer sa responsabilité politique.
S’il ne s’agit que d’appliquer des règles déjà décidées, immuables, que de mettre en place les choix politiques de ceux qui occupaient leurs sièges avant eux, pourquoi donc voter? A Grenoble, les électeurs ont voté précisément pour que les choses changent. Pour rompre avec la politique de la précédente municipalité.
Bref, quand le système n’est pas acceptable, il faut en premier lieu le dénoncer et organiser la mobilisation pour changer le système.
Ce qui doit donc nous amener à examiner précisément les raisons du choix fait par la majorité municipale de M Piolle à travers 3 questions :
- Grenoble est elle obligée de mettre en concurrence le marché de l’éclairage public alors qu’elle contrôle la SEM GEG, effectuant cette prestation jusqu’alors? Si oui pourquoi?
- Pourquoi cette procédure de dialogue compétitif, très contraignante, plutôt qu’un marché public classique ?
- Grenoble est elle légalement obligé d’attribuer le marché, à l’issue de la procédure de dialogue compétitif (article 67 du code des marché public) ?
- Existe t il des alternatives ?
Grenoble est elle obligée de mettre en concurrence le marché de l’éclairage public alors qu’elle contrôle la SEM GEG, effectuant cette prestation jusqu’alors? Si oui pourquoi?
La réponse est oui. Car GEG est une Société d’Économie Mixte. C’est à dire une entreprise à capitaux mixte public privé et donc de droit privé. Bien sûr, il semblerait logique que puisque Grenoble contrôle GEG, elle puisse contractualiser librement avec son entreprise. Cela n’est pas possible. En raison des directives européennes qui l’interdisent : les règles européennes ne permettent pas de considérer les SEM autrement que comme un acteur privé (100%) et donc obligeant à la mise en concurrence. Quand bien même, le public y serait 100% majoritaire.
Modalités d’intervention des SEML
Les collectivités territoriales ont la possibilité de concéder la réalisation d’opérations d’aménagement prévues par le code de l’urbanisme à toute personne y ayant vocation. Ainsi, les SEML peuvent-elles se porter candidates pour la réalisation de ces opérations. La collectivité et la SEML concernée sont liées par un contrat définissant l’objet de celui-ci, sa durée, les conditions de rachat ou de résiliation ou déchéance par le concédant ainsi que, s’il y a lieu, les modalités d’indemnisation du concessionnaire, les obligations des parties, etc.
La Commission européenne a souligné le non-respect, par les collectivités territoriales des principes de publicité et de mise en concurrence à l’occasion des concessions publiques d’aménagement accordées aux SEML. Par ailleurs plusieurs décisions de la Cour de justice des communautés européennes ont confirmé l’analyse de la Commission (arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005, arrêt Coname du 21 juillet 2005 et arrêt Parking Brixen du 13 octobre 2005).
Cette jurisprudence a défini, en s’appuyant sur plusieurs critères, les organismes dits “ in house ” ou “ opérateurs internes ” qui, dans leurs relations avec des personnes morales de droit public dont ils dépendent, peuvent être exclus de toute procédure de publicité et de mise en concurrence lorsqu’ils sont candidats à des marchés publics.
Au regard de cette jurisprudence, les SEML sont exclues du champ d’application du “ in house ” dans leurs relations avec les collectivités territoriales en raison de la présence d’actionnaires privés en leur sein.
Le droit français a été mis en conformité avec le droit européen par la loi no 2005-809 du 20 juillet 2005 relative aux concessions d’aménagement. Dès lors qu’une concession d’aménagement est conclue entre une collectivité territoriale et une SEML, les obligations de publicité et de concurrence doivent être respectées. Seules les concessions conclues entre une collectivité territoriale et une structure juridique publique qui est une émanation de cette collectivité échappent à cette obligation.
http://www.collectivites-locales.gouv.fr/societes-deconomie-mixte-locales-seml
Où l’on constate une fois de plus que quand le PRCF dénonce l’Union Européenne, ce n’est pas par idéologie, mais bien parce que l’UE oblige concrètement et systématiquement – au nom de la concurrence libre et non faussée – à la libéralisation, la privatisation des services publics.
C’est vrai pour GEG, c’est vrai également pour l’ensemble du secteur de l’énergie. On a encore pu le constater avec la privatisation des barrages hydroélectriques que vient de voter EELV avec le PG avec la loi de transition énergétique en application là aussi des directives européennes. Et on pourrait multiplier les exemples (La Poste, les transports, la protection sociale, les mutuelles….)
Pourquoi cette procédure de dialogue compétitif, très contraignante, plutôt qu’un marché public classique ?
la réglementation encadre strictement les cas où une procédure de dialogue compétitif peut être utilisée pour la mise en concurrence d’un marché public, notamment car elle limite évidemment l’accès à la commande publique et car elle contraint fortement les pouvoirs publics en donnant une très large latitude de proposition à la partie privée :
Voila ce que dit la circulaire d’application du Code des Marchés Publics
Art 13.1. Les cas de recours au dialogue compétitif
La procédure du dialogue compétitif peut être utilisée :
a) Lorsque le pouvoir adjudicateur ne peut définir seul et à l’avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou encore pour lesquels il n’est pas en mesure d’établir le montage juridique ou financier (art. 36). Cette situation peut se présenter, notamment pour la réalisation de certains projets ou réseaux informatiques, pour des campagnes de communication ou, plus généralement, pour des projets pour lesquels l’acheteur ne dispose pas d’une visibilité suffisante ;
b) Pour la passation d’un marché de conception-réalisation, dans le cas d’opérations limitées à la réhabilitation de bâtiments, lorsque les conditions définies aux articles 36 et 37 du code des marchés publics sont réunies (art. 69-II) ;
c) Pour la passation d’un marché ou d’un accord-cadre de maîtrise d’œuvre pour la réhabilitation d’un ouvrage ou la réalisation d’un projet urbain ou paysager, lorsque les conditions définies à l’article 36 sont remplies (art. 74-IV).
Le dialogue compétitif présente, par rapport à l’appel d’offres, l’avantage de conférer une vision plus complète et comparative des solutions techniques, financières ou juridiques que le marché peut offrir, puisque les offres ne seront pas, dès le début, enfermées dans des spécifications techniques précises.
Il offre aux acheteurs publics des possibilités plus larges de dialoguer avec les candidats au marché, afin d’améliorer la qualité et le caractère innovant des propositions qui leur sont faites. De ce point de vue, le déroulement du dialogue compétitif s’apparente à une négociation. L’acheteur public doit faire face aux trois mêmes contraintes que celles mentionnées au point 12.3 : assurer aux candidats l’égalité de traitement, tout au long de la procédure, garantir la transparence de la procédure et le secret industriel et commercial protégeant le savoir-faire des candidats. L’acheteur prendra garde que le risque de porter atteinte aux secrets industriels ou commerciaux est, en effet, accru dans le cadre de la procédure du dialogue compétitif. La responsabilité de l’acheteur peut, le cas échéant, être engagée du fait de sa violation. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte= JORFTEXT000025364925
Il faut constater que la précédente municipalité a fait le choix, plutôt que de se doter des compétences nécessaires pour définir et encadrer l’entretien et la modernisation de l’éclairage public, de s’appuyer totalement sur le privé, via cette procédure couteuse, complexe et risquée. De notre point de vu, cela n’est pas acceptable.
Comment une municipalité incapable de définir ce qu’elle attend des entreprises serait apte à choisir sérieusement une offre, puis à contrôler sérieusement l’éxécution du marché?
Tout cela n’est pas crédible : c’est bien pour cela que le PRCF est résolument pour que l’exécution du service public soit 100% public. A travers une régie par exemple. C’est la seule garantie de la maitrise des coûts, de la bonne exécution et du libre choix des citoyens.
Grenoble est elle légalement obligé d’attribuer le marché, à l’issue de la procédure de dialogue compétitif (article 67 du code des marché public) ?
Très clairement non. l’alinéa XI du Code des Marchés Publics précise :
« A tout moment, la procédure peut être déclarée sans suite pour des motifs d’intérêt général. Les candidats en sont informés ».
En clair, la nouvelle municipalité, en vertu et en application du mandat confié par les Grenoblois peut déclarer sans suite la consultation. Notamment, la disparition du besoin de la personne publique est un motif légitime de déclaration sans suite pour motif d’intérêt général. De fait, la redéfinition du besoin conséquence par exemple du choix éminemment politique de construire une régie publique permettrait donc de clore cette consultation.
Dans ce cas, il est possible qu’une indemnisation – prévue par le règlement de la consultation – doivent être payée aux deux candidats retenus et ayant proposé une offre.
A ce sujet deux remarques :
Si cette indemnisation est exorbitante, et contraint de fait à être obligé d’attribuer le marché, il convient de demander des comptes à la précédente municipalité.
Surtout, la procédure de dialogue compétitif est une transposition d’une directive européenne. Il faut observer qu’elle place la partie privée en situation de force tout en incitant à un affaiblissement de la puissance publique. Elle conduit à payer plusieurs fois les études nécessaires à la définition des offres, dont le pouvoir adjudicateur (ici la ville des Grenoble) pourrait bien ne pas être propriétaire. En clair, c’est un marché de dupe : si Grenoble déclare ce marché sans suite, la Ville pourrait être contrainte de payer deux fois des études qu’elle ne pourra pas utiliser. C’est ubuesque !
L’intérêt de la collectivité publique est évidemment d’être maître de ce qu’elle commande. Soit en disposant elle même de la compétence technique, soit en pouvant bénéficier de l’assistance de service public spécialisé, réalisant les études nécessaires ou au moins capable de les commander en ne les payant qu’une fois. En la matière, c’est la liquidation des services d’ingénierie publique – par exemple ceux du ministère de l’Équipement (Écologie et développent durable désormais) – qui conduit les collectivités locales dans ce genre de traquenard. EELV, en particulier Cécile Duflot qui a signé la fin de l’ingénierie publique pour le compte des collectivité locale, en porte notamment la responsabilité, tout comme le PS. Et la loi Métropole – voté également conjointement par EELV et le PS prépare également la liquidation des services publics assurés aujourd’hui par les conseils généraux. On comprend pourquoi M Piolle est muet en la matière.
Rappelons par ailleurs que l’abandon de l’ingénierie publique pour le compte des collectivités locale – condamné par l’Association des Maires de France – est le résultat de la demande d’ouverture à la concurrence de ce domaine exigée …. par l’UE du Capital, pour le plus grand bonheur des syndicats patronaux des bureaux d’études privés et des Majors du BTP !
Existe t il des alternatives ?
Bien sûr, il y a des alternatives. Par exemple, la municipalité dès sa prise de fonction, aurait pu
- déclarer le marché sans suite – permettant sans doute de réduire les primes à verser aux candidats.
- Ce qui lui aurait permis d’engager simultanément une consultation à minima pour un marché d’entretien courant de l’éclairage public, renouvelable chaque année.
- Ouvrant la possibilité de se doter des compétences nécessaires dans l’intervalle pour monter une régie publique s’occupant de l’éclairage d’ici la fin de la mandature.
Bien sûr, ce choix – donnant la priorité au service public – aurait eu pour conséquence de retarder la modernisation de l’éclairage public. Force est de constater que la municipalité Piolle fait là un choix politique, celui de prioriser la privatisation de l’éclairage public pour une modernisation à grand frais, hors de contrôle d’ailleurs de la municipalité, plutôt que de se donner les moyens de construire une régie publique rendant pleinement le contrôle des grenoblois sur cet équipement qui leurs appartient. Cette possibilité a t elle était explorée? la municipalité n’a donné aucune information à ce sujet.
Par ailleurs, si la municipalité a raison d’expliquer que sur cette épineuse question de l’éclairage public elle a largement les mains liées, pourquoi n’en combat elle pas publiquement les causes : au premier rang desquelles les directives imposée par l’Union Européenne du Capital.
Pour notre part, au PRCF nous sommes cohérents : le PRCF milite pour sortir de l’UE, instrument construit par l’oligarchie pour servir uniquement ses intérêts contre ceux des travailleurs. Pour défendre et développer de façon efficace nos services publics qui sont la garantie d’un service de qualité, aux meilleurs couts et totalement maitrisé par nos concitoyens. Sortir de l’austérité, faire progresser les conquêtes sociales, servir les intérêts des travailleurs, cela n’est possible qu’à condition de sortir du carcan de l’UE et de l’Euro.
Eric Piolle défend la voix de la régie, parait il. On veut bien le croire, encore faudrait il agir en conséquence.
D’une manière plus générale, on ne peut également que constater que si la nouvelle municipalité grenobloise s’est prononcée contre le Grand Marché Transatlantique (GMT ou TAFTA), qui implique la liquidation des services publics, ce qui la rend immédiatement sympathique, EELV demeure le premier allié du PS. Un PS qui est le champion de la privatisation. Et qu’EELV se fait le champion de la promotion de cette Union Européenne qui est une arme de destruction massive de nos services publics.
source : PRCF 38 – http://www.prcf-38.over-blog.net