C’est à l’ensemble des services publics que Macron s’en prend, pour satisfaire aux directives d’euro austérité et la justice n’échappe pas au jeu de massacre. Une nouvelle loi réformant le système judiciaire est dans les tuyaux – projet de loi de programmation pour la justice le 9 mars, ce même projet a été transmis au Conseil d’Etat le 21 mars – visant notamment à fermer nombre de tribunaux, éloignant la justice des citoyens. Pire, le régime Macron veut également réduire drastiquement les droits de la défense. C’est dans ce contexte que les avocats de France, avec leur syndicat le SAF, ont lancé une mobilisation nationale. Initiative Communiste vous propose de faire le point avec Me Béranger Tourné et vous propose quelques faits et des chiffres sur l’état de la Justice en France
- Le régime macron accorde à la justice française le14e budget sur 28 en Europe, 72 euros par habitant et par an, soit deux fois moins qu’en Allemagne (146 euros) et loin du haut du classement où figurent le Royaume-Uni (155 euros) et le Luxembourg (179 euros).
- Les effectifs du système judiciaire français sont parmi les plus bas : 10 juges professionnels pour 100 000 personnes moitié moins que la moyenne européenne (21/ 100 000)
- résultat la justice est extrêmement lente : 304 jours en moyenne pour obtenir une décision de justice, contre 19 jours au Danemark.
Pour tenter de répondre à ces difficultés, le gouvernement a donc lancé les « chantiers de la justice » il y a plusieurs mois et a finalement présenté un
QUESTIONS A MAITRE BERENGER TOURNE, avocat
Initiative Communiste : Pouvez-vous nous préciser les raisons du grand mouvement actuel des professions judiciaires, et spécialement, des avocats, contre la réforme Macron de la justice ?
Le projet de réforme du gouvernement est profondément réactionnaire et inspirer des directives européennes prônant la privatisation généralisée de tous les services publics sauf l’armée et la police…
Ce projet n’a d’autre fin que la casse du service public de la justice et avec la même méthode brutale qui est appliquée aux cheminots et aux enseignants par ailleurs. Le gouvernement impose sa réforme sans concertation. La patte Macron, c’est le « blitzkrieg » politique, c’est-à-dire une attaque brutale et tous azimuts du public avec le même objectif: la réduction systématique des coûts par la « déjudiciarisation à outrance, la dématérialisation et la privatisation de la justice civile » au détriment des citoyens, comme le dénonce le Syndicat des Avocats de France (SAF) à juste titre.
Le projet de réforme consomme aussi une régression des droits de la défense et des libertés publiques au détriment du justiciable, notamment par un élargissement considérable des interceptions de communication, et une régression du débat judiciaire (instauration d’un Tribunal criminel au cours duquel l’oralité sera sacrifiée au profit de la célérité), la généralisation du juge unique. Le projet va même jusqu’à évincer l’avocat dans le cadre de la procédure de plaider coupable (« CRPC »), de manière à ce que les peines proposées par le parquet puisse être imposées aux personnes déférées plus facilement…
Comme le souligne le SAF, qui est à l’avant-garde du mouvement des robes noires :
« – Le justiciable ne rencontrera plus son juge, ni dans la cadre de la procédure de divorce pour laquelle l’audience de conciliation est supprimée, ni pour voir modifier le montant de la pension alimentaire qui serait confiée à la CAF, ni pour les petits litiges du quotidien pour lesquels la procédure sera entièrement dématérialisée et sans audience, ni en matière pénale où le recours à la visio-audience est généralisé ;
– Le projet instaure une véritable privatisation de la justice : plateforme de résolution en ligne des litiges confiés à des entreprises privées sans garantie de compétence ni d’impartialité, déjudiciarisation au profit des notaires, réforme des saisies immobilières qui transfère la gestion des fonds à la Caisse des dépôts et consignation au détriment des CARPA, dont les produits financiers permettent à la profession d’assumer des missions de service public par le financement de l’aide juridictionnelle, de l’accès au droit et de la formation ;
– enfin, si officiellement, les cours d’appel et tribunaux de grande instance ne sont pas supprimés, la spécialisation des contentieux et la suppression des tribunaux d’instance conduisent à la création de juridictions détachées de seconde zone et ouvrent la voie, à terme, à des suppressions d’implantations locales des juridictions ».
Initiative Communiste : en ce moment, le gouvernement attaque « toutes ensemble et en même temps », au nom de la « réduction de la dette » et de l’alignement européen des normes françaises, une série de conquête sociales et démocratiques issues de 45, voire de 1905 ou de 1789. Est-il arbitraire de faire le lien entre cette casse sociale et nationale et la bataille républicaine menée par les « robes noires » ?
Non, bien entendu pas. Il s’agit avant toute chose de privatiser la justice de l’intérieur, c’est-à-dire d’ouvrir au marché la gestion des procédures et contentieux civils en remplaçant les juges par des médiateurs, conciliateurs ou arbitres privés et ainsi fermer par ailleurs les prétoires publics. La réforme a en outre ce volet liberticide qui est la marque de toutes les réformes néolibérales : moins de droits aux citoyens, moins de moyens aux acteurs de la justice, pour plus d’économie de moyens permettant plus de remboursement de la « dette », la fameuse, celle qui engraisse les banques et déplume les gens…
Pour autant, la profession d’avocat reste par essence bourgeoise (sa nature libérale) et quelque peu réactionnaire. Rappelons-nous qu’en janvier dernier, le barreau de Paris a appelé à manifester… contre le mouvement des gardiens de prison qui étaient en grève, au prétexte dévoyé d’avoir accès aux détenus et de l’exercice des droits de la défense, qui reste ainsi un mot d’ordre à géométrie très variable, du moins quant il est invoqué hors des prétoires…