On lira ci-dessous l’entrevue que Mme Laure Beccuau, procureur de Paris, vient d’accorder au Monde.
Il apparaît que le narco-trafic mondialisé et la « concurrence libre et non faussée » de l’UE (assortie de son sans-frontiérisme de classe rien moins qu’internationaliste) étendent de plus en plus le champ de la grande criminalité. Laquelle, à l’instar de ce qui gangrène déjà de grands Etats comme le Mexique (on pense aussi à la Russie postcommuniste du contre-révolutionnaire Eltsine), prend peu à peu possession de la sphère politico-économique dans l’indifférence, si ce n’est avec la collusion de certains milieux de l’appareil d’Etat classique.
En 1993, quand fut mis en place le Traité de Maastricht, la Fédération communiste du Pas-de-Calais, alors opposante à l’euro-mutation de Hue et Cie, annonçait que l’ouverture incontrôlée des frontières entre le Nord de la France et la Belgique (eux-mêmes en union douanière avec les Pays-Bas, paradis du narco-trafic) allait coûter cher à la jeunesse française; et de fait, dès l’année qui suivit cette ouverture de frontières si célébrée (en réalité cette dé-segmentation sauvage qui est le contraire d’une coopération et d’une coopération internationale organisées), les trafics de drogue étaient multipliés par 6 dans le Pas-de-Calais! Aux dépens de qui, si ce n’est de la jeunesse du pays et de sa santé ?Aujourd’hui, à l’abri de la « construction » européenne lovée dans la mondialisation néolibérale, le capitalisme monopoliste d’Etat est-il en train de subir un virage carrément crapuleux avec l’interpénétration de plus en plus accomplie, non seulement du haut appareil de l’Etat et des milieux affairistes, mais avec un processus de gangrène directe des sommets du pays par la grande criminalité organisée?
Pour combattre cela, à nous de nous inspirer du grand exemple de François Billoux (futur ministre communiste en 1945) et de ses camarades brisant la mainmise du crime organisé sur Marseille à la veille de la seconde guerre mondiale. Ou de méditer l’épopée de la lutte anti-mafia menée par les camarades communistes napolitains telle qu’elle est relatée dans le grand film réaliste de Francesco Rosi « La mano sullà città » (Main basse sur la ville).
Georges Gastaud
Extraits choisis : Laure Beccuau, procureure de Paris : « L’infiltration de nos sociétés par les réseaux criminels dépasse toutes les fictions »
un entretien de Simon Piel et Thomas Saintourens
Sur l’internationalisation des organisations criminelles, à travers la libre circulation des personnes et des capitaux de l’UE
« La lutte contre la haute criminalité organisée est un défi actuel, un défi majeur. Aujourd’hui, le niveau de la menace est tel que l’on détecte des risques de déstabilisation de notre Etat de droit, de notre modèle économique, mais également de nos entreprises, à un niveau stratégique majeur. « » on est face à des réseaux tentaculaires. »
« Il suffit de regarder ce qui se passe en Belgique et aux Pays-Bas pour démontrer que les organisations que l’on affronte n’ont aucune limite dans leurs moyens financiers, aucune limite dans leurs frontières ni dans leurs champs d’action (trafics de drogue, d’êtres humains, réseaux de prostitution…) pour peu que les profits se chiffrent en millions d’euros. »
« Nous savons que ces groupes ont atteint dorénavant un seuil dans leur présence sur les points d’entrée de la drogue en France. Notamment les ports, qui constituent des points de fragilité extrême. Ces organisations se projettent déjà sur les structures portuaires et aéroportuaires, avec des hommes de main présents sur notre territoire.
« La France est à la fois un pays de réception, de transit et de consommation. C’est un pays central, ne serait-ce aussi par l’importance des ports d’arrivée, ainsi que des zones frontalières où les enjeux de grande criminalité organisée ne sont pas si lointains.«
Sur le lien entre ces activités criminelles et les menaces potentielles sur la vie économique ou démocratique :
« C’est une question de porosité. Elle découle du degré de corruption à différents niveaux. (…)L’étape d’après, c’est la corruption de la police, ou des magistrats. C’est-à-dire une infiltration des agents engagés à lutter contre la criminalité. »
« Au niveau économique, la menace provient des investissements dans les entreprises fragiles, par exemple dans les transports, les déchets, la sécurité… Petit à petit, vous devenez un chef d’entreprise honnête ; vous êtes en lien avec des maires, des élus… C’est cette porosité qui va infiltrer, de lien en lien, une société. «
Sur le manque de moyens de la justice
« Raccourcir les délais est fondamental. Tout procureur arrive forcément à ce constat. J’ai d’ailleurs demandé une augmentation drastique des effectifs, et je sais qu’ils arriveront. La question est dans la temporalité. Et là, il faut aller vite. «