Gabriel Attal : voici le nouveau ministre de l’Education de moins en moins « nationale », pur produit de l’héritocratie capitaliste. Passé par l’Ecole alsacienne (comme les enfants de son prédécesseur, Pap Ndiaye), l’ancien ministre des Comptes publics (voilà qui est rassurant quant à l’orientation financière de son nouveau ministère…) a déjà sa feuille de route programmée par Macron. Ce dernier, dans une « grande explication » accordée au Point – ce qui change des coups de poings de la police contre les manifestants – et parue le 24 août 2023, annonce la couleur : comme Pap Ndiaye et « comme Jean-Michel Blanquer avant lui », il conduire « la politique sur laquelle [Macron s’est] engagé devant les Français : renforcer les savoirs fondamentaux, porter les valeurs de la République pour développer l’émancipation des jeunes et lutter contre les inégalités à la racine ».
« Renforcer les savoirs fondamentaux » ? C’est certainement pour cela que Blanquer a supprimé les mathématiques du tronc commun pour le cycle terminal du lycée avec sa contre-« réforme » du lycée en 2018 ; des mathématiques rétablies à la rentrée 2023 à raison de… 1h30 par semaine – pas de doute, les fondamentaux seront « renforcés » …
« Développer l’émancipation des jeunes » ? En pourchassant les enseignants faisant preuve d’esprit critique comme le professeur de philosophie Frank Niamsy, suspendu par l’académie de Rouen pour avoir critiqué – dans un cadre pourtant autorisé et légal – la politique néocoloniale de la France en Afrique (où les multiples coups d’Etat remettant en cause les bribes de la Françafrique en voie de décomposition). Et surtout, comme le déclara le réactionnaire Blanquer à l’Assemblée « nationale » le 16 mai 2018, « en faisant comprendre aux jeunes que l’Europe est leur avenir », quitte à réviser l’Histoire de manière mensongère.
« Lutter contre les inégalités à la racine » ? Qu’importe si Parcoursup les fait exploser pour l’orientation post-bac, que le collège unique s’enfonce dans une crise grave, que les EPLEI (établissements publics locaux d’enseignement international) permettent aux familles de mettre leurs enfants dans des établissements où les cours sont prodigués en anglais (car tant qu’on y est, imposons le tout-anglais au détriment du français !) dès l’âge de… 6 ans et que ces EPLEI sont financés par des « dons et legs » de l’UE et d’entreprises privées, etc.
Et qu’importe si le « Pacte enseignant », promu par Ndiaye et que le jeune loup Attal devra faire appliquer, accélère la destruction du statut de la fonction publique et l’autonomie des établissements, plaçant ces derniers en concurrence conformément à la stratégie de Lisbonne de 2000 adoptée par l’UE et aux desiderata du MEDEF voulant disposer d’une main d’œuvre docile, sans esprit critique et corvéable à merci.
Un mot est totalement absent de la « grande explication » de Macron : celui de citoyen. Car pour la Macronie, l’élève ne saurait être qu’un futur travailleur exploité, réduit à un tel état d’indigence (déjà, 1/3 des Français ne fait plus trois repas par jour !), « à ce dernier degré d’avilissement où l’homme, absorbé tout entier par les soins qu’exigent la conservation de son existence, est incapable de réfléchir sur les causes de ses malheurs, et de connaître les droits que la nature lui a donnés » (Robespierre, Adresse à la nation artésienne, 1788). Mais en euro-privatisant l’Education toujours moins « nationale » (vive l’autonomie des écoles !), en individualisant les revenus par le Pacte et en attaquant constamment les contenus disciplinaires – et notamment des sciences sociales toujours plus mises au pas selon la volonté du MEDEF –, difficile d’espérer mieux que la « liberté d’obéir » (méthode de management analysée par l’historien Johann Chapoutot dans son ouvrage de 2020, au sujet… du nazisme). Pourtant, même le despote Frédéric II de Prusse rappelait en 1776 : « Il s’est trouvé de faux politiques qui, sans approfondir la matière, ont cru qu’il était plus facile de gouverner un peuple ignorant et stupide qu’une nation éclairée ».
Lumières oui, mais COMMUNES. C’est d’autant plus indispensable en ces temps où l’obscurantisme progresse, où les sciences et l’esprit rationnel sont violemment attaqués, où la fascisation explose et profite au Rassemblement lepéniste, où les fanatismes et l’essentialisme (des toutes origines : ethnique, de genre et/ou de sexe, religieux, etc.) pullulent, où le « droit à la différenciation » – dans la Constitution après son adoption par la Macronie et ses complices euro-régionalistes (de droite comme de la prétendue « gauche ») le 12 juillet 2018 – détruit la République une et indivisible, où le tout-anglais est en passe de supplanter le français jusqu’à l’école (et déjà dans des pays francophones comme le Maroc ou l’Algérie qui désétablissent la langue française au profit de l’anglais, confondant allègrement Françafrique et Francophonie). Et où les élèves et les enseignants souffrent de plus en plus, ce que releva le Tartuffe de la République en personne fin août 2022 : « Nous avons encore trop d’élèves malheureux, trop de parents d’élèves anxieux, de professeurs désabusés ou qui ont le sentiment d’avoir parfois perdu le sens de la mission d’autrefois, de ne pas être reconnus comme ils le devraient. »
Un an après, dans la continuité de plus de quatre décennies d’euro-casse de l’Education nationale, la situation s’est aggravée, la destruction des retraites et leur adoption de manière despotique ayant renforcé la colère des enseignants. Face à cet état de fait, cessons de croire aux chimères du « dialogue social » (qui n’a jamais existé !) et menons un véritable affrontement de classe pour les Lumières communes, nécessitant de construire un projet égalitaire et émancipateur dégagé de toutes les instances de soumissions – à commencer par l’euro, l’UE, l’OTAN et le capitalisme avec lesquels il faut rompre d’urgence ! Ce n’est qu’à ce prix qu’il sera possible pour les élèves de devenir des citoyens accomplis.
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