Ce n’est pas par la police, la matraque et la répression armée que l’on peut trouver une solution politique à une question politique. Et la violente crise qui secoue la Nouvelle-Calédonie est bien le révélateur d’une éminente question politique, celle de la décolonisation. Après que le régime Macron a décidé d’une provocation et d’un passage en force par le vote à l’assemblée d’un texte ouvrant la voie à une réforme dégelant le corps électoral, c’est le processus politique de paix et de décolonisation des accords de Nouméa qui a été jeté par terre et piétiné. Dans la suite du coup de force du 12 décembre 2021 qui avait vu, en pleine épidémie de covid, ce même Macron refuser de décaler le troisième referendum sur l’indépendance. Un scrutin prévu par les accords de Nouméa et que Paris s’est précipité d’organiser dans des conditions entachant sa légitimité, alors que le non a l’indépendance était en perte de vitesse.
Le bilan est dramatique. 6 morts par arme à feu au moins. Parmi eux, deux gendarmes dont un d’un tir accidentel des forces de l’ordre. Auxquels il faut ajouter aussi les victimes indirectes de la situation.
Le régime Macron a fait usage des loi d’Etat d’urgence, issue de la guerre d’Algérie et dépêché en urgence des militaires de l’armée et de la gendarmerie sur place. L’agglomération de Nouméa est placée sous couvre feu. Des mesures de suppression des moyens de communication, notamment Tik Tok ont été mise en place. Et l’Etat d’Urgence suspendant les libertés les plus basiques prolongé.
A lire : Vous avez dit « pyromanes à Nouméa » ? [ #Kanaky ]
Déclaration violente et belliqueuse du régime Macron à l’unissons du coup de force anti démocratique
Le déploiement de l’armée dans les rues de Nouméa plutôt que le retrait de l’inique et dangereux coup de force de la réforme constitutionnel dégelant le corps électoral n’aura pas apaisée la situation sur le caillou. Loin de là.
230 personnes ont été arrêtées alors que le GIGN a déployé une centaine de ses militaires, mais les routes de l’agglomération de Nouméa sont toujours largement coupées ce 20 mai, l’accès à l’aéroport international toujours interrompu tandis que les journalistes locaux rapportent que si les colonnes blindées de Darmanin / Le Franc démantèlent des barrages, les manifestants indépendantistes, nombreux, en reforment d’autres… Dans une image du cercle vicieux de la violence entretenue par l’impasse politique construite par le régime Macron.
Au contraire les déclarations belliqueuses de Louis Le Franc, le représentant de Macron Darmanin sur place ne font qu’ajouter la violence à la violence.
Ce reportage du média officiel France Television pour vanter l’intervention d’une colonne blindée témoigne d’une vision du monde dont les accents ne sont pas sans rappeler les propos coloniaux des guerres de décolonisations et de leurs opérations de « pacification ». Verbatim de Le Franc, le représentant de Darmanin et de Macron sur place : « Mission réussie pour les forces de l’ordre » « Des opérations de harcèlement seront engagées par le GIGN sur l’agglomération de Nouméa » « Partout où il aura des points durs, il y aura le RAID, le GIGN ». « Je le redis, à ceux qui ont des armes parmi les émeutiers, la première chose qu’ils devraient faire c’est les rendre, s’ils veulent continuer ces agressions armées, on imagine facilement la suite face à des professionnels qui savent eux les utiliser »
« On fait de notre mieux avec des moyens qui sont désormais [considérables] et qui vont encore se renforcer pour reprendre le contrôle de l’agglomération de Nouméa. On va y arriver. Notre détermination est totale. Tout ça va se terminer, croyez-moi. Le rapport de force va s’inverser très vite sur la ville de Nouméa, sur les communes périphériques«
« On va y arriver. On aura le dernier mot. Je m’y engage auprès de vous tous »
Agressif le représentant de Macron Darmanin enchaine les déclarations belliqueuse : « L’ordre républicain ici sera rétabli, quoi qu’il en coûte« .
Dans le même temps c’est une politique de répression judiciaire aux pires accents de régime spéciaux des guerres coloniales qui a été édictée par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, le 16 mai. Celle-ci vise « les fait d’une extrême gravité » qui comprennent outre les atteintes aux personnes les atteintes aux biens « une réponse pénale empreinte de la plus grande fermeté à l’encontre des auteurs des exactions perpétrées« . Si les personnes participant à l’insurrection sont désignées, il faut noter par contraste les absences relatives d’indication sur la constitution de milices armées. Le ministre Dupond Moretti déclare de façon martiale : « Si les barrages sont des guet apens destinés à attenter à la vie ou à blesser en particulier les forces de sécurités intérieures, alors ça doit être poursuivi. Les trois mots de ma circulaire pénale : fermeté, rapidité, systématicité. Parce qu’il faut que l’ordre républicain soit rétabli et il est impérieux (comme les émeutes que nous avons connu en métropole) il faut que la justice prenne toute sa part dans ses réponses.« . On notera que les directives de répression sont ici les mêmes que celles ciblant les quartiers populaires en France hexagonale.
Disposition frappante aussi « « transfèrements des criminels arrêtés et placés sous mandat » vers la métropole « pour qu’il n’y ait pas de contamination des esprits les plus fragiles, et pour assurer la sécurité au sein des établissements pénitentiaires »… Le procureur de la République sur l’ile, Yves Dupas, ne cache pas non plus lancer une enquête contre les membres de la CCAT, c’est à dire les responsables de l’opposition politique au régime Macron : « Suite à une réunion de police judiciaire organisée ce matin visant notamment des faits susceptibles de concerner des commanditaires, certains membres de la CCAT mais peut-être d’autres. Ces chefs d’infraction, ces qualifications pénales, qui sont d’ailleurs en ligne avec la circulaire de M. le garde des Sceaux, portent sur des faits d’association de malfaiteurs, vols, dégradation par incendie en bande organisé, groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations. »
Tandis que Darmanin dans une rhétorique coloniale accusait les responsables du FLNKS et de la CCAT de mafieux violents – chacun jugera de l’esprit de responsabilité de telles oukases dans un contexte aussi tendu – Rock Hoacas, membre de la CCAT soulignait à Paris : « Bien sûr qu’on appelle au calme. Nos responsables ont appelé au calme parce qu’il faut permettre la discussion et le dialogue » Romuald Pidjo, deuxième secrétaire adjoint de l’Union Calédonienne et membre du bureau politique du FLNKS soulignait « Aujourd’hui ce que l’on cherche, c’est ramener l’apaisement« , en revenant à l’objet politique du conflit, effacé par le régime Macron : Le corps électoral doit être discuté par les Calédoniens et non par des parlementaires français qui, pour la plupart, n’ont jamais mis les pieds en Nouvelle-Calédonie. Dominque Fochi, responsable de la CCAT rappelle avec force : La CCAT, c’est une cellule qui se mobilise depuis plus de 6 mois pacifiquement, dans les règles, pour des raisons de sécurité … Nous avons organisé plus d’une vingtaine de mobilisations et ça s’est toujours bien passé. À aucun moment, on a appelé à des actes de violences, à des émeutes, à bruler des magasins, casser les commerces, empêcher les gens d’aller s’approvisionner en médicaments
La CCAT par communiqué ce vendredi se positionner une nouvelle fois en faveur de l’apaisement, mais toujours pour le retrait de la réforme constitutionnelle : « Face à l’entêtement de l’Etat à vouloir imposer la modification de la Constitution, nous dénonçons l’irresponsabilité de l’Etat et nous le tenons pour responsable des pertes de vies humaines, des exactions et des saccages du tissu économique du pays« .
La CCAT se dit profondément affectée par la perte de ces vies, « celles de nos jeunes assassinés par les milices cautionnées par l’Etat et les responsables non-indépendantistes, et celle du jeune gendarme ».
Dans ce communiqué, la cellule de coordination des actions de terrain demande l’apaisement. « Un temps d’apaisement pour enrayer l’escalade de la violence. » Et d’ajouter : »c’est faire une pause dans notre combat. Il exprime la volonté de la CCAT de préserver la vie. Nous confirmons la pression par notre présence au niveau de la phase 2,5 sur le terrain, en maintenant une circulation filtrante pour tous les citoyens. ». Le président du Congrès de Nouvelle-Calédonie Roch Wamytan, soulignait que ‘le contexte n’est pas favorable à des discussions avec le président de la République.
Plus raisonnable que Macron, la maire Renaissance de Nouméa a demandé à l’Elysée de ne pas convoquer le congrès…
L’appel des outres mer contre Macron
On se souvient des premières sorties de Macron auprès des départements d’outre mer, démontrant d’un esprit profondément réactionnaire et colonial. De ces déclarations scandaleuses sur « l’ile de Cayenne » à ses éructations teinté d’un profond racisme déshumanisant sur les kwasa-kwasa à Mayotte.
Les élus des outres mer – communistes ou insoumis pour la plupart – soulignent « Face à cette situation d’insurrection, le gouvernement a décrété l’Etat d’urgence. La réponse sécuritaire qui consiste à mettre en place des mesures exceptionnels – interdictions de circulation, assignations à résidence, perquisitions… ainsi que l’envoi de policiers et gendarmes supplémentaires – n’apporte pas de solution. Ces réponses répressives risquent d’engendrer une spirale de violence et de compromettre le retour au calme attendu. Seule la réponse politique mettra fin à la montée des violences et empêchera la guerre civile. ». Ils constatent une évidence : « cette modification sans consensus de tous les partenaires constitue une trahison de l’esprit et de la lettre des accords de Matignon et Nouméa », qui avaient permis d’ouvrir « la voie à un processus de décolonisation et d’évolution institutionnelle pacifié« . De fait, ce coup de force ne peut être perçu que comme une interruption du processus de décolonisation, cela d’autant plus qu’il s’accompagne d’un soutien de l’Elysée et de Matignon aux forces politiques les plus réactionnaires et coloniales de Nouvelle-Calédonie et d’une réponse à la crise politique par la force
Les Kanaks bénéficient du soutien international
Les Etats décolonisés du pacifique faisaient savoir leur soutien à la Nouvelle Calédonie et aux Kanaks.
Le premier ministre du Vanuatu prend aussi la parole, ce vendredi matin sur la situation en Nouvelle-Calédonie. Hon Charlot Salwai « réaffirme son soutien au FLNKS contre le projet de loi constitutionnelle, visant le dégel du corps électoral (…) Attristé par la situation actuelle, il exprime son soutien à l’appel du FLNKS à l’apaisement et à condamner les violences« .
Il réitère « l’appel au gouvernement français de retirer, voire annuler la loi constitutionnelle qui a conduit à ces évènements regrettables en Nouvelle-Calédonie. Ils auraient pu être évités, si le gouvernement français avait été plus à l’écoute et n’avait pas choisi de passer en force avec le projet de loi« , assure le premier ministre du Vanuatu.
Hon Charlot Salwai ajoute qu’il est « urgent que la France accepte la proposition du FLNKS, de dépêcher une mission de médiation et de dialogue, conduite par une personnalité de haut niveau – choisie mutuellement – pour rétablir la sérénité et une paix durable en Nouvelle-Calédonie ».
Le premier ministre des Îles Cook, Hon Mark Brown, s’exprime sur la situation en Nouvelle-Calédonie. Les récents évènements « inquiètent profondément la famille du Pacifique« , assure le premier ministre, qui présente ses condoléances aux familles qui ont perdu des être chers. « Je me joins aux autres dirigeants communautaires et politiques pour appeler à la paix et à l’unité, afin de sortir de l’impasse politique dans laquelle se trouve la Nouvelle-Calédonie« .
« J’appelle toutes les parties à revenir à notre table familiale, à réconcilier nos différences, à se souvenir et à s’appuyer sur les sentiments de 1988 et 1998 lors de la signature des accords de Matignon et de Nouméa, qui ont conduit à plus de 30 ans de paix relative« .
Le premier ministre des Îles Cook précise que le Forum des îles du Pacifique « est prêt à faciliter et à fournir un espace soutenu et neutre, pour que toutes les parties se réunissent dans l’esprit de la voie du Pacifique, afin de trouver une solution concertée, qui préserve les intérêts de la population« .
Une propagande médiatique voulant dépeindre les kanak comme des sauvages
La lumière commence à éclater, en dépit de l’omerta des médias hexagonaux, sur qui sont les victimes des affrontements en Nouvelle-Calédonie. Et l’on un loin de l’image à sens unique propagée sur les écrans de télévisions hexagonaux d’un Caillou mis à feu et à sang uniquement par des Kanaks furieux. De fait, les violences par armes à feu semblent, dans une ile sur armée du fait des décisions prises par les autorités caldoches s’étant succédées, largement partagée par les milices des quartiers les plus riches et européens.
Quatre morts le mercredi 15 mai, un cinquième le jeudi 16 mai. Trois des victimes sont kanak.
Jybril étudiant de 20 ans en première année de BTS a été tué par un coup de feu à Ducos. A Ducos également, une jeune fille de 17 ans a été tuée, probablement tuée par le même tireur. Le haut représentant du régime Macron Louis Le Franc avait immédiatement justifié ces homicides en les attribuant à « quelqu’un qui a certainement voulu se défendre sur un barrage », tandis que G Darmanin les dépeignait en voleur de voiture.
C’est à Kaméra à Nouméa qu’a été tué par un coup de feu une troisimèe victime un homme de 36 ans. Aucune de ces vicitmes n’était des membres de CCAT.
La télévision française d’outre mer rapporte ainsi ce 19 mai que l’un des morts par balle à Kaala Gomen serait un homme de 51 ans frappé par un tir de réplique alors qu’il aurait fait feu à une douzaine de reprise sur le barrage des indépendantistes de la CCAT. Alors qu’il arrive à vive allure en voiture sur un barrage, le véhicule est l’objet d’un jet de pierre qui brise une vitre. Le procureur déclare : « Très en colère par rapport à ce caillassage, le conducteur rejoint son domicile pour s’emparer de deux fusils. il ouvre le feu à plusieurs reprises en direction des manifestants. Puis, après être sorti de son véhicule, il continue à tirer vers le groupe. Son fils mineur, âgé de 17 ans, qui l’avait suivi, intervient sur les lieux en tentant de raisonner son père. En remontant en direction de son véhicule, le tireur est atteint par un projectile au niveau du flanc gauche, provoquant son décès.«
Le gendarme tué à La Coulée au mont dore est un jeune militaire de 22 ans, tué d’un tir à la tête alors qu’il avait retiré son casque pour échanger avec des membres du conseil coutumiers.
Des morts qui appellent à la responsabilité politique, celle de construire une solution politque, qui comme le rappelaient les communistes dans le communiqué du PRCF de ce 14 mai « dans tous les cas, qu’elle prenne ou non au final la forme de l’indépendance, devra engager avec force… la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie/Kanaky.«
JBC pour www.initiative-communiste.fr
Le sujet du corps électoral :
En mai 2023, on comptait environ 178 000 noms sur la liste spéciale pour les provinciales, surnommée la LESP. Après avoir comparé avec la liste générale, on pouvait chiffrer à environ 42 000 personnes le nombre d’électeurs sans droit de vote aux provinciales (le chiffre était d’environ 8 000 en 1999 et 18 000 en 2009). Soit désormais 15% de la population dont neuf sur dix vivaient dans le Sud. Cette question politique est partagée par l’ensemble des mouvements politiques en Nouvelle Calédonie. C’est sa résolution qui ne fait pas consensus. Rappelons que le dégel du corps électoral pourrait amener plus de 20 000 nouveaux électeurs,, avec le risque de minoriser d’avantage la population Kanak. Les déclarations martiales et autoritaires de l’Elysée et de ses représentants ne sont évidemment pas pour rassurer les kanaks.