Sous les ordres de l’Union Européenne et de ses directives européennes du paquet ferroviaire, l’ensemble des domaines d’activités du ferroviaire ont été ouverts de force à la concurrence, poussant à l’éclatement et à la privatisation de la SNCF, le service public ferroviaire unifié qui a fait l’excellence française dans le domaine, au service des usagers. La privatisation des lignes régionales (TER et même bientôt des RER) est à l’ordre du jour dans nombre de régions, un enjeu assurément fort des prochaines élections régionales, les régions ayant depuis les lois de décentralisation la compétence d’autorité organisatrice des transports.
Initiative Communiste et la commission lutte du PRCF sont heureux de pouvoir faire entendre la voix des cheminots avec cet entretien accordé par Guillaume Nourry, dirigeant d’un des syndicats CGT cheminots.
Initiative Communiste : Bonjour, pouvez-vous vous présentez et quelle est votre fonction au sein de la SNCF ?
Guillaume Nourry : Je m’appelle Guillaume Nourry, je travaille à la SNCF où je suis gestionnaire de moyens : un métier dans la logistique. Je suis syndiqué, militant CGT, je suis secrétaire du syndicat au niveau de la Part-Dieu, sauf le périmètre de la gare SNCF, ce qui représente environ 6000 cheminots et prestataires. Je suis également élu suppléant dans un CSE Zone de production Sud-Est qui est un des 6 CSE de SNCF Réseau.
Initiative Communiste : Pouvez-vous nous parler de la lutte actuelle qu’il y a au sein de la SNCF ?
Guillaume Nourry : Au niveau de la SNCF, notre première lutte concerne les salaires et des conditions de travail. On a lancé une pétition aux cheminots, le 8 avril, on monte d’ailleurs à Paris pour faire remonter ce travail. Nos salaires sont gelés depuis 6 ans et une partie des cheminots est toujours cantonné au SMIC. Notre revendication de base est que nos salaires de base soient de 1800 euros brut, on le réclame pour tous au niveau de l’interpro.
Ensuite, notre seconde bataille concerne l’après-réformes de 1997. Progressivement les services publiques ont été charcutés, récemment encore avec le fameux « pack ferroviaire ». On mène des actions nationales et locales, pour lutter contre ça.
Au niveau local, on essaye de faire un embranchement entre le réseau TCL et la SNCF, pour développer les trains de marchandises, ce qui limiterait les camions de transport qui sont aujourd’hui omniprésents, qui polluent beaucoup plus que les trains.
On fait beaucoup de petites actions locales, pour redonner de l’humain dans un système de plus en plus éclaté : on rouvre symboliquement des gares ou des lignes qui sont fermées par exemple. On veut sortir de cette politique de restriction de l’emploi et de perte de savoir-faire. On veut redévelopper une entreprise publique de ferroviaire en France.
Initiative Communiste : Depuis les années 90 et notamment le traité de Maastricht, on observe le démantèlement des monopoles publics de chemins de fer. Comment la SNCF a-t-elle été touchée par ces décisions de l’Union Européenne ?
Guillaume Nourry : Cela ce traduit dans un premier temps par la séparation des activités. Cela a commencé en 1997 avec la création de RFF. En 2014, l’Union Européenne et le gouvernement, à cause du 4ème paquet ferroviaire, nous a obligés à diviser notre activité en 3 « EPICS » : l’EPIC réseau, l’EPIC Mobilités et l’EPIC SNCF, organisation faite pour préparer à l’ouverture à la concurrence. En 2019, suite à la réforme de 2018, on est allé encore plus loin dans le démantèlement en passant en 5 SA et SAS : avec pour la SA SNCF Voyages, le TGV, Ouigo, les transiliens qui aujourd’hui sont de plus en plus autonomes : les cheminots ont de moins en moins de relations entre eux. Cela crée des dysfonctionnements dans les services, pour les usagers, dans les gares. Du coup aujourd’hui on est maintenant soumis à la rentabilité.
À côté de cela, on voit bien que l’État n’injecte plus d’argent pour redévelopper le public ferroviaire, au contraire, l’État se désengage pour laisser la place aux entreprises privées pour favoriser la concurrence. On est face à une privatisation forcée de la SNCF, avec l’aide de l’État et aussi des régions qui poussent à la concurrence. Beaucoup de petites lignes vont être rénovées par l’État et vendues aux entreprises privées pour que la gestion soit faite par elles ! C’est ce que monsieur Estrosi va faire dans la région de Nice par exemple. Si cela ne plait pas, ces lignes seront sinon purement et simplement fermées. Cela pose donc maintenant question sur l’équité ferroviaire sur le territoire et le bien-être des usages !
Le TER va être aussi ouvert à la concurrence : c’est la région qui gère cela. Il faut aussi noter une chose: c’est que cette fameuse « concurrence », ce sont à 80% des filiales de la SNCF et DB, partout en Europe.
Initiative Communiste : Êtes-vous favorable à une nouvelle nationalisation de la SNCF ?
Guillaume Nourry : Oui tout à fait. C’est notre première revendication : avoir un groupe SNCF en une seule entreprise unifiée et intégrée. On veut la gestion nationale des transporteurs et des voies. On veut éviter les différences de traitement entre les régions pauvres ou riches. Si on prend l’exemple de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui fait partie des régions riches, elle maintient en grande partie ces lignes. À l’inverse, la région Centre-Val-de-Loire, beaucoup de lignes ferment, quasiment la moitié. On met des cars à la place, qui sont beaucoup moins écologiques. C’est une question de société aussi.
Initiative Communiste : Quelles sont les conséquences de la progressive privatisation de la SNCF sur le trafic mais aussi sur l’environnement ?
Guillaume Nourry : Au niveau des transports et des empreintes carbone, c’est une catastrophe. Les camions polluent beaucoup plus que les trains. Nous on veut redévelopper le ferroviaire, mais aussi inclure les trams par exemple. À Lyon par exemple, cela pourrait être possible, car Keolys qui gère les TCL est juste une filiale de la SNCF ! C’est donc envisageable de se battre pour ça ! On veut agir pour limiter l’empreinte carbone.
Pour les usagers, selon l’argent que mettront sur la table les régions, ils auront un service ferroviaire de qualité ou non. Si la région ne veut pas, des lignes seront fermées tout simplement.
Un autre exemple assez concret, du côté industriel, était le train qui desservait une carrière dans l’OUEST lyonnais (Vallée de la Brévennes), une fois par semaine à peu près, la SNCF l’a fermée et la région n’a pas voulu la maintenir, car c’était une petite ligne. Aujourd’hui on se retrouve avec 9000 camions, sur les routes départementales et communales, où parfois les camions n’arrivent même plus à se croiser dans les petites villes. Entre la pollution, la dégradation des routes, c’est une catastrophe. Les citoyens de cette vallée sont totalement impactés, leur bien-être et la qualité de vie de ces gens sont mis à mal.
Merci pour votre contribution, on vous soutient à fond dans votre lutte !
Merci à vous !
Entretien réalisé le 10/03/2021 par Dark Vlador pour www.initiative-communiste.fr
les illustrations sont le fait et le choix d’Initiative Communiste.