53eme congrès, lutte en cours, entretien exclusif avec Olivier Mateu (UD-CGT13)
Olivier Mateu, secrétaire général de l’Union Départemental CGT des Bouches-du-Rhône a accepté de répondre aux questions d’Initiative Communiste.
(Propos recueillis le 12 avril 2023)
Initiative communiste : Quel bilan tires-tu du 53eme congrès de la CGT ?
Olivier Mateu : Le 53eme congrès a été très intéressant. D’abord parce que les délégués ont pris en main leur congrès sur des sujets très politiques et ont imposé leurs marques et leur volonté. Le rapport d’activité a été battu.
Il y a eu également un travail d’amendements très intéressant qui a été réalisé sur le document d’orientation. Si on ne peut jamais complètement le changer, les principaux éléments de la feuille de route qui avaient été laissés par la direction sortante ont été retirés du document. Je pense notamment au « collectif plus jamais ça » (qui visait à associer la CGT avec des organisations non gouvernementales comme Greenpeace et qui faisait la promotion de la désindustrialisation du pays, NDLR) ou encore le projet de fusion avec la FSU et Solidaire, tous ces points ont été abandonnés par les congressistes.
L’appropriation par les délégués de leur congrès a été salutaire. Nous en sommes sortis dans une situation qui n’est pas la catastrophe annoncée, puisqu’on nous parlait de l’explosion de la CGT…
C’est donc une étape de franchie. Maintenant il faut créer les conditions du débat collectif pour remettre la CGT complètement sur les rails.
IC : Sur la mobilisation en cours, quelles sont les perceptives et peut on encore gagner ?
Olivier Mateu : Je pense que l’on peut encore gagner ! Pour ça, il va falloir que l’intersyndicale s’interroge sur les modalités d’action et que l’on voit les moyens qu’ils nous restent pour atteindre notre objectif qui n’est pas si éloigné que ça.
D’ailleurs il y a toujours des actions, beaucoup menées avec panache ! Mais nous sommes forcés de constater qu’ils en manquent et les journées d’actions de l’intersyndicale auraient du être complétées par de la grève reconductible organisée, c’est-à-dire sans se contenter d’appeler à généraliser les grèves mais en l’organisant dans les tous les secteurs de l’économie et que chacun prenne sa part, de façon à bloquer l’économie et contraindre le grand patronat à demander le retrait du projet de loi. Beaucoup de choses ont été faites depuis l’appel des 4 fédérations CGT (mine et énergie, port et dock, cheminote et industrie chimique), mais il faut élargir cela et cadencer concrètement de sorte que chacun, sous les formes qu’il peut, participe à l’effort. C’est la complémentarité de toutes les modalités de grève qui fait que la machine se grippe. Créer ces conditions, c’est le rôle de l’intersyndicale quand elle est à la conduite d’un mouvement interprofessionnel de cette ampleur. Il ne s’agit pas d’avoir le doigt sur la couture aux ordres de Paris, mais de savoir qu’on est dans un cadre bien précis, avec un objectif très clair et que l’on est pas seul à s’engager, ça rend bien plus efficace les reconductibles dans les secteurs stratégiques de l’économie et ça donne confiance à ceux qui se considérèrent, à tort, moins utiles dans la grève.
D’ailleurs, pour être efficace, il ne s’agit pas d’appeler tout le monde au même moment sur les mêmes modalités. Par exemple, un calendrier donné sur une quinzaine de jours avec tel jour, telle corporation et ainsi de suite, de sorte d’impacter la chaine de production et d’échange, le tout agrémenté d’action dans les services publics, je pense notamment aux bureaux, aux crèches, aux écoles etc, tout cela cumulé peut les faire plier et sans demander pour autant à tout le monde de partir sur de la reconductible pure (de 24 heures en 24 heures). L’objectif est de désorganiser le système. En tous cas, à l’heure actuelle, cela permettrait de donner un second souffle au mouvement.
Et de toute façon, soyons clair, quoi qu’il arrive, la colère ne va pas retomber.
IC : Qu’attends-tu de la décision du Conseil Constitutionnel ?
Olivier Mateu : Pas grand-chose. Qu’attendre d‘un conseil constitué par la plupart des gens qui nous ont gouverné et qui ont mis en œuvre les mêmes orientations qu’actuellement ?
Il faut d’abord que nous comptions sur nous-mêmes, nous n’avons pas d’autre choix.
D’ailleurs nos revendications n’ont pas changé : nous ne voulons pas de la retraite à 64 ans et nous continuerons de revendiquer et de faire la démonstration que l’on peut partir à la retraite à 60 ans et plus tôt encore pour les métiers pénibles. Nous ne lâcherons pas là-dessus !
IC : Quelles sont les perceptives pour le renouveau du syndicalisme de classe en France ?
Olivier Mateu : La période valide complètement la nécessité d’avoir un syndicalisme de classe. D’autant qu’en face ils ne veulent rien lâcher, donc tout ce qui consiste à quémander par le « dialogue sociale » un allégement de la peine qu’ils veulent nous infliger, condamnerait ceux qui portent ce syndicalisme là. Il ne s’agit pas d’opposer la radicalité au dialogue, mais quand on a à faire à un gouvernement et un patronat aussi déterminés ce qui reste à organiser c’est le combat.
Donc je pense que nous sommes sur la bonne voie pour que le syndicalisme de classe s’impose.
D’ailleurs aussi bien dans la CGT que chez les travailleurs, l’idée qu’il faut être en rupture avec ce système et qu’il faut le combattre frontalement gagne du terrain. Cela se traduit par des adhésions à la CGT et un regain d’intérêt pour la forme organisée. Ca n’est pas une question de boutiquier, mais parce qu’il faut qu’on soit plus nombreux dans la CGT pour en faire un outil efficace pour les travailleurs.
Maintenant, cela ne se fait pas en un jour et c’est avec persistance et détermination qu’il faut envisager les choses. De plus tout peut aller très vite, d’ailleurs on a atteint avec ce mouvement des niveaux de mobilisation qu’on n’avait pas vue depuis des décennies. Il faut qu’on fasse fructifier cela, notamment en capacité d’action.
A ce titre, il suffit de prendre quelques exemples comme la grève actuelle des agents portuaires, dockers et énergéticiens qui empêchent, par la grève, aux cargos de décharger leurs marchandises et qui se retrouvent bloqués par dizaines au large des ports, ou bien encore celui de la grève exemplaire des éboueurs, notamment à Paris : cela doit donner confiance à tous les nôtres. Oui nous avons encore les capacités d’agir sur les choses !
C’est pour ça que la CGT doit à nouveau jouer son rôle de confédération en donnant un cadre commun, des perspectives communes. Dans les Bouches-du-Rhône c’est ce qu’on essaye de faire dans l’union départementale en ayant toujours à l’esprit de ne laisser personne seule dans le combat.
A voir la prise de parole d’Olivier Mateu à Marseille au nom de l’UD CGT lors de la manifestation intersyndicale du 14 avril devant la préfecture de région