Par Anna Persichini, militante CGT de la Métallurgie – Front Syndical de Classe
Coup sur coup, Philippe Martinez (CGT) et Yves Veyrier (FO) viennent vaillamment d’annoncer leurs départs respectifs des secrétariats généraux de la CGT et de Force ouvrière.
Sans procéder à un bilan tant soit peu précis de leur passage proprement catastrophique à la tête de leurs Organisations Syndicales respectives (adhésions en chute libre dans les deux cas, divisions profondes, discrédit croissant des confédérations auprès des salariés, essor du syndicalisme jaune CFDT, résultats revendicatifs désastreux sur tous les terrains: acquis sociaux, salaires réels, privatisation galopante de ce qui reste du secteur public, crise gravissime de l’Éducation nationale, de l’Hôpital public, de l’Université et des autres services publics, délocalisation massive finale en vue de Renault, de Vallourec et de PSA…), les deux secrétaires généraux encore en place ont fait introniser leurs successeurs respectifs auprès des « parlements » respectifs des deux syndicats.
Mettant tous deux la charrue avant les bœufs et privilégiant les questions de personne sur les questions de ligne syndicale, Martinez et Veyrier ont fait la courte échelle à leurs successeurs respectifs, l’enseignante cégétiste Marie Buisson et le métallo Frédéric Souillot pour FO, sans dessiner la moindre perspective programmatique précise, sans ouvrir le moindre débat d’orientation syndicale, sans proposer le moindre plan de lutte contre la nouvelle contre-réforme annoncée des retraites, sans formuler la moindre interrogation autocritique sur les choix euro-réformistes qui ont placé la CGT et FO dans une impasse historique depuis le référendum sur Maastricht et l’avortement organisé du grand mouvement gréviste de Décembre 1995.
Aucune interrogation stratégique non plus des deux secrétaires généraux sortants sur le « saut fédéral européen » en cours (substitution d’un État impérial européen centré sur Berlin et supervisé par Washington aux États-nations existant, cadres du droit social historiquement constitué), sur l’euro-décomposition organisée du cadre territorial français (« autonomies » annoncée de la Corse et de la Bretagne, « collectivité européenne d’Alsace », « euro-département de Moselle »: c’est-à-dire fin de la République indivisible qui fonde institutionnellement l’ « ordre public social français » depuis 1789!), sur le désétablissement – lourd de conséquences antisociales structurelles de toutes sortes! – de la langue française (sacrifiée au tout-anglais euro-atlantique et à son « accompagnement » territorial: la co-officialisation formelle des langues régionales). Encore moins de réflexion encore, et surtout, d’appel à l’action, sur les responsabilités centrales de l’OTAN, inséparable de l’UE, dans la marche à la guerre mondiale antirusse et antichinoise planifiée par Biden avec l’aval de Macron et Cie. Comment pourtant dissocier la bataille des salaires et la lutte anti-austérité de la bataille contre les énormes dépenses militaires engagées par la France et par l’UE pour préparer ce que, bien avant l’offensive russe en Ukraine, le chef d’état-major de l’Armée française, le général Thierry Burckard, appelait déjà le « conflit de haute intensité » à venir ?
Résultat, notre pays peut à tout moment être entraîné dans une catastrophe militaire, voire nucléaire, continentale et mondiale si, pour finir, le conflit de moins en moins larvé entre la Russie (adossée à la Chine) et l’UE-OTAN dérape vers une belligérance ouverte directe entre le bloc euro-atlantique et l’entente Moscou-Pékin qui pourrait tout bonnement conduire à la fin de l’humanité! Jaurès reviens, ils sont devenus lâches ! Qu’il est loin le temps où Benoît Frachon appelait au nom de la CGT à défendre, contre l’Europe atlantique et supranationale, l’indépendance de la France, la paix mondiale et les conditions de vie de la classe ouvrière ! Alors la CGT associée sans complexe à un véritable Parti communiste savait encore, comme en 1936 et 1945, unir les drapeaux rouge et tricolore, pour cultiver le patriotisme populaire, combattre le racisme et promouvoir l’internationalisme prolétarien !
De plus toute la presse spécialisée indique bien que les deux secrétaires généraux investis par leurs prédécesseurs appartiennent tous deux au courant le plus réformiste de leur syndicat. C’est vrai de FO, où depuis l’éviction sur fond de coups bas, de Pavageau, jugé trop « républicain » et euro-critique, le courant réformiste traditionnellement proche de la social-démocratie européiste, tient les rouages du syndicat. C’est vrai aussi de la nouvelle SG pressentie de la CGT à laquelle les secteurs « rouges » de la confédération reprochent ses engagements plus « sociétaux » que sociaux et sa proximité avec le secteur inter-confédéral « plus jamais ça », où des « ONG » du type de Greenpeace, qui se fichent éperdument du sort de la classe ouvrière, jouent un rôle majeur, et qui n’ont pas été pour rien dans les tentatives de certains caciques confédéraux pour lancer une chasse aux sorcières à l’encontre des militants du Frexit progressiste assimilés à des rouges-bruns. Comme si le principal danger pour les syndicats européens n’était pas, en ce moment, la chasse aux sorcières continentales menée contre les « rouges » dans toute l’Europe de l’Est, Ukraine et Pologne en tête, avec le soutien discret du Parlement européen qui préfère flirter avec les gouvernements pronazis d’Ukraine ou des pays baltes. Regardez donc plutôt du côté du danger « bleu-brun » ou « rose-brun », MM. et Mmes les dirigeants confédéraux car c’est là que s’écrit la partition continentale de la fascisation, de la répression antisyndicale et de la marche à la guerre impérialiste mondiale!
Alors qu’approche un bras de fer existentiel sur les retraites (ne nous leurrons pas, le passage à la retraite à 65 ans ne serait pas un retour à la case-départ pour les salariés français mais une mise à mort finale des retraites par répartition: car les jeunes ne seront pas longs à se demander pourquoi cotiser pendant des décennies pour un système dont l’âge de départ tend vers celui de la mort, ou du moins de la fin de la vie en bonne santé, sur fond de décotes massives et d’entrée de plus en plus tardive sur un marché de l’emploi précarisé!) et où la lutte pour les salaires n’est qu’un leurre si elle n’est pas assortie d’un retour à l’indexation des salaires que Mitterrand, Delors et Le Pors (alors ministre PCF de la Fonction publique…) ont supprimée en 1983 pour mettre en marche le passage au franc fort, c’est-à-dire à l’alignement du franc sur le deutsche mark qui a pour nom officiel l’ « euro »). Il est temps pour tous les syndicats de classe de passer un cap dans la construction, non seulement d’un large débat ignorant les interdits des états-majors Berger- et CES-dépendants, de se rapprocher offensivement de la Fédération Syndicale Mondiale rouge en plein renouveau et de travailler ensemble ouvertement, pour commencer dans le cadre de la CGT, socle traditionnel du syndicalisme de classe en France, à une plateforme revendicative commune et à un plan de lutte commun. Et tant pis pour les superviseurs euro-atlantistes (Lénine eût dit « social-impérialistes »: sociaux en paroles, impérialistes en pratique!) du pseudo-syndicalisme jaune et bleu d’accompagnement militariste et austéritaire.
NDLR Yves Souillot investi secrétaire de FO en remplacement de Yves Verrier est issu du syndicat FO de la métallurgie qui a temps défrayé la chronique ces dernières années. Chez Tokheim ex Schlumberger, il avait signé avec la CFDT un scandaleux accord d’augmentation et de flexibilisation du temps de travail anticipation de ce qui a été ensuite inscrit dans les loi El Khomri et travail. Il se dit que son élection, contre le plus combatif SG de la fédération de la fonction public C