
Alors que tout le monde s’inquiète de ne pas trouver un médecin ou un service d’urgence, que le mot d’ordre “vaut mieux ne pas tomber malade” devient un proverbe, surtout dans ce bassin manosquin où le service d’urgences de l’hôpital local ferme régulièrement la nuit et le weekend par manque d’effectifs malgré la dure lutte de la Convergence Urgence Santé 04 qui regroupe diverses associations et organisations locales dont l’ARC 04 du PRCF, il semble que le sort s’acharne sur ce petit territoire.
ÉtincelleS le n° spécial écologie est paru : rouge et vert, deux couleurs complément terre
En effet, c’est La Provence qui relaie la mauvaise nouvelle ce 13 mars : l’association FNE 04 (France Nature Environnement) aurait reçu des sombres informations de la part d’un lanceur d’alerte. Durant les mois de novembre 2024 et février 2025, la Saur, prestataire privé pour la communauté de communes DLVA (Durance Luberon Verdon Agglomération) pour la gestion de sites de déchets, aurait relargué volontairement dans des plantations de peupliers 1500 m3 de lixiviats, des déchets issus de la pollution des sols, riches en bactéries pathogènes et en métaux lourds. Responsables de forte pollution des nappes phréatiques, ces déchets ne doivent surtout pas être rejetés dans la nature sans traitement sous peine d’empoisonner l’eau potable des habitants, ce dont la Saur semblerait alors se moquer comme de la dernière pluie. Rappelons, en passant, que la très pro-capitaliste, UE-compatible et RN-alignée Coordination Rurale a été responsable de multiples dégradations matérielles et menaces d’agression physique revendiquées contre la FNE ici lanceuse d’alerte.

D’après la source de la FNE, ces lixiviats viennent de dysfonctionnements dans une plateforme de compostage voisine (Tourrettes dans le Var) ayant endommagé des cours d’eau et entrainé une mise en demeure par le préfet du Var. La Saur aurait alors déménagé ses déchets dans sa station de compostage à Manosque, et ensuite procédé à ces relargages copieux et illégaux. La DDT (Direction départementale des territoires, un service public dans le viseur de l’euro-austérité) a pu confirmer dans son inspection du 6 février 2025 des anomalies puisqu’un arrêté préfectoral de mise en demeure a d’ailleurs été pris par le préfet. La ville de Manosque a porté plainte. La société reconnait les épandages mais assure qu’il ne s’agit pas de lixiviats: « Les effluents épandus ne sont en aucun cas des lixiviats issus de l’enfouissement de déchets, mais des eaux de ruissellement et de ressuyage provenant de la plateforme de compostage. Ces effluents, régulièrement analysés, présentent des caractéristiques agronomiques permettant leur retour au sol dans des conditions conformes aux réglementations en vigueur. »
Que risque la Saur ? D’après le Code de l’environnement, une peine maximale de 45 000€ d’amende. Probablement beaucoup moins que ce qu’aurait coûté la remise à niveau de ses sites défaillants, et probablement beaucoup moins que ce que coûterait la réparation des dégâts environnementaux et sanitaires que ses actions (qualifiables d’homicides volontaires ?) auront produits.
Un coût comme un autre dans le bilan comptable, finalement.
D’accord, la Saur aurait porté atteinte à l’environnement, avec donc le risque d’empoisonner des gens, et ce n’est pas la première fois que cette boite est accusée de maltraiter les pauvres gens, elle est connue pour couper l’eau illégalement aux impayés en prétextant des gymnastiques juridiques pour lesquelles elle a été condamnée de multiples fois comme le rapporte l’Humanité. Elle a même fait l’objet d’une enquête de Cash Investigation où elle a pu s’embarrasser de ses puérils artifices rhétoriques dits avec l’aplomb du costard-cravate intouchable. Mais sortons une seconde d’un discours culpabilisateur visant à pointer du doigt une entreprise bien difficile à défendre pour comprendre le système qui l’a fait émerger. Et donc pointer les causes profondes du problème.
Dans les attributions des collectivités locales comme les communautés de commune, se trouvent tout un tas de services d’intérêt collectif, que les Français considèrent comme un droit, ou en tous cas considèrent son absence comme une anomalie. Parmi ces services, il y a l’eau courante, la distribution finale de l’électricité, un réseau de transport collectif minimal, un service postier, etc. Tout le monde est habitué à payer une petite somme pour ces services puisque leur fourniture nécessite un travail qui mérite salaire malgré diverses subventions visiblement insuffisantes.
Cependant, dans le “marché libre” capitaliste, ce système n’est pas souhaitable, car cette manne financière est captée par des services publics à prix coûtant qui n’enrichissent pas la bourgeoisie propriétaire du secteur privé, qui réagit alors par un artifice financier : elle sort ces services des chiffres de la croissance pour faire croire qu’ils ne représentent pas une activité économique mais seulement un coût pour le collectif. Bien entendu, la bourgeoisie, à travers son État, contrôle aussi le secteur public de fait, mais enfin, elle ne peut pas facilement s’enrichir des recettes des prestations publiques, à moins de “blanchir” un braquage de la caisse publique par divers moyens comme le vote de retraits d’impôts ou de création de nouvelles subventions injustifiées.
Mais les collectivités locales ont la possibilité de déléguer ces tâches publiques à du secteur privé, ou au minimum à des sociétés anonymes dont l’État bourgeois sera l’actionnaire majoritaire mais qui fonctionneront comme le secteur privé (une étape transitoire qui permet d’ouvrir la concurrence du public avec le privé, qui prendra les parts de marché et s’imposera progressivement comme la norme). Parmi ce deuxième cas, celui des sociétés anonymes de contrôle public et de fonctionnement privé avant extinction, on trouve par exemple EDF, divers bailleurs de HLM, La Poste, et la plupart des hôpitaux publics qui ne sont pas des sociétés anonymes mais cela revient au même. Et parmi les entreprises directement privées, on trouve par exemple la plupart des opérateurs de téléphonie mobile ou d’internet (dont on oublie qu’ils étaient il y a des décennies un service public de l’État transformé en “France Telecom” par directive européenne en 1988, ensuite broyé par les concurrents privés puis pleinement privatisé), les autoroutes, nombre d’opérateurs de délégataires de transports en commun, ou encore… la distribution de l’eau, notamment ici la Saur. De facto chacun voit ici ce que sera un des enjeux politiques premier des débats locaux des prochaines élections municipales. Défendre l’intérêt public et collectif avec la mise en place de services publics via des régies et entreprises 100% public, ou privatiser pour gaver des actionnaires sur le dos des usagers et des salariés.
Alors quel est le but premier d’une entreprise privée ? Avoir un bon bilan comptable pour rémunérer ses actionnaires. Comment donc savoir s’il faut plutôt entretenir les réseaux et privilégier la qualité de l’eau, la préservation de l’environnement ou à l’inverse aller au plus économique quitte à polluer voir prendre le risque d’empoisonner la population ? Facile, il faut calculer quelle option sera la plus favorable au bilan comptable. Et si l’entreprise se refuse à empoisonner les gens, son bilan comptable sera moins positif que celle qui a choisi l’option relargage et ses actionnaires iront investir chez la plus compétitive, jusqu’à la mort par étouffement financier de l’entreprise “morale”.
Avant d’être noyés dans les “eaux glacées du calcul égoïste”
En conclusion, même si les dirigeants de la très rentable Saur mériteront leur condamnation si la culpabilité est avérée, il ne sert à rien de se contenter du constat paresseux de l’immoralité criminelle d’e cette d’une entreprise. C’est le système capitaliste qui permet structurellement à ce type d’entreprise de se développer et de s’imposer, et tant que nous resterons dans ce mode de production, les mêmes problèmes repousseront comme la mauvaise herbe. Et ne comptons pas sur un système de santé solide pour corriger les problèmes sanitaires liés à la pollution et à l’usure liée au travail : la médecine capitaliste est incapable d’empêcher le capitalisme de broyer les femmes et les hommes, elle ne peut que rattraper les dégâts autant que faire se peut ! Tant que ce mode de production persistera, rien ne pourra l’empêcher de consumer ses deux sources de richesse : la terre et le travailleur.
Une seule solution préventive concrète donc pour attaquer ce mal à la racine et redonner la bonne santé à nos concitoyens : la sortie du capitalisme via la nationalisation des secteurs clefs de l’économie et la renationalisation des services publics par un État contrôlé par le prolétariat au nom des masses de la population, option qui ne s’envisage donc que par la levée de tous les verrous à cette politique salvatrice : l’Union européenne ultralibérale, l’OTAN exterministe, et l’euro austéritaire ! Nous n’avons pas besoin de compter sur autre chose que sur nos forces immenses et sur celles des nations qui s’allieront à notre noble cause !
L’argent pour l’hôpital, pas pour le capital, ni pour la guerre mondiale !
Antoine, médecin, pour la Commission Santé