Chassez le naturel, ile revient aussitôt au galop. La trêve des insultes et stigmatisations frappant les enseignants est terminée, et la macronie réactionnaire n’aura pas mis beaucoup de temps pour reprendre ses bonnes habitudes rétrogrades de dénigrement traditionnel. Bien aidée par un « reportage » de France 2 sur les professeurs « décrocheurs » pendant la période, la macronie s’en est donnée à cœur joie, à l’image de la députée Anne-Christine Lang qui s’indigne que « certains enseignants aient littéralement disparu des radars » ; la vieille rengaine anti-profs ressurgit, menée par une députée fraudeuse qui a déjà utilisé des ressources parlementaires pour des soins et des dépenses personnelles en vacances et décrit ses montages financiers pour minorer son impôt (en 2015, elle a reçu 1 300 euros de crédit d’impôt alors qu’elle gagnait 50 000 euros la même année…). Il n’en fallait pas plus pour que le sinistre Blanquer annonce son intention de sanctionner les enseignants « décrocheurs » … avant de se raviser devant le tollé suscité par des propos tendant, une nouvelle fois, à discréditer une profession à laquelle collent tous les qualificatifs du monde – « privilégiés » grâce aux vacances, « grévistes » permanents, « gauchistes », « absentéistes » et autres amabilités visant les « fonctionnaires fainéants ». Qu’importe d’ailleurs si, en réalité, le taux d’« absentéisme » (de fait, essentiellement de l’absence pour raison de santé) des enseignants est inférieur à la moyenne au sein de la fonction publique… et même toutes catégories professionnelles confondues – sauf, naturellement, pour la presse réactionnaire de droite comme le Figaro, largement subventionné par l’Etat…
Il était toutefois difficile de faire passer une telle image au sein d’une population dont une bonne partie s’est rendu compte, pendant le confinement, de ce que signifiait gérer au quotidien des élèves. Ne fallait-il plutôt pas remercier les enseignants pour le travail accompli durant une période si difficile ? Seulement voilà : pas d’augmentation de salaire envisagées (gel du point d’indice de la fonction publique depuis… 2010, oblige), ni de primes d’ailleurs peu perçues par les personnels hospitaliers ou les caissiers – encore une « promesse » non tenue de la part d’un euro-gouvernement rempli de haine sociale. Mais l’imagination n’a aucune limite au sein de l’Education nationale, et c’est pourquoi l’Académie de Montpellier a proposé, en guise de « remerciement » … des « badges pour valoriser [l’]engagement pendant l’épidémie de coronavirus au cours de l’année scolaire 2019-2020 ». Une « superbe » collection partagée par les Académies de Poitiers et de Nice, proposant une « diversité » de badges selon le profil de l’enseignant : « explorateur », pour les enseignants qui ont exploré d’autres pratiques pédagogiques ; « utilisateurs » (même phrase que pour les explorateurs, seul le verbe change) ; « « passeurs », pour les enseignants qui ont partagé des ressources et des pratiques ; enfin « bâtisseurs », pour les enseignants ayant produit des contenus (comme si ce n’était pas le cœur du métier…). Nul doute que la rentrée 2020-2021 s’annonce explosive et que nombre d’enseignants exprimeront leur colère dans la rue face à aux fossoyeurs de l’Education nationale…