Austérité, coupes budgétaires, réduction des financements et des postes… voilà sans aucun doute le résultat des ordres données à plus de 60 reprises par l’Union Européenne de réduire les dépenses et budgets des hôpitaux publics en France. Un des moyens pour y arriver, c’est de supprimer les postes des agents publics d’entretien et de nettoyage pour les privatiser et les externaliser. La propreté et la désinfection de nos hôpitaux publics devient une source de juteux profits pour les multinationales du nettoyage, qui font leur beurre sur le dos des personnels de nettoyage, et au détriment de la santé de tous. La commission santé du PRCF, réagit au reportage récemment diffusé par l’émission d’enquête du service public, Cash investigation.
En 2019, dans un contexte de mouvements de grève du personnel en raison de la dégradation des conditions de travail, une journaliste s’est fait (facilement) embaucher, sans aucune vérification de ses compétences, comme « agent qualifié de propreté » par la société Onet, chargée du « bio-nettoyage » au Centre Hospitalier de Valenciennes (Nord)…
Onet est la première société française privée de nettoyage, les marchés publics lui rapportant 2 milliards d’euros par an (45 000 salariés, pardon « collaborateurs » !) et elle travaille notamment pour 14 hôpitaux publics.
Le bio-nettoyage, ce n’est pas « bio », cela signifie nettoyage ET désinfection biologique dans un but d’élimination complète des germes pathogènes, ce qui en milieux hospitalier est primordial.
Employée en cdd pour 4 mois la journaliste a reçu 7 heures de formation (au lieu des 14 prévues) alors que les experts hygiénistes recommandent 3 jours, et la société Onet officiellement 2 jours. Elle a dû acheter ses chaussures et n’a reçu qu’une blouse – à nettoyer chez elle !
Rapidement elle a pu constater le manque de matériel (jusqu’aux balais « miteux » et aux lingettes usées jusqu’à la corde), le système D permanent du personnel pour pallier à tous ces manques et la charge de travail physiquement et moralement très éprouvante pour toutes ces femmes.
La recommandation de la durée de nettoyage d’une chambre est de 20 minutes selon les hygiénistes, 15 pour Onet, en réalité pour tenir la charge de travail, le personnel épuisé doit se débrouiller en 7 minutes !
Rapidement repérée et remerciée en 4 minutes au bout de 4 jours, la journaliste a contacté la direction du Centre Hospitalier et celle d’Onet : circulez, rien à voir, tout va bien !
En mai 2020, l’équipe d’Onet a du se mettre à nouveau en grève durant 7 jours (98% de l’équipe de 150 agents sur le papier) pour obtenir des masques FFP2 en nombre suffisant puis en grève perlée d’un mois (toujours soutenue uniquement par l’union locale CGT) pour avoir des nouvelles lingettes (ce que la direction qualifie de « moyens supplémentaires ») pour affronter la Covid-19 (180 chambres à nettoyer chaque jour), pour avoir une augmentation de 45 € et une prime de 400€, n’ayant pas droit à celles des personnels de santé (1 500 euros). Toutes ces travailleuses ont pourtant tenu un rôle essentiel lors de cette épidémie.
A noter que les chambres en réanimation Covid sont traitées par le personnel hospitalier.
En 2008, suite à une enquête de l’Université d’Oxford constatant que la privatisation (« l’externalisation ») du bio-nettoyage va de pair avec une forte augmentation des infections nosocomiales (15,3% en plus,) l’Ecosse puis le Pays De Galle et l’Ulster ont réintégré ce secteur dans l’Hôpital !
Or en France la privation date de 2011 et il s’avère qu’en 2012 le nombre de décès pour infection a l’Hôpital était de 4000, soit plus que les accidents de la route.
Et depuis 2012 plus aucune donnée n’est disponible, que ce soit au niveau local ou national ! en 2020 tout sera-t-il mis sur le compte de la Covid ? on peut le craindre !
Et bien entendu la direction du CH de Valenciennes vient de renouveler pour 4 ans la concession à Onet. Il est vrai qu’en 2019 cet hôpital, public, a reçu le Prix d’Excellence délivré par le Medef… pour sa « gestion unique en France » : 5 millions d’euros d’excédent 8 ans de suite, (voir notre information dans IC N°206-207 de juillet 2019), de quoi imprimer de belles brochures de satisfaction.
Qu’en pense l’Agence Régionale de Santé ..?
Il faut en finir avec les externalisations /privatisations ; le bio-nettoyage, notamment, doit être réalisé par du personnel hospitalier statutaire, bien formé, bien rémunéré, sous la direction d’un médecin hygiéniste et non d’un bureaucrate extérieur soucieux avant tout de rentabilité. C’est une question de santé publique.
13/12/2020 – LA COMMISSION SANTE du PRCF, à propos de l’émission « Cash investigations » de France 2, ce jeudi 10 décembre, consacrée au phénomène de sous-traitance du nettoyage dans les hôpitaux