Chacun sait qu’il faut connaître l’histoire pour ne pas la revivre. Notre camarade Annie Lacroix-Riz professeur d’histoire contemporaine (Paris VII Diderot), spécialiste des années 1930, en entendant les mesures du programme de Fillon a immédiatement fait le lien avec les vieilles mesures de la droite collaborationniste de Vichy ! Et de lancer l’alerte aussitôt. Ses révélations édifiantes ont fait l’objet d’un article (lire ci dessous) paru dans les colonnes de l’Humanité du 15 février dernier. De fait, alors que le MEDEF n’a de cesse que de revenir sur le programme du Conseil National de la Résistance mis en place à la libération par les ministres communistes (Sécu, nationalisations, Éducation nationale, statut des fonctionnaires…), ce qui signifie en clair rétablir la politique précédente – celle de Vichy – il n’y a rien d’étonnant d’entendre dans la bouche de Fillon les mêmes propositions et les mêmes vieilles et sinistres mesures que dans celle d’un collaborationniste fasciste comme Dorgères.
Des révélations à largement diffuser donc !
www.initiative-communiste.fr publie, en direct des archives les éléments révélés par Annie Lacroix-Riz
Qui était Dorgères ?
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, chercheuse explique qui était Dorgères:
Éminence des ligues fascistes d’avant-guerre, Henri d’Halluin, dit Dorgères, adhéra à la Ligue des contribuables fondée en 1933 par le patron des huiles Lesieur, Jacques Lemaigre-Dubreuil, et présida le « Front national paysan » fondé en 1934 avec Jacques Le Roy Ladurie (les « chemises vertes ») et en contact avec Berlin. Il était notamment lié à Darquier de Pellepoix, à Marcel Bucard, aux Croix de Feu, et à Doriot et à son PPF. Cagoulard d’envergure, anticommuniste, antisémite, anti-maçonnique, c’est un des principaux comploteurs contre la République, mission résumée par la lettre 136 de François Tanguy-Prigent, ministre SFIO de l’agriculture [1944-1947], au garde des Sceaux François de Menthon, Paris, 12 avril 1945, qui mentionne aussi son rôle sous l’Occupation.
Ces fondateurs de la « Corporation paysanne » (dont un certain nombre, Dorgères inclus, furent ensuite élus députés poujadistes en 1956); chargé de propagande sous Vichy, notamment dans le journal Le Cri du Sol, il fut en contact permanent avec l’occupant de 1940 à 1944. Dorgères a été récompensé par le régime de Vichy par la Francisque
« dans l’une des premières promotions, n° 153, le 16 avril 1941. «
Le programme de Fillon ? les mêmes vieilles mesures que la droite collaborationniste de Vichy !
À la Libération, bénéficiant de l »épuration symbolique qui blanchit nombre des collaborateurs du régime de Vichy, il reprend aussitôt ses activités de propagande au profit de la classe capitaliste : combat contre la Sécurité sociale (comme avant-guerre, au service du consortium des Assurances, contre les « assurances sociales »), appel des paysans au soulèvement contre le régime, à la révolte des bouilleurs de cru contre la législation, « insupportable entrave à la liberté », à la spéculation sur le bétail; à la grève de l’impôt, etc.
Le document retrouvé par Annie Lacroix-Ris est le compte rendu par les renseignements généraux d’un meeting tenu le le 10 octobre 1948, à Landivy (Mayenne) [à moins de 100 km de Sablé-sur-Sarthe] devant 200 paysans.
c’est »la ressemblance avec le programme de rénovation présumée d’un candidat issu de la Sarthe aux présidentielles de 2017 » qui a immédiatement frappé l’historienne Annie Lacroix Riz.
Mercredi, 15 Février, 2017
L’Humanité
Suppression de 400 000 fonctionnaires et fin du remboursement des « petits risques » par la Sécurité sociale. En 1948, Fillon n’existait pas, et pourtant…
Les idées de François Fillon ne sont pas neuves. L’historienne Annie Lacroix-Riz a exhumé un document édifiant datant de 1948 qui le prouve cruellement. Dans le rapport retrouvé, le commissaire aux renseignements généraux rendait ainsi compte d’une « réunion paysanne » organisée par Henri Dorgères : « L’orateur demande la diminution des fonctionnaires (400 000), la suppression des nationalisations. (…) Il demande également la réorganisation de la Sécurité sociale par la suppression du remboursement des petits risques. » À deux doigts du copier-coller, toute la colonne vertébrale de ce que propose François Fillon pour 2017 y est déclinée, y compris au niveau des arguments. Henri Dorgères déplore même que de « simples rhumes de cerveau coûtent aux contribuables 75 milliards par an », quand Jérôme Chartier, porte-parole du candidat de la droite, a bien eu du mal à expliquer que la prise en charge du rhume, « ça dépend de quel rhume ».
élu député poujadiste en 1956, aux côtés, entre autres, de Jean-Marie Le Pen
Ironie du sort, la réunion de 1948 a eu lieu à Landivy, en Mayenne, à quelques kilomètres de Sablé-sur-Sarthe, terre d’élection de François Fillon. Reste une question : qui était Henri Dorgères ? Fondateur des « Chemises vertes » et du fascisme agraire, un temps partisan du renversement de la République, il soutient Philippe Pétain sous Vichy, reçoit la francisque en 1941 et est nommé délégué général à l’organisation et à la propagande de la Corporation paysanne tout juste créée. Amnistié en 1946, il est élu député poujadiste en 1956, aux côtés, entre autres, de Jean-Marie Le Pen.
Fillon, qui veut démanteler la sécurité sociale, aurait touché 200 000 euros d’AXA
Évidemment, la question n’est pas de démontrer que François Fillon serait un fasciste, ou bien qu’il aurait été du côté des collaborateurs au siècle dernier. « Ce serait absurde, il n’était pas né, mesure Annie Lacroix-Riz. Mais il est de fait l’héritier du programme économique et social de la droite qui a éreinté les Français avant et pendant la guerre. Il incarne cette droite patronale qui invective sans cesse les fonctionnaires et qui agit bec et ongles depuis le début du XXe siècle contre le salaire indirect et la Sécurité Sociale. » Et l’historienne de rappeler que « le consortium des assurances privées achetait des hommes politiques avant guerre pour damer le pion aux projets d’assurance sociale collective. Dorgères en était ». François Fillon, qui entend démanteler la Sécurité sociale, sauf pour « les maladies graves », afin de développer les assurances privées, aurait touché 200 000 euros entre 2012 et 2014 de la part de l’assureur Axa, via la société 2F Conseil. L’ex-patron d’Axa, Henri de Castries, le soutient officiellement. Mais, à part ça, François Fillon est un homme neuf et innovant.