Collectif National pour un Front Syndical de Classe
mis en place par les initiateurs CGT et FSU de la « lettre ouverte aux Etats-majors syndicaux »
http://tous-ensemble.dyndns.org/
collectif.syndical.classe@laposte.net
Le monde du travail est confronté depuis des années à une offensive des gouvernements, du MEDEF et de l’UE contre l’ensemble de ses acquis sociaux et démocratiques (casse des services publics, de la protection sociale, du droit et de la durée du travail, de l’emploi, des salaires, du logement populaire, de la petite production indépendante, mépris de la souveraineté populaire…). Cette politique de classe, menée au profit des grands groupes capitalistes, est à l’origine de la crise économique actuelle au nom de laquelle le pouvoir prétend accélérer encore sa politique anti-populaire, en l’assortissant d’une répression féroce des résistances.
Face à cette véritable guerre de classe, les luttes sont en effet innombrables depuis des mois dans de nombreux secteurs du privé comme du public. Mais elles souffrent du choix délibéré des états-majors syndicaux nationaux de freiner des quatre fers la mobilisation des travailleurs au nom d’un « syndicalisme rassemblé » au sommet mettant les luttes à la merci des directions, CFDT en tête, qui accompagnent tous les mauvais coups depuis des années et refusent de « globaliser le mouvement » ou de « bloquer le pays ». Des journées d’action espacées de plusieurs semaines aux négociations-bidons avec le gouvernement en passant par le manque total de soutien aux luttes sectorielles ou locales (par exemple, alors que les luttes dans l’automobile sont extrêmement nombreuses contre la casse de l’emploi, à quand une manifestation nationale du secteur que demandent de nombreuses bases syndicales ?), cette ligne qui décourage les travailleurs les plus combatifs tout en laissant le champ libre au pouvoir est clairement assumée y compris par B. Thibault qui déclarait en mai sur France Bleu Loire Océan : « il faut regarder chaque cas pour ce qu’il est, les réponses à apporter dans le secteur public sont de nature différente de ce qui existe dans le secteur privé, dans le secteur privé, en fonction des branches professionnelles, des activités, il nous faut une forme d’expertise de la situation pour voir quelles sont les revendications les plus appropriées ». Sous le jargon technocratique et le refus de prendre en compte les revendications tout à fait appropriées qu’expriment les luttes (non à la casse des emplois, augmentation des salaires, défense des services publics et de la protection sociale…) apparaît la volonté délibérée de diviser et de tout faire pour bloquer l’aspiration au « tous ensemble » alors que seule l’union des travailleurs dans l’action leur permettra de gagner sur leurs revendications.
En conséquence, les luttes sont laissées à elles-mêmes secteur par secteur voire entreprise par entreprise et le pouvoir a tout loisir de criminaliser les salariés les plus combatifs et d’avancer de nouvelles contre-réformes (travail dominical, 35000 suppressions d’emplois dans la Fonction publique pour 2010…) tandis que le chômage, la précarité et la misère font des bonds de géant. On comprend que Fillon, le casseur des retraites de 2003 et premier ministre d’un gouvernement décidé à « démanteler le programme du CNR », ne puisse s’empêcher de féliciter les directions syndicales pour leur « esprit de responsabilité ». Pour mieux mesurer le degré de compromission auquel sont arrivés nombre de dirigeants syndicaux actuels, il suffit de relire ce qu’écrivait H. Krazucki quelques mois avant mai 1968 : « Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse : renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l’exploitation et à l’écrasement. »
D’ailleurs, la période qui s’ouvre va aller dans le sens d’un aiguisement de la lutte de classes : la crise, la casse sociale et la répression ne vont pas s’arrêter durant les mois qui viennent, pas plus que les luttes pour y résister. Beaucoup de choses vont donc dépendre de la capacité à mener cette lutte de manière coordonnée et à renouer avec le syndicalisme de classe pour construire un rapport de force gagnant sur les revendications de la base.
C’est dans ce contexte que se prépare et va se tenir le 49ème congrès confédéral de la CGT (Nantes, décembre 2009). Pour les syndiqués CGT comme pour l’ensemble des travailleurs, il prend une importance considérable dans la mesure où la direction confédérale entend enfoncer le clou de la CFDTisation de la plus grande centrale ouvrière française et renier définitivement son héritage de classe et de masse. Pour commencer, les documents d’orientation ne seront connus que fin août mais la direction a fixé à fin juin la désignation des congressistes par les Fédérations et les UD, sans donc que les syndicats de base aient pu débattre et mandater les délégués. En outre, la direction a défini les priorités du congrès en formant une « commission ad hoc », menée par Louis Viannet (prédécesseur de Thibault et artisan du recentrage de la CGT et de son adhésion à la CES) et chargée de rendre un rapport sur… les structures de la CGT. Ce rapport adresse bien sûr un satisfecit sur l’orientation actuelle mais stigmatise les syndicats d’entreprise et la fédéralisation. Dans la foulée du désastreux accord de 2008 sur la représentativité, il pose la perspective d’un syndicalisme de service à l’anglo-saxonne, intégré aux institutions officielles, non plus ancré sur le lieu même de l’exploitation mais sur des « territoires », offrant un conseil au salarié plutôt qu’un outil de résistance collective.
L’état-major confédéral espère du même coup, avant et pendant le congrès, contourner le mécontentement d’une grande partie de la base et escamoter les questions centrales du moment : le problème essentiel de la CGT est-il celui des structures ou celui de l’orientation ? quel est le bilan pour les travailleurs de la stratégie du syndicalisme rassemblé et du primat de la négociation « tous azimuts » entre « partenaires sociaux » ? la CGT va-t-elle continuer à s’inscrire avec Chérèque, Monks ou Sarkozy dans la perspective d’un capitalisme horizon indépassable de l’humanité qu’il s’agit simplement de moraliser ou va-t-elle être replacée sur ses orientations fondamentales qui posent comme incontournable la socialisation des moyens de production et d’échange pour réaliser une société juste ?
Ces débats vitaux pour le mouvement populaire et pour la CGT elle-même, il est essentiel que les organisations de base s’en emparent, qu’elles se ressaisissent de leurs prérogatives (le congrès est théoriquement le congrès des syndicats) et se réapproprient l’outil syndical en s’appuyant sur les luttes. Sauver la CGT en replaçant « la grande dame » sur ses fondamentaux de classe et de masse, tel doit être le mot d’ordre actuel ; cela suppose que « les bouches s’ouvrent », comme le réclamait déjà un dirigeant du mouvement ouvrier dans les années 30, et que des liens se tissent entre syndicats et camarades prêts d’une manière ou d’une autre à livrer bataille.
Ce travail à la base auquel le CNFSC essaie de contribuer est d’autant plus nécessaire que le pouvoir, fragilisé par sa crise et la résistance populaire, est en train de franchir une nouvelle étape dans sa dangereuse dérive autoritaire : limitation du droit de grève (cheminots, enseignants), fusion de la DST et des RG pour surveiller le mouvement social, entraînement de l’armée à la contre-guérilla urbaine, ouvriers de nombreux sites industriels confrontés aux vigiles du patronat, aux CRS et aux poursuites judiciaires, arrestation de 74 syndicalistes d’ErDF-GrDF à Paris ou du responsable CGT Charles Hoareau à Marseille, matraquage de manifestants et d’étudiants « bloqueurs », « mise au placard » de personnels universitaires, répression tous azimuts en Guadeloupe, poursuite de la chasse aux ouvriers dits « sans-papiers », arrestation d’enfants à la sortie des écoles, …
Outre la bataille permanente à mener pour le « tous ensemble en même temps » et le renouveau du syndicalisme de classe, rien n’est aujourd’hui plus urgent que de mener campagne contre la répression anti-ouvrière et anti-démocratique et d’affirmer haut et fort notre soutien l’ensemble des militants arrêtes et traînés en justice en revivifiant la solidarité de classe ancrée au plus profond de l’histoire du mouvement ouvrier.