C’est l’été, facs et lycées sont fermés. Mais la jeunesse réfléchit et prépare l’avenir : la puissante vague de mobilisation du printemps 2018 dans les facs, bien qu’elle n’ait pas été porteuse de victoire immédiate, est porteuse d’espérance et d’enseignement. Quentin, jeune militant des JRCF, propose son analyse et des propositions.
Sur l’avenir du mouvement ouvrier et étudiant, par Quentin
Le gouvernement « du nouveau monde » ressemblant à l’ancien a réprimé pendant toute l’année les divers mouvements sociaux. Si besoin d’exemples il y a, en voici : l’évacuation de l’université de Tolbiac avec violences, puis celle du Mirail à Toulouse ; la répression en général des mouvements étudiants à l’intérieur des universités ; les coups tordus faits aux cheminots par la direction de la SNCF et la répression de la part de la police de ceux-ci à Gare de l’Est (Paris) ; les coups de matraques donnés à des étudiants venus bloquer les examens à Arcueil ; enfin la liberté d’agir laissée à Génération identitaire et à quelques racistes d’autres pays pour empêcher les migrants de passer, tandis que les antifascistes sont arrêtés. Bref, le gouvernement « En Marche » montre à ses créanciers qu’il peut « gérer » la France et faire passer le programme de la Haute-bourgeoisie : la destruction du CNR et de toute raison d’espérer aux prolétaires.
Les JRCF tiennent à rappeler leur soutien aux camarades cheminots qui tiennent bon dans leur grève et qui nous montrent l’exemple. Leur combat continue pendant les vacances et nous le soutiendrons toujours.
Malgré sa forte ténacité cette année et la « convergence des luttes » qu’il a tenté de mettre en place, nous devons faire un triste constat : le mouvement étudiant a échoué. Il a échoué à cause d’un certain nombre de contradictions, souvent dues à l’absence d’une organisation politique forte et cohérente dans la jeunesse. Il ne s’agit pas ici de critique sectaire et mondaine, de la part de personnes qui se croient supérieures à la masse militante, mais au contraire de partisans de ce mouvement et dont un certain nombre de membres des JRCF ont participé au sein de leur fac. Les critiques majeures sont :
1) un certain infantilisme idéologique petit-bourgeois, caractérisée par une absence de réflexion sérieuse sur l’organisation du mouvement au profit d’une posture rebelle sans grande portée ;
2) des dégradations de locaux, certes moins nombreuses par rapport à la dégradation généralisée organisée par l’Etat, dans les facs bloquées, alors que les étudiants qui reprennent symboliquement en main leur université devraient au contraire la préserver, s’en occuper, comme la chose qui appartient à tous, et faire le constat des dégradations dues au gouvernement ;
3) le mouvement étudiant n’a pas compris qu’arrivé vers juin le mouvement allait s’éteindre et qu’il fallait donc un coup de grâce, c’est-à-dire trouver un moyen d’empêcher une fois pour toutes le gouvernement d’agir avec sa loi.
La victoire n’a pas été possible. Est-ce une raison pour désespérer ? Certainement pas, car de cette intransigeance du pouvoir peut naître à l’avenir une situation exceptionnelle.
Faisons quelques rappels sur les six dernières années qu’a connues la France.
En France, depuis l’avènement de la Cinquième République nous avons eu en 2012 un nouveau président issu du Parti Socialiste qui, comme c’était prévisible, a vite réalisé une politique de droite meilleure que celle de la droite classique… arrivant notamment à avoir une politique étrangère plus réactionnaire que celle de son prédécesseur, ayant pourtant détruit un pays pour tuer son créancier.
Reconnaissons-lui une chose : il a eu le mérite de porter, de manière involontaire, le coup de grâce à la crédibilité du PS en cinq ans, aidé en cela du fascisant et violent Manuel VALLS, d’abord Ministre de l’Intérieur puis Premier « sinistre ». Grâce à sa politique de casse sociale (la loi MACRON et la loi Travail, l’usage du 49.3 de manière abusive, le tout-répressif), il a brisé les dernières images saintes du PS auprès des travailleurs et des Français.
Reconnaissons-lui une autre chose : François HOLLANDE fut un merveilleux organisateur de mouvements sociaux, son action ayant entraîné une mobilisation massive des travailleurs (assez originale sous un gouvernement prétendument socialiste) et, pour la première fois pour certains, de nombreux jeunes à travers toute la France contre la Loi El KHOMRI. Un mouvement fort qui, pour certaines raisons que nous n’évoquerons pas ici, n’a pas réussi à empêcher le passage de la loi (par 49.3). Mouvement dont sont issues les fameuses « Nuits debout », qui furent pour beaucoup une sorte de bouffée d’air par rapport à la politique sinistre menée, et qui sut résister de longs mois à la répression policière. Toutefois, il ne faut pas en faire une image idéalisée. Ces fameuses « Nuits » avaient des défauts qui ont été pour beaucoup dans leur échec : le mouvement était tombé amoureux de lui-même ; hégémonie importante de la petite-bourgeoisie ; incapacité d’action concrète des multiples AG ; absence d’idéologie affichée qui cachait en réalité son imprégnation d’un utopisme petit-bourgeois à base de « un autre monde est possible » et autres fadaises.
Enfin les présidentielles de 2017 furent aussi très instructives. En premier lieu, on assista à la chute prévisible, sauf visiblement pour les médias qui nous ont vendu les primaires des deux partis de pouvoir que sont le PS et LR. Ensuite, c’est la victoire en demi-teinte de MACRON. En effet, la première bonne surprise fut que MÉLENCHON arriva quatrième avec un meilleur score qu’en 2012. La seconde, c’est que malgré Marine Le Pen au second tour, près de 35 % des électeurs se sont abstenus ou ont voté blanc plutôt que de voter pour le candidat autoproclamé « antifasciste ». Les législatives gagnées majoritairement par LREM ne permirent pas non plus à l’ancien banquier d’avoir une véritable base populaire à l’issue des élections : 50 % des électeurs s’étant abstenus au premier tour.
À l’heure actuelle nous constatons que MACRON a déjà remporté plusieurs batailles, notamment dues à l’absence d’union syndicale et politique sur laquelle nous ne nous attarderons pas.
Malgré ses victoires, le parti du gouvernement est soumis à plusieurs contradictions que le mouvement populaire doit exploiter :
- Une absence avérée de masse derrière ce parti, qui ne dispose au final que de trois forces sociales, la Grande bourgeoisie, la petite-bourgeoisie « start’uper » et les journalistes.
- Démocrate en paroles, dictatoriale en faits. Une grande partie des adhérents sont partis de LaREM à cause de son manque de démocratie, du trop grand pouvoir des chefs et, en général, du mépris pour les initiatives des adhérents qui n’ont pas non plus la possibilité de faire élire le secrétaire général de leur choix. Pour un parti qui proclamait la modernité et la transparence, beaucoup des « marcheurs » ont du mal à distinguer « l’ancien » du « nouveau ».
- Une incompétence politique d’un certain nombre d’adhérents, y compris chez les députés.
- Un parti fondé exclusivement sur le culte du chef et dont les partisans ne sont pour beaucoup que des « fans ».
- Une américanisation de la vie politique représentée par ce parti, adepte de la « start-up », qui se marie difficilement avec le rejet global par les Français de l’américanisation de la France, aussi bien par l’usage abusif de l’anglais en lieu et place du français, ou de l’échec des primaires de 2017, calquées sur les primaires des deux partis régnant aux États-Unis.
Ensuite, sans être marxiste, il est évident pour le plus grand nombre que la politique de MACRON est faite pour les riches, or l’iniquité d’une telle politique en révulse beaucoup. Enfin, cette politique de l’inégalité est ponctuée par le mépris de Jupiter 1er (et de ses conseillers) envers ses concitoyens.
Face à cela, le « Tous ensemble et en même temps » gagne du terrain ! De même, le rejet de L’Union Européenne et la volonté d’en sortir.
L’attitude de l’ancien énarque improvisé président, fermée, répressive, qui n’accepte aucun compromis, va lui porter préjudice à cause des contradictions énoncées plus haut. L’union du peuple avance. Nous devons être là pour faire avancer le mouvement sur le bon chemin. En tout cas, même si les cheminots et étudiants échouent demain, les conditions créées par ce mouvement et par la rigidité du gouvernement vont nous amener vers une situation politique nouvelle, mais dont on ne peut savoir encore quelle forme elle prendra.