Le 22 février dernier, dans une interview à BFM Business, Mme Amélie de Montchalin, “Ministre de la Transformation et de la fonction publiques”, a déroulé les grandes lignes de la réforme de la fonction publique qu’elle a sagement concoctée sous les auspices de M. Macron[1]. Sans surprise, il s’agit de poursuivre la casse du statut de la fonction publique et la précarisation de l’emploi public au nom du fameux remboursement de la dette et de l’amélioration de la compétitivité de la France, refrain seriné et chanté en cœur par les gouvernements successifs, le MEDEF et l’Union Européenne.
Amélie de Montchalin sonne la charge pour détruire le statut des fonctionnaires
Dans son interview du 22 février, la Ministre a annoncé “une réforme très profonde sur la manière de gérer les carrières des hauts fonctionnaires” en fustigeant le fait qu’actuellement ces carrières “peuvent progresser indépendamment de leurs résultats” ce qui constituerait, selon elle, une “rente à vie”. Elle a aussi insisté sur la nécessité d’augmenter le recours à la rupture conventionnelle, et sur la volonté du gouvernement “d’individualiser les parcours professionnels” et de favoriser les promotions “sur la base des résultats et de la performance” des hauts fonctionnaires. On notera au passage l’utilisation de l’expression “rente à vie” qui sous-entend que les hauts fonctionnaires seraient des privilégiés qui seraient assis sur un tas d’or leur permettant de vivre sans travailler, ce qui constitue une insulte à toutes les personnes qui s’investissent au quotidien pour gérer et animer toutes les grandes administrations françaises notamment dans un contexte de forte baisse des moyens. Par ailleurs, même si Mme de Montchalin n’évoque pour l’instant que les hauts fonctionnaires, nous ne devons pas êtres dupes car cette charge a certainement pour but de préparer le terrain à une attaque bien plus large contre l’ensemble des fonctionnaires et, par conséquent, contre tous les citoyens qui bénéficient des services publics (éducation, santé, aide sociale, sécurité, justice, culture, etc.). La Ministre a plusieurs fois expliqué qu’elle avait clairement l’intention de poursuivre “la transformation de la fonction publique” d’ici la fin du quinquennat Macron. La “réforme” à venir devrait donc compléter et approfondir celle de 2019[2].
Car cette nouvelle “réforme” s’inscrit dans le cadre des propositions du “Comité action publique 2022” (CAP22), groupe de travail lancé par l’ex-Premier Ministre Édouard Philippe en octobre 2017 et chargé de faire des propositions pour “changer de modèle”. Les orientations fixées par l’ex-Premier ministre étaient très claires : “passer d’une culture du contrôle à une culture de la confiance”, “travailler à la simplification et la numérisation des procédures administratives”, “transformer l’environnement de travail”, tout cela dans le but principal de faire “des économies significatives et durables”[3]. L’objectif fixé est la baisse d’au moins 3 points de la part de la dépense publique dans le PIB d’ici 2022 avec notamment la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires (promesse du candidat Macron en 2017). Ces objectifs s’inscrivent dans la continuité de la politique de Révision générale des politiques publiques (RGPP) sous N. Sarkozy et de la Modernisation de l’action publique sous F. Hollande et, plus généralement, dans le cadre de l’UE qui impose une orthodoxie budgétaire stricte tout en privant presque mécaniquement les États de la possibilité d’augmenter leurs ressources (absence de souveraineté dans la politique monétaire, impossibilité de contrôler les capitaux aux frontières, obligation de baisser les impôts sur les grandes entreprises pour attirer les « investisseurs », etc.). Sans surprise, les propositions du CAP22 rendues en juin 2018 sont résolument libérales : baisse de la “dépense” publique, suppression de postes, mutualisations en tout genre, casse du statut de la fonction publique, élargissement du recours au contrat de droit privé, individualisation des carrières et des rémunérations, management calqué sur le privé, extension du principe de l’utilisateur/payeur, fermeture de services publics de proximité, externalisation des tâches, désengagement de l’État, privatisations rampantes, etc. Rien d’étonnant encore, lorsqu’on sait que ce comité était composé de 30 personnalités pour la plupart issues de l’économie libérale académique, de la finance privée ou de grands groupes industriels[4]. Il était notamment présidé par Mme Véronique Bedague, alors Secrétaire générale et membre du comité exécutif du groupe NEXITY (premier groupe immobilier français) et économiste au FMI de 2004 à 2007, ainsi que par M. Ross McInnes, Président du conseil d’administration du groupe SAFRAN, aujourd’hui 13ème capitalisation boursière au CAC40.
Toujours les même « réformes » sous les mêmes injonctions de l’Union Européenne et du MEDEF
En 2007, Denis Kessler, vice-président du MEDEF à l’époque, avait déjà donné le “cap” de cette entreprise de désossage des services publics à la française, et notamment du statut de la fonction publique qui en constitue le socle, au profit du grand capital privé : “Le modèle social français est le pur produit du Conseil National de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme… À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !”[5]. Depuis plus de 30 ans, ces “réformes” au service des grandes entreprises et des grands actionnaires ont progressivement été mises en œuvre sur fond de “construction européenne”, grâce à la complicité des gouvernements successifs aux ordres du MEDEF et du fait de l’absence d’un grand parti communiste de combat allié à un syndicalisme de classe et de masse défendant le monde du travail, résolument opposé à l’UE et à l’euro.
En effet, depuis la fin des années 1980, sous l’égide de l’UE, les gouvernements Rocard, Balladur, Juppé, Jospin, Raffarin, Villepin, Fillon, Valls ou encore Philippe se sont appliqués à mettre en œuvre des politiques de dérégulation : privatisation, ouverture à la concurrence, casse du service public[6]. Par exemple, en 1988, la casse des PTT qui crée La Poste et France Télécom répondait directement à une directive européenne. Par la suite, c’est pour répondre aux choix de Maastricht que France Télécom a été coup sur coup transformée en exploitant de droit public (1990), puis en société anonyme (1996) pour finalement ouvrir son capital en 1997. Entre 1997 et 2011, la Poste a été totalement libéralisée. Conséquence : toutes les zones rurales et de plus en plus de zones urbanisées souffrent de la disparition des bureaux de poste ou de la réduction drastique des heures d’ouverture. Nombreux sont ceux qui n’avaient que ce moyen pour retirer de l’argent. Les files d’attente aux guichets, pour ceux qui n’ont pas été tout simplement supprimés, deviennent interminables… Autre exemple : en 1946, en application du programme du Conseil National de la Résistance (CNR), le ministre communiste de la Production industrielle, Marcel Paul, nationalise la production d’électricité et de gaz et crée EDF-GDF. Pendant plus de 50 ans, cette entreprise d’excellence constitue un fleuron de l’industrie française reconnue dans le monde entier pour son savoir-faire : production nucléaire et hydroélectricité, distribution, etc. Par ailleurs, elle répond parfaitement à sa mission de service public : couverture totale du territoire sans logique de profit et prix les moins chers qui soient. En 1990, la directive “Transit” dicte la libre circulation de l’électricité dans l’UE. En 1998, une directive équivalente s’attaque au gaz. La transposition en droit national est achevée en 2000 et 2003. La privatisation est actée par une loi de 2004. Cette année-là, GDF ouvre son capital de 21% et, en 2005, EDF l’ouvre de 13%. Les deux entreprises sont désormais cotées en bourse. En 2007 a lieu l’ouverture à la concurrence voulue par l’UE ce qui entraîne la disparition des tarifs régulés. Toutes ces privatisations concernent également les banques et assurances qui avaient été nationalisées après la guerre, la Lyonnaise des eaux (aujourd’hui Suez), Renault, les compagnies d’autoroutes ou encore la SNCF, et ce, pour le plus grand malheur des salariés qui voient leurs conditions de travail se dégrader et des usagers qui voient les coûts augmenter.
L’euro-austérité saccage les services publics… justifiant privatisation et précarisation
Le principe est toujours le même : on baisse les moyens financiers ce qui entraîne des dysfonctionnements qui permettent ensuite de justifier les privatisations au prétexte que le privé serait plus efficace que le public. Une autre technique classique consiste à séparer d’une part les activités qui nécessitent des investissements coûteux et qui ne génèrent pas de grands bénéfices à court terme et, d’autre part, les activités de distribution et de commercialisation qui peuvent être très profitables et qui ne nécessitent que peu d’investissement. C’est le mécanisme bien connu qui vise à privatiser les bénéfices et à socialiser les pertes. Et c’est ce qui s’est passé avec la scission de la SNCF en 2 entités en 1997 (directive européenne 91/440) : d’un côté la filiale RFF (Réseau Ferré de France, aujourd’hui renommée “SNCF Réseau”), chargée de la gestion de l’infrastructure ferroviaire, et de l’autre, la filiale “SNCF Voyageurs” qui a gardé la partie administrative et commerciale et qui est destinée à être privatisée dans le cadre de l’ouverture du secteur à la concurrence. La SNCF (qui regroupe encore les deux filiales) est d’ailleurs devenue une société anonyme en janvier 2020, même si pour le moment le capital reste public[7]. De la même façon, l’actuel projet “Hercule” vise à diviser EDF en 3 entités différentes : “EDF bleu” pour les centrales nucléaires et le réseau de transports (investissements importants), “EDF azur” pour les barrages électriques (idem) et “EDF vert” qui réunirait les activités commerciales, la distribution d’électricité et les énergies renouvelables. Cette dernière serait cotée en Bourse afin d’attirer des investisseurs pour développer l’éolien et le solaire. Des négociations sont toujours en cours avec la Commission européenne tandis que les syndicats et une bonne partie de l’opposition, de gauche à droite, sont farouchement opposés à ce démantèlement[8]. En résumé, on voit qu’à chaque fois, la concurrence nous est vendue comme un moyen de faire baisser les prix mais tout le monde peut constater que c’est toujours l’inverse qui se produit. Sous couvert de concurrence, il s’agit en fait de brader le patrimoine national au profit du grand capital privé (actionnaires, investisseurs institutionnels, etc.). Ces prétendues réformes défont tout ce qui avait été conquis par les luttes des générations précédentes. Il s’agit d’un recul social historique que l’on nous vend pour un progrès et comme quelque chose d’inéluctable.
Stopper un recul social historique : la précarisation des agents publics pour faire baisser tous les salaires
En ce qui concerne le statut et les conditions de travail des fonctionnaires, on constate d’abord que la valeur du point d’indice (qui sert de base au calcul du salaire des fonctionnaires) n’a pas été augmentée depuis 2010, hormis un léger “coup de pouce” de F. Hollande en vue des élections. Selon une publication du syndicat Force Ouvrière, pour retrouver le niveau de rémunération des fonctionnaires correspondant à celui de janvier 2000 et si on tient compte de l’inflation, il faudrait augmenter le point d’indice de presque 21%[9] ! En 2018, la CGT faisait le même constat. Le manque à gagner chaque mois s’élève à plus de 300€/mois pour des fonctionnaires de catégorie C (qui ont déjà des salaires très bas) et entre 500€ et 900€ pour les catégories B et A[10] ! Malgré ces 10 ans d’austérité, le gouvernement Macron continue de refuser toute augmentation du point d’indice, décision encore reconduite l’été dernier et annoncée aux syndicats par Mme de Montchalin.
Par ailleurs, entre 2014 et 2019 tous les corps et emplois de la fonction publique ont été intégrés dans un nouveau dispositif : “le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel” (le RIFSEEP). Ce dernier a notamment pour objet de simplifier le calcul du régime indemnitaire et notamment des différentes primes. Cependant, avec l’instauration d’un “complément indemnitaire annuel” (CIA) tenant compte de “l’engagement professionnel et de la manière de servir”, appréciés au moment de l’entretien professionnel, il s’agit d’étendre la logique de la rémunération fondée sur la performance individuelle contre celle du statut s’appuyant sur le grade qui exprime la qualification des fonctionnaires dont les carrières sont gérées par des instances paritaires (et donc collectives)[11]. Le principal objectif de cette casse du statut est d’instaurer la concurrence entre les travailleurs du public, de désolidariser les collectifs de travail et de faire régner l’arbitraire de l’employeur à travers la hiérarchie, ouvrant ainsi la porte à un management de plus en plus agressif. Enfin, revenons sur la loi Dussopt de 2019 qui est une première mise en œuvre des propositions du CAP22. Ce texte, largement inspiré du droit privé, élargit le recours aux contractuels aux emplois permanents mettant fin à l’égalité d’accès aux emplois par concours, il instaure la rupture conventionnelle pour les fonctionnaires titulaires permettant de supprimer massivement des postes, et il institue le contrat de projet (CDD n’ouvrant pas droit à un CDI) augmentant ainsi la précarisation des emplois publics[12]. D’ores et déjà plus d’un agent du public sur cinq est recruté en dehors du statut général des fonctionnaires, à travers des contrats précaires et/ou de droit privé.
Par ailleurs, cette loi affaiblit fortement le pouvoir des représentants du personnel et des syndicats en réduisant les compétences des CAP[13] et en fusionnant les CT[14] et les CHSCT[15] dans un Comité social qui devra traiter de sujets très différents dans un temps réduit. La réforme limite également le droit de grève dans la fonction publique territoriale en obligeant à négocier un service minimum. Enfin, la loi augmente le temps de travail notamment dans la fonction publique territoriale en fixant à 1 607 heures la durée légale du travail alors que dans certaines collectivités, les luttes sociales et les négociations locales avaient permis de gagner des avancées, justifiées par l’organisation du service, la pénibilité ou la volonté politique[16]. Certains élus, et notamment 8 maires de l’Association des élus communistes et républicains du Val-de-Marne, ont annoncé qu’ils n’obéiraient pas aux demandes de l’État[17][18]. Le maire PCF de Bonneuil-sur-Marne, Denis Ötzorun, s’est même dit prêt à aller devant le tribunal administratif pour défendre les acquis sociaux de son personnel. Le régime en vigueur dans sa commune est plus favorable que les 1607 heures fixées par le gouvernement et il s’oppose à ce nivellement par le bas[19]. Le PRCF soutient l’ensemble des agents de la fonction publique territoriale, des organisations syndicales et les élus locaux dans cette lutte qui va se poursuivre le 16 mars avec une grande mobilisation régionale au Ministère de la fonction publique.
Rappeler l’importance décisive du statut de la fonction publique, conquête sociale des communistes à la Libération
Nous avons vu que la loi Dussopt poursuivait la casse du statut de la fonction publique, notamment avec la diminution du nombre de fonctionnaires, le recours sans cesse croissant aux contrats de droit privé ou encore la limitation des droits sociaux. Pour mieux comprendre l’importance de ce statut, revenons brièvement sur ses origines. En mars 1944, le Conseil National de la Résistance (CNR) adopte un programme contenant une liste de réformes sociales et économiques à appliquer dès la libération de la France. Contre le mythe de l’union des gaullistes et des communistes, il faut remarquer que le programme du CNR penchait très fortement à gauche, et ce pour deux raisons principales : 1) La bourgeoise française avait massivement collaboré avec l’envahisseur nazi ce qui fait qu’au sortir de la guerre, elle était largement décrédibilisée ; 2) La Résistance française était en très grande partie l’œuvre des militants communistes. Forts de cette légitimité, les communistes ont ainsi fortement pesé dans l’élaboration du programme du CNR par l’intermédiaire de P. Villon.
À la libération, le PCF jouit donc d’un large soutien populaire (25 à 30% du corps électoral) et en moins de 2 ans, les quelques ministres communistes vont mettre en œuvre le programme du CNR et toutes les grandes réformes progressistes que nous connaissons et qui sont sans cesse attaquées par le patronat depuis :
- Marcel Paul nationalise l’électricité et le gaz pour créer EDF-GDF et crée un statut national du personnel.
- Ambroise Croizat met en place le régime général de Sécurité sociale, il donne également beaucoup plus de poids aux Comités d’entreprises, augmente de 50% la rémunération des heures supplémentaires et supprime l’abattement de 10% qui existait sur le salaire féminin.
- Enfin, Maurice Thorez crée le statut de la fonction publique par la loi du 19 octobre 1946. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et du régime de Vichy, l’objectif est de protéger les fonctionnaires de l’instrumentalisation de l’administration par un pouvoir politique quelconque.
Le statut de la fonction publique s’articule autour de 3 principes :
1) le principe de l’égalité d’accès avec un recrutement par concours anonyme sur la base d’un niveau de qualification ou de diplôme nationalement reconnu ce qui permet notamment d’assurer l’égalité homme/femme, et d’assurer un recrutement au mérite et non à la discrétion des puissants, interdisant collusion et clientélisme ;
2) le principe d’indépendance des fonctionnaires vis-à-vis du pouvoir politique comme de l’arbitraire administratif assuré par le système dit de la « carrière » où le grade, propriété du fonctionnaire, est séparé de l’emploi qui est, lui, à la disposition de l’administration. Cela permet de protéger le fonctionnaire contre l’arbitraire et le régime de faveur ; ça lui donne les moyens d’exercer ses fonctions dans le seul intérêt du service public, à l’abri des pressions des notables locaux, des exigences du patronat, ou de l’intrusion des cultes. Et cela permet aux services publics de disposer d’agents publics mobiles pouvant construire des carrières en développant des compétences professionnelles pointues, nécessaires et spécifiques aux besoins de l’administration de l’État.
3) Le principe de responsabilité qui puise sa source dans l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et de du citoyen de 1789 : « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.”
Le statut permet donc de garantir un service public impartial en préservant les agents de toute pression extérieure et partisane. Il consacre notamment le recrutement par concours et prévoit le cadre juridique des rémunérations et l’organisation des carrières dans les différents niveaux de qualification. Le statut protège contre le pantouflage, les conflits d’intérêts, en un mot la corruption des services publics par les intérêts capitalistes. Mais le statut ne protège pas uniquement les fonctionnaires, car cette protection des fonctionnaires permet de garantir l’égalité d’accès aux services publics pour tous les citoyens.
Macron, Montchalin et Castex poursuivent la même entreprise de destruction de la fonction publique, des services publics
Comme nous l’avons vu, la réforme de la fonction publique préparée actuellement par Macron, de Montchalin et le gouvernement Castex s’inscrit dans ce mouvement historique de contre-offensive du grand capital. Dans le cadre des orientations du CAP22, la nouvelle réforme devrait approfondir et compléter la désastreuse loi Dussopt de 2019 et ainsi poursuivre la casse du statut de la fonction publique, le démantèlement et la privatisation des services publics. La volonté du gouvernement et du patronat de supprimer un maximum de postes et de transférer de plus en plus de missions vers le privé devrait s’accompagner d’une augmentation des pratiques managériales dégueulasses visant à dégoûter les agents publics pour les pousser dehors.
Nous connaissons déjà leurs conséquences pour les agents : la triste expérience de France Télécom a bien montré que cela se traduisait par une perte de sens, du stress et des situations de dépression pouvant aller jusqu’au suicide. Il y a quelques années, les réorganisations incessantes au Ministère de l’Écologie ont entraîné une vague de suicides encore plus importante qu’à France Télécom. Les outils prévus par Mme de Montchalin pousseront nécessairement à débrider ces pratiques. À cela s’ajoute la précarisation croissante des agents : la réforme Macron/Dussopt de 2019, notamment avec le contrat de projet, va encore aggraver la situation. Un contrat de projet qui permet de contourner le recrutement sous le statut et de mettre les agents publics hors de la protection pour eux comme pour les usagers des services publics des trois principes précités.
Pour riposter c’est public et privé, tous ensemble et en même temps !
C’est pourquoi, contre ces régressions historiques, contre la dégradation des conditions de travail des agents, et pour des services publics de qualité, gratuits et pour tous, les travailleurs du public et du privé doivent s’unir et lutter tous ensemble et en même temps. L’UE, le MEDEF, Macron et son gouvernement vont vouloir faire payer aux travailleurs les conséquences de la pandémie et de la crise économique et financière qui couvent alors même que les grands groupes continuent de verser des milliards d’euros à leurs actionnaires[20] et que l’UE n’a strictement servi à rien dans la gestion du Covid-19. Comme toujours, pour justifier sa nouvelle “réforme”, le gouvernement va arguer qu’il faut faire des économies pour réduire la dette publique. Mais les véritables responsables de cette prétendue “dette” de la France ne sont pas les agents du service public ou les citoyens qui en bénéficient mais bien l’UE, le CAC40 et le MEDEF, ainsi que les gouvernements qui les servent. Ce sont eux qui organisent la délocalisation de la production industrielle et agricole, la baisse des impôts sur les bénéfices, l’exportation des capitaux et des fortunes dans les paradis fiscaux, bref qui mènent une politique de casse des services publics et de l’emploi productif en France dans le but d’augmenter les profits du grand capital privé. On comprend donc pourquoi ils n’ont en réalité aucun intérêt à réduire cette dette qui les enrichit, si ce n’est au détriment des travailleurs. C’est ce qu’expliquait déjà Karl Marx, en 1867, dans son œuvre majeure, Le Capital :
“La dette publique, en d’autres termes l’aliénation de l’État, qu’il soit despotique, constitutionnel ou républicain, marque de son empreinte l’ère capitaliste. La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c’est leur dette publique. Il n’y a donc pas à s’étonner de la doctrine moderne que plus un peuple s’endette, plus il s’enrichit. Le crédit public, voilà le credo du capital.”
Mc Kinaï pour www.initiative-communiste.fr
[1] https://www.vie-publique.fr/discours/278691-amelie-de-montchalin-22022021-fonction-publique
[2] https://www.lefigaro.fr/politique/amelie-de-montchalin-veut-pousser-les-reformes-20210114
[3] https://www.gouvernement.fr/action/action-publique-2022-pour-une-transformation-du-service-public
[4] https://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/rapport_cap22_vdef.pdf
[5] https://www.challenges.fr/magazine/adieu-1945-raccrochons-notre-pays-au-monde-l-editorialiste_338714
[6] A ce propos, lire L’idéologie européenne, B. Landais, A. Monville et P. Yaghlekdjian, 2008.
[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_ferr%C3%A9_de_France
[8] https://www.lefigaro.fr/societes/edf-en-quoi-consiste-le-projet-hercule-20210210
[9] https://www.force-ouvriere.fr/la-degringolade-du-pouvoir-d-achat-des-fonctionnaires
[10] https://www.lagazettedescommunes.com/telechargements/2018/09/perte-actualisable-du-point-2018-07.pdf
[11] https://www.fonction-publique.gouv.fr/regime-indemnitaire-des-fonctionnaires-de-letat-rifseep
[12] https://www.fonction-publique.gouv.fr/loi-de-transformation-de-la-fonction-publique
[13] Commissions administratives paritaires : instances de représentation des personnels titulaires de la fonction publique, c’est-à-dire des fonctionnaires. Elles traitent des sujets relatifs aux carrières individuelles.
[14] Comité technique : instance de concertation chargée de donner son avis sur les questions et projets de textes relatifs à l’organisation et au fonctionnement des services, les questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences et les projets de statuts particuliers.
[15] Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail : instances de concertation chargées de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail.
[16] Pour plus d’information, voir l’analyse de la loi Dussopt réalisée par la CGT : https://onenveutpas.fr/
[17] https://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/val-de-marne-moins-de-conges-les-agents-territoriaux-disent-non-25-02-2021-8426328.php
[18] https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/val-de-marne/temps-de-travail-des-agents-municipaux-ce-n-est-pas-normal-que-tout-retombe-toujours-sur-les-fonctionnaires-1979725.html
[19] https://www.lagazettedescommunes.com/telechargements/2021/02/lettre-aux-representants-syndicaux-du-personnel-territorial-de-bonneuil.pdf
[20] La société de gestion d’actifs Janus Henderson vient de publier à ce sujet une étude éclairante : https://www.janushenderson.com/fr-fr/advisor/jh-global-dividend-index/
Celle-ci indique notamment que « Les dividendes mondiaux ont fait preuve d’une résilience remarquable au cours de cette année très particulière. Sur l’ensemble de l’année 2020, dont le premier trimestre a été normal, les dividendes totaux ont chuté de 12,2% pour atteindre 1 255 milliards de dollars US, ce qui est supérieur à notre scénario le plus favorable de 1 210 milliards de dollars US grâce aux excellents résultats enregistrés en fin d’année ».