Le régime Macron prétend que le BAC serait trop compliqué et trop couteux. Utilisant le principe d’accuser son chien de la rage pour le noyer
La rédaction d’Initiative Communiste, le journal franchement communiste des militants du PRCF qui est là pour faire entendre et défendre la voix des travailleurs s’est penché sur les premières annonces de la réforme du bac. En réalité une casse en bonne et due forme. Décodage des points ultra dangereux de la réforme Blanquer.
Rappelons que la question du BAC n’est pas une question uniquement scolaire et de diplôme : le bac, principal diplôme national est surtout jusqu’à présent la clef de l’égalité de droit d’accès à l’enseignement supérieur d’une part, d’autre part la base des conventions collectives et statuts de la fonction publique, c’est à dire la clef de voute des grilles de salaires de l’ensemble des branches et statuts particuliers de la fonction publique. Supprimer le bac c’est faire voler en éclat le référentiel permettant de construire et structurer les droits collectifs, les grilles de salaires collectives pour permettre la mise en concurrence de tous contre tous, avec une individualisation forcenée, permettant d’écraser les salaires et de diviser pour mieux régner. Cette réforme n’est pas une surprise puisqu’elle s’inscrit dans le cadre des directives européenne et de la Stratégie de Lisbonne de privatisation et de libéralisation de l’éducation impulsée par l’Union Européenne. Elle accompagne et prépare le « Programme action publique 2022 » qui prévoit casse des statuts et recrutement au local, suppression massive de postes de fonctionnaires et privatisations alors que les enseignants du 1er degré se mobilisent localement contre les moyens très insuffisants pour la rentrée prochaine en primaire. Plus que jamais, la convergence des luttes pour la mobilisation tous ensemble et en même temps, de la jeunesse, du secteur privé, du public, des retraités est donc nécessaire. Ce jeudi la jeunesse était de nouveau mobilisée dans la rue.
Le bac une organisation trop complexe et trop couteuse ? Faux
Trop couteux et trop complexe le bac ? L’expérience de décennies d’organisation de ce diplôme national en est un sérieux démenti. Chaque année l’épreuve est organisée, dans des conditions de stricte égalité pour chacun des lycéens, permettant de délivrer un diplôme identique en chaque point du territoire, diplôme qui est la clef d’entrée dans l’enseignement supérieur, le bac étant le le premier grade universitaire.
Quant à son coût, le SNES principal syndicat de l’enseignement secondaire a fait le calcul du coût de l’organisation des épreuves dubBac passées chaque année par plus de 700 000 candidats ( 52% pour le bac général, 20% pour le bac technologique, 28% pour le bac professionnel) : 100 millions d’euros. Soit 143€ par candidat. Faut-il ici rappeler qu’en 2018, le régime Macron en supprimant largement l’ISF vient de distribuer 3 milliards d’euros aux plus grandes fortunes du pays ? 1,2 millions d’euros données aux 100 plus grandes fortunes déclarées. Ou encore 62 000 € donnés à Murielle Pénicaud la millionnaire ministre du chômage. La question du « coût » du bac n’en est en réalité pas une. A titre de comparaison, l’organisme de certification ETC qui organise les épreuves du TOEFL pour la certification en anglais fait payer 245 pour une épreuve unique ne concernant que l’anglais.
De fait la réforme du Bac lancée par Macron Blanquer répond au double objectif de dépenser moins pour l’éducation de la jeunesse tout en impulsant la privatisation de l’Éducation Nationale en créant un système inégalitaire, injuste et ultra complexe propre à favoriser les enfants de la classe dominante et à barrer l’accès aux études supérieurs aux enfants des travailleurs.
Réforme Blanquer du bac : attention dangers
Initiative Communiste vous propose d’analyser quelques unes des annonces du ministre de l’éducation, JM Blanquer.
1 ) Contrôle continu et épreuves passées et corrigées localement : la fin du diplome national remplacée par une certification de valeur inégale
L’organisation actuelle des épreuves du bac est centrée sur le passage d’épreuves écrites et orales au mois de juin à la fin des trois ans de lycée. Avec des sujets identiques pour tous, une anonymisation des copies et un brassage des copies et des correcteurs permettant d’assurer un diplôme de valeur strictement identique partout sur le territoire national, à Paris comme à Saint -Denis, à Fort-de-France, comme à Nice. Le diplôme obtenu en ayant suivi la scolarité d’un lycée de centre ville ou dans une banlieue ouvrière a exactement la même valeur et donne le même droit, celui d’accéder aux études supérieures et de s’inscrire à l’Université.
La réforme Blanquer c’est la suppression de cet examen national. 40% du bac serait obtenu sur la base du contrôle continu et seule 20% relèverait d’un examen national. C’est à dire que plus de la moitié de la valeur du diplôme serait lié au lycée où il aura été passé. Pas sûr que le bachelier de Henri IV ou Saint Louis à Paris obtienne un diplôme de valeur identique à celui d’un lycée du 93. Qui plus est, à l’exception du français et de la philo continuant à faire l’objet d’épreuves en juin, les deux autres épreuves écrites seront passées au mois d’avril, en remplacement d’épreuve de bac blanc. Là encore, même s’il est dans un premier temps question de banque nationale de sujets, la correction sera assurée au sein du lycée, de même que l’organisation. Dans ces conditions, le diplôme national du bac n’existera plus, mais sera en pratique remplacé par un dispositif de certification délivrée par chaque établissement.
Cette casse du bac est articulée avec la mise en place d’une sélection à l’entrée de l’Université. Puisque l’examen du bac est supprimé par le régime Macron, les Universités mettront en place une sélection pour choisir leurs étudiants.
Dans ces conditions, on comprend bien qui seront les victimes de cette réforme : les enfants de la classe ouvrière, les jeunes des quartiers populaires. Eux qui sont déjà largement sous représentés dans l’enseignement supérieur, ils se verront barrer l’accès à l’Université, avec leur diplôme du bac dévalué et dévalorisé.
Au passage, il faut souligner que cette organisation du bac sur la base d’épreuve anticipées en cours d’année et du contrôle continu, signifie qu’en pratique les lycéens seront privés d’une session de bac blanc dont ils disposaient pour se préparer à passer le bac, et qu’ils se retrouveront sous pression toute l’année. Alors qu’aujourd’hui le bac permet de juger de manière impartiale les connaissances d’un lycéens, demain, chaque lycéen subira la pression permanente d’un contrôle continu. Gare à celui qui sera malade ou aura un coup de mou – et quel adolescent est à l’abri ? – gare à celui qui voudrait prendre le temps d’un engagement politique et syndical le temps d’une lutte importante pour son avenir, gare à celui déplaisant à un prof réactionnaire… aucun lycéen ne doit l’oublier, le bac au contrôle continu c’est pas un moyen plus facile d’avoir le bac, c’est surtout le bac à la tête du client pour un diplôme pas plus facile à obtenir mais dévalorisé, démonétisé et n’ayant plus qu’une valeur locale.
2) une diminution du nombre d’heure de cours, le creusement des inégalités dans l’accès à l’enseignement pour un lycée à plusieurs vitesses, la casse des disciplines
L’une des mesures chocs de la réforme,c’est la suppression des séries générales, les biens connues séries L (littéraire et artistique), ES (économiques et sociales) ou S (scientifique). De fait, la réforme du bac est un cheval de Troie pour bouleverser l’équilibre de l’enseignement au lycée en séries générales. Et réduire le tronc commun des enseignements des matières indispensables à un lycéen bien formé : histoire, langues, sciences, économie, mathématiques, philosophie, éducation physique etc. toutes ces disciplines doivent être enseignées. En pratique, le lycée à la carte que veut mettre en place Blanquer c’est la mise en œuvre d’une grande complexité avec plusieurs dizaines de combinaison d’options possibles, masquant mal la diminution du volume horaire total d’enseignement en classe de première et de terminale d’une part, la quasi disparition de l’enseignement de certaines disciplines d’autre part. Exit l’histoire et la géographie, exit la biologie, la géologie, exit la philo dont le volume horaire sera réduit à peau de chagrin. Exit également les mathématiques et les sciences physiques… Le lycée Blanquer c’est une terminale réduite à 27h30 contre 30h actuellement. C’est un immense tour de passe passe pour pouvoir supprimer des postes de profs et faire ainsi des économies sur le dos de la jeunesse. C’est près d’un millions d’heures de cours en moins chaque années pour les terminales en section générales. Cela sans compter que l’enseignement des disciplines majeures s’arrêtera dès le mois d’avril et que l’organisation des épreuves anticipées viendra rogner d’autant les heures d’enseignement de tous les lycéens, y compris les secondes. En clair un lycéen de la série L, ES ou S a avec la formule du bac actuel une période de 30% plus longue pour apprendre et ses préparer au bac en philosophie, en économie ou en mathématique qu’avec la formule Macron Blanquer. Cette politique s’inscrit dans le cadre de l’agenda euro austéritaire de suppression de 50 000 postes de fonctionnaires. Dans les milieux autorisés, il se dit que l’objectif de la réforme du lycée c’est la suppression de 20 000 postes d’enseignants dans les lycées. De quoi gonfler encore les chiffres du chômage.
3) Effacement de l’enseignement de la physique, de la biologie et des sciences de la terre, de l’histoire géographie, des langues anciennes et des arts etc. et renforcement de la sélection
Loin de simplifier, la réforme du bac et donc la réforme du lycée qu’elle induit, complexifie. Jugez plutôt, le ministre Blanquer parle de 30 combinaisons possibles entre tronc commun et enseignement de spécialité. Pas sûr que les élèves s’y retrouvent, sauf pour les enfants des toujours très bien renseignés de parents de la bourgeoisie. Eux auront accès aux codes et aux ficelles pour que leurs enfants fassent les bonnes filières, celles donnant accès aux bons « pré requis » leur ouvrant les portes de l’université. Pour les enfants des milieux populaires, ce sera la galère.
En pratique, cela signifie qu’un lycéen qui choisira l’option mathématique devra faire le choix entre ou sciences et vie de la terre ou physique-chimie. Là où aujourd’hui, en série S, il bénéficie des deux enseignements. Idem pour un lycéen de série L qui devra choisir entre philosophie ou histoire, langues ou arts. Cette réforme c’est un formidable appauvrissement de la richesse des enseignements en séries générales au lycées. Ce qui signifie que seuls les enfants de ceux qui voudront bien payer et organiser ces enseignements dans le secteurs privés en parallèle du lycée public auront accès à cette richesse. De fait, c’est la construction d’un lycée à deux vitesses, qui sera sanctionné par la sélection à l’entrée en université.
Et cela c’est en oubliant que chaque lycée ne proposera évidemment pas les 30 combinaisons de choix possibles, et que les places étant donc limitées, il y aura une sélection drastiques qui sera mise en place au sein même du lycée. Loin d’un lycée tremplin pour amener chaque élève le plus haut possible, le lycée Macron c’est un lycée à plusieurs vitesses, de la sélection anti sociale, de la reproduction des élites. En bref, un lycée des riches par un président et un gouvernement des riches par les riches pour les riches.
4) En ligne de mire, la privatisation de l’école, la casse du statut de la fonction publique, le dumping social accru
Par ailleurs, chacun aura remarqué que les noms des épreuves dévoilées par Macron Blanquer ne correspondent en rien aux noms des disciplines actuelles. Des disciplines qui demeurent pourtant le cadre universitaire de l’enseignement supérieur. Qu’un oral fourre tout est introduit et que certains enseignements s’arrêteront en cours d’année. Il s’agit ici de faire voler en éclat le cadre des disciplines. Cela poursuit un but idéologique : faire sauter le cadre des disciplines c’est permettre de contraindre les professeurs à la « bi valence ». En bon français, cela signifie contraindre un prof de math à enseigner la biologie, un prof de français l’histoire etc… Avec pour effet sonnant et trébuchant de permettre de sérieuses économies en ouvrant la porte à des suppressions massives de postes, via l’annualisation et la flexibilisation du temps et de l’organisation du travail, mais également en faisant sauter le statut des enseignants. De fait, le recrutement se fait sur concours, garantie essentiel à la neutralité de l’école, mais demain, cette réforme est la porte ouverte à des recrutements locaux par les chefs d’établissement, sur une base interdisciplinaires. Pour ceux des fonctionnaires, de l’État, de la territoriale ou de l’hospitalière, qui s’imaginent que « cela ne concernent que les profs », ils se doivent d’ouvrir les yeux en comprenant qu’une fois le statut du million d’enseignants du pays liquidé, une fois leur recrutement local et précarisé mis en œuvre, aucun des statuts particuliers des différents corps de la fonction publique ne sera impossible à supprimer. Et pour ceux du privé qui se moquent de ce qui concernent les fonctionnaires, ils devraient comprendre que la fin des garanties des statuts de la fonction publique et l’alignement par le bas des fonctionnaires sur le pire de ce qui peut se passer dans le privé, c’est l’accroissement de la concurrence du nombre de salariés mis en compétition et donc un formidable dumping social qui va se mettre en place. Les niveaux de salaires, les droits des fonctionnaires sont de fait une protection pour les salariés du secteur privé, car si ce dernier s’éloigne trop des standards de la fonction publique, il n’est plus en mesure d’avoir l’attractivité suffisante pour les personnels qualifiés.
En un mot comme en cent, la mobilisation d’ores et déjà impulsée par la jeunesse les 1er et 6 février, et se poursuivant ce 15 février dernier doit être amplifiée. Il y a urgence à expliquer à chaque lycéen, chaque collégien, chaque parent d’élève, chaque travailleur du privé et du public, pourquoi il est directement concerné et pourquoi l’heure doit être à la résistance, pour défendre ce qui est l’une des principales richesse de la République, distinguant la France de pays sous-développés, son Éducation Nationale, un service public performant et accessible à tous. Symbole des symboles, alors que le gouvernement déchaine une violente attaque contre l’Éducation Nationale pour économiser des milliards sur le dos de la jeunesse, il annonce dans le même temps l’obligation d’un service » militaire » obligatoire de 3 à six mois. Frapper la jeunesse c’est bien l’une des priorité du régime Macron.
jbc pour www.initiative-communiste.fr