Voici le discours prononcé à Escaudain (Nord), en présence du maire (PCF), par Daniel Dubois, président de la fédération du Nord de la Libre pensée. Ce discours a été prononcé devant l’un des trop rares monuments au morts pacifistes de notre pays.
Le PRCF était représenté avec son drapeau rouge liseré de tricolore. A la fin des prises de paroles, conclues par le maire d’Escaudain (PCF), les participants ont écouté la chanson de Craonne. Cette même chanson, recueillie par Vaillant-Couturier, que le secrétaire d’État « socialiste » aux Anciens Combattants a récemment censurée lors d’une commémoration franco-allemande de 14-18.
Plus que jamais souvenons-nous du mot d’Anatole France, l’un des premiers intellectuels à avoir adhéré au tout jeune Parti communiste SFIC, « on croit mourir pour la patrie et l’on meurt pour les industriels ». Et cessons de confondre la patrie et l’impérialisme, que ce soit pour « conchier la France » à la manière de l’inconsistant Renaud Séchan, ancien gauchiste qui appelle à voter Fillon ou à « embrasser un flic », ou que ce soit à l’inverse, pour soutenir l’impérialisme « français » en croyant servir la patrie…
Discours pour le 11 novembre 2016 (Escaudain, Nord)
Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élus,
Citoyens et Camarades,
Je vous apporte ici le salut fraternel de la Fédération nationale de la Libre Pensée.
Ce rassemblement pacifiste fait partie d’une longue liste de rassemblements internationalistes et d’initiatives contre la guerre, qui se déroulent chaque année en France autour du 11 novembre. Ils sont de plus en plus nombreux. Il y en a près d’une centaine cette année. La Libre Pensée entend à ces occasions condamner encore et toujours les guerres passées, présentes et à venir.
La Fédération nationale de la Libre Pensée se réclame depuis toujours de l’antimilitarisme internationaliste et pacifiste. Elle réaffirme le principe fondamental du droit des peuples à disposer d‘eux-mêmes et non du droit des puissants à disposer des peuples. Elle dénonce le droit d’ingérence qui n’est que le maintien de l’oppression coloniale. Elle condamne toutes les guerres impérialistes et les « opérations extérieures » qui ne sont que relents de conquêtes colonialistes. Selon l’expression de Paul Valéry : « Les guerres sont faites par des gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent très bien, mais qui refusent de s’entretuer ».
Le Congrès national de la Libre Pensée, réuni à Bourg-lès–Valence du 23 au 26 août 2016, a condamné les bombardements et les destructions menés partout dans le monde. La guerre est sur tous les continents et massacre des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. De plus, « Le déplacement forcé atteint un niveau sans précédent. 65,3 millions de personnes étaient déracinées à la fin de 2015 » selon le rapport annuel du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU publié le 20 juin dernier.
La Libre Pensée exprime sa totale empathie avec les migrants qui veulent fuir la barbarie et la mort. Elle en appelle à la solidarité internationale pour leur apporter aide et secours.
Nous sommes à la mi-temps du centenaire de la Première Guerre mondiale et il faut rappeler que c’est cette guerre qui a inventé les réfugiés et le nettoyage ethnique. Il y eut durant cette guerre 7,7 millions de personnes qui furent déplacées de force dans toute l’Europe.
Ils ne furent que quelques poignées à refuser la boucherie, avec le grand Jaurès qui déclarait dans son discours de Lyon-Vaise du 25 juillet 1914 : « Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces, qui compte un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes, et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar ». Jean Jaurès le paiera de sa vie, assassiné pour l’exemple parce qu’il fallait mettre les peuples au pas.
La plupart des partis socialistes des grandes puissances impliquées dans le conflit votèrent les crédits de guerre via leur fractions parlementaires respectives ; ainsi interdirent-ils de facto à la classe ouvrière des pays concernés la possibilité de s’opposer au massacre annoncé.
Ce fut le début des trahisons toujours répétées, hier comme aujourd’hui. Il n’y a décidément jamais rien de nouveau sous le soleil. Comme le relèvent nos amis du Mouvement de la Paix, les généraux ont obtenu du pouvoir politique actuel que le budget des armées passe de 31,6 milliards aujourd’hui à 41 milliards d’euros en 2020 et, qu’à la demande de l’OTAN, le budget de la dissuasion nucléaire double aussi, passant à 6 milliards à l’horizon 2030.
Citoyens et Camarades,
L’action ininterrompue et unitaire de la Libre Pensée pour la réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple est la marque d’une volonté de dire Non à la Guerre et de promouvoir le droit de dire Non à l’oppression et aux massacres de la barbarie militariste. Nous œuvrons ensemble avec nos camarades de l’ARAC, de l’Union pacifiste, du Mouvement de la Paix, de nombreuses sections de la Ligue des Droits de l’Homme pour obtenir que Justice et Honneur soient rendus aux 639 Fusillés pour l’exemple.
Carl von Clausewitz, celui qu’on présente comme le théoricien de la guerre, a bien expliqué que l’armée n’est que l’instrument de l’administration de l’État autorisé à user de violence. Dès lors, toute contestation émanant de l’armée revient à une contestation de l’État lui-même. Et il explique que c’est pour cela qu’une mutinerie n’est pas l’équivalent d’une grève. Obéir ! Obéir à l’État !
Voilà pourquoi le gouvernement, tous les gouvernements ont refusé la réhabilitation collective des 639 Fusillés pour l’exemple. Il fallait obéir. Et les 639 soldats ont voulu ne pas mourir pour des ordres imbéciles et meurtriers ; alors ils doivent, hier comme aujourd’hui, être punis. Hier, en les fusillant, aujourd’hui, en refusant de leur rendre leur honneur. Et c’est pour cela aussi que le Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants Jean-Marc Todeschini a fait interdire la Chanson de Craonne le 1er juillet 2016, lors d’une cérémonie commémorative franco-allemande de la bataille de la Somme. C’est pour cela que nous, ici, aujourd’hui, nous chanterons la Chanson de Craonne, personne ne nous dictera ce que nous devons faire et ne pas faire.
La guerre, c’est aussi la militarisation à outrance. Ainsi, les effectifs des policiers et gendarmes militaires vont décupler entre 1914 et 1918. La police militaire et les gendarmes sont partout à surveiller les soldats, au front, dans les cantonnements, dans les gares, dans les villes.
C’est l’époque de concentration du Capital et la création de grands groupes industriels. On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour les industriels, disait Anatole France. En Allemagne, 390 000 prisonniers de guerre iront travailler en usine.
Mais la militarisation des sociétés ne peut empêcher la révolte de se manifester partout. Ce sont les grèves à l’arrière et les mutineries au front. En Russie, 100 000 grévistes en 1916 et 300 000 en 1917, et la lueur de Février 1917 devint la Lumière d’Octobre. Effrayé, le premier Ministre anglais Lloyd George dira : « Toute l’Europe est d’humeur révolutionnaire ».
Citoyens et Camarades,
La Libre Pensée vous appelle à agir tous ensemble pour la réhabilitation des 639 Fusillés pour l’exemple. Pour cela, parce que nous sommes la République, nous érigerons un monument en leur hommage sur la ligne de Front. Nous vous appelons à y souscrire massivement. Nous avons déjà collecté près du quart de la somme nécessaire qui est d’environ 100 000 €.
Cette année, à l’initiative aussi de la Libre Pensée, un Appel à la République a été lancé. Il s’intitule : « Nous sommes les descendants des familles des Fusillés pour l’exemple : Nous demandons Justice ! » et il est contresigné par des dizaines de familles de Fusillés. Nos camarades qui vont à la rencontre des descendants des Fusillés nous disent à quel point ces familles ont souffert et à quel point notre action pour la réhabilitation est un soulagement pour eux. Nous vous appelons à faire connaître largement cet appel pour qu’il soit signé massivement.
Suite aux recherches menées par Éric Viot, un historien amateur et passionné, nous avons découvert qu’Alphonse Eresman, né en 1893 à Escaudain, a été fusillé pour abandon de poste à Dommartin dans la Marne le 23 février 1915. Si vous connaissez des descendants de cette personne, nous sommes prêts à les rencontrer.
En mai 2017, nous serons à Roucy dans l’Aisne, commune située juste en face de Craonne et du Chemin des Dames, pour rendre hommage aux Fusillés pour l’exemple et aux Mutins de 1917. Soyez avec nous pour dire Non à la Guerre ! Maudite soit la Guerre !
Ni dieu, Ni Maître !
A bas la Calotte !
Et vive la Sociale !Je vous remercie
Daniel Dubois. – Libre Pensée