Par Georges Gastaud, porte-parole du PRCF – 21 août 2018
Une analyse dédiée à Bernard Parquet et à Arsène Tchakarian qui viennent de nous quitter.
La préoccupante affaire Benalla-Macron a montré que, derrière sa façade arrogamment monolithique, le pouvoir macronien est bien plus fragile qu’il n’y paraît. Comment en irait-il autrement ? L’actuel chef de l’exécutif n’a même pas réuni un quart des électeurs inscrits sur son programme (1er tour de la présidentielle) et la pléthore de députés macronistes, « élus » en 2017 sur la base d’une participation de 43 % (très majoritairement, les classes populaires ont boycotté de fait le second tour des législatives !) exprime moins l’état de l’opinion publique qu’elle ne reflète les savants dispositifs institutionnels et politiciens (mécanisme du quinquennat subordonnant la législative à l’effet présidentiel, utilisation du repoussoir Le Pen pour diviser le peuple et faire élire sans coup férir n’importe quel candidat maastrichtien, trahison de la gauche institutionnelle qui, appareil du PCF-PGE en tête, défend l’euro et la funeste « construction » européenne, américanisation forcenée des modes de vie et de pensée des jeunes générations…) par lesquels le monde du travail est tenu à l’écart de la vie politique. Malgré les sondages bidon, qui peut croire que les travailleurs pourront éternellement supporter un pouvoir aussi antisocial qu’antinational et despotique ? Un pouvoir qui détruit à marche forcée sous pilotage euro-merkélien le Code du travail, la SNCF et EDF, l’Université « à la française », le CNRS, l’hôpital public, la Sécu, et qui compte s’en prendre, très prochainement, au statut des fonctionnaires, aux pensions de réversion et aux retraites par répartition tandis que le lien social se délite, que les équipements collectifs et infrastructurels (ponts, route, réseau ferré…) se dégradent et que la précarité et l’incertitude du lendemain atteignent des niveaux alarmants ?
Le problème est donc moins la « force tranquille » – purement apparente ! – de ce pouvoir brutalement oligarchique, que la torpeur majoritaire de la population laborieuse qui, non sans raisons quand on constate les trahisons sociopolitiques qui ont sévi depuis 1981 -, ne croit plus guère aux luttes syndicales et doute fortement de la possibilité d’un changement politique progressiste. Certes, dans ce paysage délabré, la déconfiture réjouissante du PS et l’émergence connexe de la France insoumise ont préservé, pour le moment, un espace politique progressiste indispensable aux luttes (cet espace qui fait désormais totalement défaut en Italie…). Certes, les syndicalistes de classe et les étudiants en lutte ont vaillamment livré bataille pour la défense du Code du Travail, du bac comme premier grade universitaire, de la SNCF ou de l’EDF. Certes, des luttes admirables se sont poursuivies cet été, des électriciens aux postiers. Mais globalement, le mouvement syndical reste sur une série d’échecs et doit trouver les voies d’une renaissance de classe et de masse alors que la direction jaune de la CFDT est célébrée par tous les médias.
Surtout, la souveraineté du peuple français est bafouée comme jamais*, l’augmentation des crédits militaires exigée par l’OTAN est vertigineuse tandis qu’en Europe, l’UE fait interdire la grève en Grèce et qu’elle encourage en sous-mains le fascisant gouvernement polonais « délégaliser » le PC de Pologne… Plus préoccupant encore, des communistes sincères s’enferment dans l’impasse d’une alliance européiste et sourdement anti-léniniste au sein du PCF muté tandis qu’à la France insoumise, les sirènes d’une nouvelle union de la gauche euro-constructive semblent l’emporter sur les tenants d’une ligne patriotique, anti-impérialiste et euro-critique. Dans cette conjoncture très délicate pour le mouvement populaire, le PRCF soumet plusieurs pistes de réflexion aux militants du progrès social, de l’indépendance nationale et de la paix.
- Il convient selon nous de contrer plus fortement l’augmentation vertigineuse des budgets militairescommanditée par Trump et par l’OTAN dans la perspective d’une agression contre le peuple iranien, voire d’une confrontation mutuellement exterminatrice avec la Fédération de Russie. Ce regain du combat anti-impérialiste est d’autant plus nécessaire que ces sommes phénoménales n’iront absolument pas à la « défense nationale » (Chirac, Sarkozy et Hollande ont démantelé les régiments frontaliers et détruit le principe de la conscription républicaine), mais à la mise en place d’une armée européenne étroitement contrôlée par l’Oncle Sam. Dès lors, plus une lutte sociale sans mise en accusation de l’impérialisme euro-atlantique et de ses petits serviteurs LREM (la Loi des Riches et de l’Europe de Maastricht!) ! C’est dans cet esprit que le PRCF propose aux forces progressistes d’ « accueillir » dignement le super-faucon Trump, ennemi principal de la paix mondiale, dont Macron veut faire la vedette du 11 novembre 2018.
- Il faut absolument lier la dénonciation de la macro-casse sociale au refus déterminé du « saut fédéral européen » par lequel Macron veut, en deux quinquennats, et si possible en un seul, rendre irréversible la dissolution de la France indépendante dans une UE de plus en plus néolibérale, supranationale, atlantique, anticommuniste et facho-complaisante. Il faut en finir avec les pudeurs de vierge d’une grande partie de la gauche, y compris syndicale et populaire, sur la question du patriotisme et de l’indépendance nationale. Quand comprendrons-nous enfin que, comme le disait excellemment Jaurès (qui n’avait rien d’un impérialiste gaulois !), «l’émancipation nationale est le socle de l’émancipation sociale » ? On ne pourra pas nationaliser les luttes et mettre en œuvre le « tous ensemble en même temps » des travailleurs tant que chaque corporation défendra « son » pré-carré (santé, éducation, transport, industrie, agriculture, etc.) et refusera par idéologie et peur du « politiquement correct » de défendre la nation populaire qui est notre maison commune ? Il faut rompre enfin avec l’influence délétère de la social-démocratie et du trotskisme, qui pousse la gauche à abandonner à Le Pen ou à Wauquiez – ces faux patriotes qui ne veulent en rien contester l’euro, l’OTAN et l’UE ! – le drapeau de l’indépendance nationale que, sous l’Occupation, sut vaillamment défendre la classe ouvrière « seule restée fidèle en sa masse à la France profanée » (dixit F. Mauriac). Loin de s’opposer à l’internationalisme prolétarien et à l’Europe des luttes, le patriotisme républicain s’oppose à la fois à la xénophobie lepéniste et au cosmopolitisme du grand capital dont l’hyper-milliardaire Georges Soros et son idéologie antinationale et « no-bordériste » est le prototype. En réalité, si la France sortait de l’UE sur la base d’un programme de justice sociale, de nationalisations démocratiques, de coopérations internationales et de démocratie populaire, cela susciterait un immense appel d’air révolutionnaire et internationaliste en Europe et sans doute bien au-delà!? Bref, comme le disait encore Jaurès, « si un peu de patriotisme éloigne de l’internationalisme, beaucoup de patriotisme y ramène »…
- La fascisation de l’UE et de la plupart des pays membres (l’Italie est désormais pilotée par un néo-mussolinien ; pays natal d’Hitler, l’Autriche est gouvernée par des nostalgiques du Reich…), de même que la marche à l’Etat policier en France doivent être combattues bien plus vigoureusement. Nul au PRCF ne dit, confondant le processus de fascisation avec son terme, le fascisme pur et dur, que la France macroniste est d’ores et déjà fasciste. Mais retenant la perspicace analyse produite en 1935 par le Congrès de l’Internationale communiste, et surtout, refusant de fermer les yeux sur les réalités présentes, le PRCF constate que la dégénérescence hyper-autoritaire de la démocratie bourgeoise dont l’UE contre-révolutionnaire de Maastricht est le terrain, resserre jour après jour l’étau de l’Etat policier sur les libertés individuelles, syndicales et civiques, sur l’internet, sur les médias déjà hyper-concentrés, au risque cyniquemet assumé de gonfler les voiles du lepénisme.
- Il faut cesser de pactiser avec la fausse gauche, mais aussi avec les états-majors euro-formatés des confédérations syndicales, avec les dirigeants pro-euro et « euro-constructifs » du PCF-PGE qui mentent sciemment sur l’introuvable « Europe sociale, démocratique et pacifique ». En réalité, l’UE n’est qu’une prison des peuples dominée (tantôt en partenariat étroit, tantôt en rivalité ouverte) par les impérialismes étatsunien et allemand. Comment croire une seconde qu’on pourrait reconstruire le syndicalisme de classe et faire renaître un parti communiste de combat sans affronter prioritairement, non dans les textes théoriques mais dans les manifs populaires et à l’entrée des usines, le fumeux mensonge réformiste de l’ « Europe sociale » ? Plus que jamais, Frexit progressiste, sortie par la voie progressiste de l’euro, cette euro-austérité faite monnaie, de l’UE, ce bain d’acide où cuisent les souverainetés nationales, de l’OTAN, cette machine à exporter les guerres US, et du capitalisme lui-même, ce système qui menace la survie de l’humanité sur tous les terrains, militaire, socio-économique et environnemental.
- Il faut cesse de bêler que « Macron est légitime », comme le fait quasiment toute la gauche établie. Même sans sortir des limites du démocratisme formel, aucun élu n’est légitime pour violer le contrat social qui a présidé à son élection ou pour violer quotidiennement les principes constitutionnels qu’un président de la République a juré de défendre. Or Macron piétine sans cesse l’article II-a de la Constitution (« la langue de la République est le français») en promouvant à chaque occasion le tout-anglais cher au capital mondialisé. De même, ce personnage est constamment assis sur la loi laïque de 1905 (qui participe du « bloc de constitutionnalité ») qui dispose que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Et surtout, alors que la constitution précise que la source de toute légitimité est la souveraineté du peuple français, Macron travaille sans relâche, avec l’appui des LR, des Verts et du PS, à mettre en place la « défense européenne » intégrée à l’OTAN, le « budget de la zone euro » et la « souveraineté européenne », ce qui constitue autant de forfaitures à l’égard de son mandat républicain.
- Brisant les tabous et les fausses pudeurs qui les enferment chacun dans sa branche et dans son syndicat (ce qui revient à abandonner aux directions confédérales euro-formatées le monopole de la ligne nationale : celle, perdante, du « syndicalisme rassemblé » avec la CFDT et la Confédération européenne des syndicats), les syndicalistes de classe auraient grand avantage à se rencontrer sans complexe et à co-élaborer une plate-forme revendicative nationale de lutte, un plan de lutte commun pour briser la machine euro-macroniste et partir à la contre-offensive. Car comment construire le « tous ensemble en même temps » des travailleurs si l’on résiste à l’idée de former un front commun des syndicalistes de combat ? Toute autre position conduit en réalité à laisser les états-majors défaitistes monopoliser le terrain des luttes nationales en les envoyant dans le mur les unes après les autres…
- Sur le plan culturel, il faut convenir que l’arrière-plan de toutes nos défaites est le terrible recul que la conscience de classe a subie du fait notamment des processus de mutation euro-réformiste du PCF et de la CGT. Cette décadence idéologique a nourri l’idée que le capitalisme et l’UE sont des horizons infranchissables, que la première expérience socialiste de l’histoire (et dans sa foulée, toutes les révolutions de l’histoire y compris notre grande révolution Sans Culottes !) n’ont été qu’échec, fourvoiement et goulag. Tant que des progressistes accepteront de cautionner la scandaleuse équation « antitotalitaire » qu’on nous inculque depuis le collège, à savoir que « URSS = Troisième Reich» (alors que, comme le reconnaissait De Gaulle en 1966, « la Russie soviétique a joué le rôle principal dans notre libération »), il n’y aura d’autre avenir pour nos luttes que la frilosité et le défaitisme. Car comment se battre jusqu’au bout contre le capital si l’on a intériorisé l’idée fausse que le communisme ne vaut pas plus cher que son radical antagoniste, le fascisme ? Cette équation « antitotalitaire » revient en effet, du même geste, à invalider radicalement la révolution socialiste tout en rehaussant les brutes nazies au niveau de leurs héroïques vainqueurs de Stalingrad ! Procéder à la critique marxiste-léniniste de la première expérience socialiste de l’histoire est une chose que l’auteur de ces lignes a tenté de pratiquer dès les années 90 dans son livre Mondialisation capitaliste et projet communiste. Mais capituler devant l’idée que l’URSS est un « échec » (sans se soucier des conditions terriblement tendues dans lesquelles cette expérience pionnière s’est déroulée !), cautionner les pseudo-novateurs qui ont fait de l’anti-léninisme leur fonds de commerce, tout cela fait involontairement le jeu de ceux qui feignent de condamner le passé révolutionnaire pour mieux forclore les révolutions à venir. En conséquence, le PRCF appelle tous les progressistes qui comprennent que l’anticommunisme est le carburant principal de la fascisation à combattre de front la criminalisation du communisme historique. Il faut au contraire dénoncer sans trêve le caractère criminel, mortifère, exterministe en un mot, d’un système capitaliste-impérialiste depuis longtemps devenu synonyme de régressions, d’obscurantisme, de despotisme politique, de sac de l’environnement et d’attentat permanent contre la paix mondiale.
- Concernant les graves problèmes environnementaux que l’actualité estivale a mis en évidence, il faut absolument que les communistes mettent en accusation le capitalisme et qu’ils dénoncent sa dimension de plus en plus exterministe, non seulement sur les plans économique et militaire, mais sur le plan de sa radicale irresponsabilité écologique symbolisée par l’indécent climato-négationniste qu’est D. Trump. N’est-il pas hautement significatif, alors que les preuves scientifiques du réchauffement climatique s’accumulent, que l’hyper-réactionnaire président des Etats-Unis continue de donner le la aux « démocraties occidentales » sur les plans économique, politique et militaire, et notamment à M. Macron qui fera de Trump, le super-faucon qui crée jour après jour les conditions d’une troisième et ultime guerre mondiale, la vedette des cérémonies du 11 novembre 1918 qui devraient normalement être entièrement tournées vers la préservation de la paix ?
A tous ceux et celles qui voudront bien travailler avec nous ne serait-ce que sur un des points énumérés ci-dessus, le PRCF tend une main fraternelle. Et sans attendre le feu vert de qui que ce soit, les militants franchement communistes de notre organisation interviennent sur toutes ces questions avec un seul souci : défendre les travailleurs, le peuple de France et la cause si menacée de la paix mondiale.
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*Allant plus loin que Sarkozy et violant la constitution qui dispose que les seuls symboles de la nation sont la Marseillaise, la Marianne coiffée du bonnet rouge et le drapeau tricolore, Macron s’est permis d’officialiser le drapeau et l’hymne européens que Sarkozy avait prudemment retirés de cet ersatz de Constitution européenne qu’est le Traité de Lisbonne !