Notre camarade Gilda Landini a pu participer ce 2 mars 2021 à une action de la CGT cheminots de Versailles. Le débat portait sur la journée des droits de la femmes : deux femmes étaient invitées : Cécile Vélasquez de la Commission exécutive confédérale de la CGT et Lorraine Questiaux, avocate féministe.
Après un belle entrée en matière par un représentant de la CGT Cheminots de Versailles, c’est Lorraine Questiaux qui a longuement pris la parole pour expliquer les « violences » (viol) faites aux femmes et comment s’en défendre en tribunal.
Plusieurs femmes de la CGT ont pris elles aussi la parole pour rapporter leurs difficultés personnelles au sein de l’entreprise : comment concilier leurs difficiles emplois du temps en tant que cheminotes avec leur vie de famille : pas de crèches, difficultés financières, etc.
En fin de matinée, Gilda a pu prendre la parole et prononcer l’intervention que nous reproduisons ci-dessous. Des explications et propositions qui ont convaincu car les participants l’en ont chaleureusement remerciée.
NDLR À l’occasion du 8 mars, Initiative Communiste ouvrira dans les jours à venir largement ses colonnes à la commission femmes du PRCF, ainsi qu’à des syndicalistes femmes. Restez connecté(e)s
Nous sommes à quelques jours du 8 mars : journée internationale des droits de la femme. Et surtout nous sommes non loin du 18 mars, début de la Commune de Paris de 1871 dont nous fêtons le 150ème anniversaire.
Il y a des mots de la langue française qui n’ont pas vraiment d’équivalent masculin : ainsi en est-il de pute, prostituée, pétroleuse. Ce dernier mot fut totalement associé aux deux autres durant la Répression versaillaise de la Commune de Paris en 1871. Les mots qu’on pouvait lire alors pour désigner les femmes, dans les journaux anti-révolutionnaires puis dans les CR de procès du mois de juin 1871, sont d’une incroyable violence : furies, mères indignes, hystériques, impudiques, vipères rouges, monstres à face humaine, bêtes immondes. Nos journalistes et hommes politiques ont donc encore à apprendre en histoire !
Je ne vous apprends rien en vous disant combien les femmes ont participé à tous les combats révolutionnaires : durant la Révolution française, on les appelait les tricoteuses et pourtant ce sont elles qui sont allées à pied jusqu’à Versailles en octobre 1789 ramener la famille royale à Paris ; et durant la Commune en 1871 ce sont elles qu’on trouve sur les barricades pour défendre non seulement leur ville mais la République toute entière : les Versaillais les appelleront avec mépris et effroi les pétroleuses. En réalité, il n’y eut pas plus de pétroleuses que de beurre en barre. Mais elles faisaient éclater ce qu’on nomme aujourd’hui pompeusement le plafond de verre : elles se battaient à côté des hommes, comme les hommes, en habits de fédérés, pour les mêmes droits que les hommes. Elles furent féministes avant l’heure : Louise Michel, Elizabeth Dmitrieff, une noble russe envoyée par Karl Marx pour rendre compte des événements parisiens – et qui ne s’est pas contentée de rendre compte mais a pris part aux événements et ô combien puisqu’elle s’est battue sur les barricades -, une bretonne Nathalie Lemel : elles voulaient qu’on reconnaisse l’union libre, qu’on lutte contre la prostitution, qu’on verse aux veuves de fédérés mariées ou non, ainsi qu’à leurs enfants légitimes ou naturels, une pension. Ce sont elles qui mirent en application le décret de séparation des Églises et de l’État dans les écoles et les hôpitaux. Elles ont constitué des chambres syndicales et fédérales des travailleuses.
Mais toutes, de façon claire ou confuse, avaient conscience de la lutte de la classe ouvrière pour obtenir une société sans exploitation.
« La plaie sociale qu’il faut d’abord fermer, c’est celle des patrons qui exploitent l’ouvrier et s’enrichissent de ses sueurs. Plus de patrons qui considèrent l’ouvrier comme une machine de produits ».
L’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés n’envisage l’affranchissement des femmes que dans le cadre de la lutte pour la défense de la Commune et « le renversement du « règne du capital » et de « tout vestige d’exploitation » par les travailleurs et travailleuses eux-mêmes ». Autrement dit ce qu’on appellera plus tard « la dictature du prolétariat »
Clara Zetkin se place dans le même axe de pensée quand elle déclare en 1889 :
« Les pays dans lesquels existe le suffrage dit universel, libre et direct, nous montrent qu’en réalité il ne vaut pas grand-chose. Il n’est ni plus ni moins qu’un chèque sans provision. […] L’émancipation de la femme comme celle de tout le genre humain ne deviendra réalité que le jour où le travail s’émancipera du capital. »
« En marchant main dans la main avec le parti ouvrier socialiste, elles sont prêtes à partager toutes les peines et tous les sacrifices du combat, mais elles sont aussi fermement décidées à exiger après la victoire tous les droits qui leur reviennent. »
Loin d’opposer les femmes en général aux hommes en général, Clara Zetkin associait l’engagement pour l’égalité entre les sexes au combat général du prolétariat pour l’abolition de l’exploitation capitaliste. Zetkin s’inspirait en cela des écrits d’Engels, dont le livre magistral L’Origine de la famille, de la propriété et de l’État a jeté les bases de l’approche marxiste de la question féminine.
Les combats menés pour l’émancipation du travail contre la domination du capital conduiront non seulement à la libération du Prolétariat mais aussi à celle des femmes, “prolétaires du prolétaire” selon la formule de Marx.
Ces combats ont été repris par toutes celles qui ont risqué ou laissé leur vie durant la Résistance. Qui parmi vous n’a entendu parler de
- Danielle Casanova, militante communiste française qui avait fondé l’Union des Jeunes Filles de France en 1936, l’équivalent des Jeunes communistes, mettant ainsi l’accent sur l’égalité entre les sexes dans tous les domaines : travail, instruction, loisirs, sports ou encore vacances. Elle avait démontré la double discrimination des jeunes filles issues de milieu populaire — en raison de leur sexe et de leur origine sociale. Elle est morte en 1943 du typhus à Auschwitz.
- Marie-Claude Vaillant-Couturier, communiste elle aussi, résistante, qui en est revenue.
- Moins connue du grand public mais qui mériterait à l’instar des deux autres d’entrer au Panthéon, en plus elle serait la seule ouvrière : Martha Desrumeaux, militante communiste du Nord qui a créé le journal l’Ouvrière pour les droits des femmes au travail et a combattu pour l’amélioration de leurs conditions de travail ; elle a été la seule femme présente aux accords de Matignon en 1936. Résistante, elle a impulsé la grande grève de mineurs en 1941 (10 000 mineurs en grève) Arrêtée par la Gestapo, déportée à Ravensbrück, en 42, elle a organisé comme Marie-Claude l’aide aux plus faibles. Elle en reviendra et deviendra en 1944 co-secrétaire de la CGT. Ouvrière et féministe, elle a milité à l’Union des Femmes de France.
- Olga Bancic qui faisait partie du célèbre groupe de « l’Affiche rouge » des FTP-MOI parisiens n’a pas été fusillée avec ses camarades de combat mais décapitée à Stuttgart le jour de son anniversaire.
Alors quand on parle de la journée de la femme, comme on peut le voir sur des dizaines de réseau sociaux : c’est faux !
C’est la journée des luttes pour les droits de la femme !
On ne va pas mettre dans le même panier ces femmes héroïques avec
-les Myrian El Komri qui, en tant que ministre du dialogue social a initié la casse du Code du travail. Quel dialogue social ? quels partenaires sociaux ? Nos ennemis de classe ne sont pas nos partenaires : « la régression sociale ne se négocie pas : elle se combat ! » disait Krasuki !
– les Christine Lagarde, qui en tant que DG du FMI a mis en place le plan d’austérité de la Grèce – plan qui nous attend.
– les Laurence Parisot, présidente du MEDF, qui a proposé d’abandonner la durée légale du temps de travail, de reporter l’âge de la retraite, de favoriser la flexibilité du travail
-les Muriel Pénicaud, dont la loi de renforcement du dialogue social autorise le gouvernement à procéder par ordonnances.
– Les Agnès Buzin, ministre de la santé et des solidarités, qui a proposé elle aussi de reporter l’âge de la retraite à 65 ans et de dérembourser moult médicaments.
– Les Elizabeth Borne, ministre chargée des transports que vous connaissez bien et qui, en ouvrant à la concurrence le secteur ferroviaire, en démantelant le rail français et en brisant le statut protecteur de ses travailleurs et travailleuses, a largement contribué à pourrir la vie de milliers de cheminots et de cheminotes, sans parler des usagers et de leur famille.
Enfin tout de même ! il y a FEMMES et femmes !
On parle de violences faites aux femmes !??? Mais ces femmes-là ont fait partie sans vergogne de ces instances mondiales, européennes et gouvernementales qui ont détruit le code du travail, les conventions collectives, la justice prud’homale, qui ont saccagé le statut du secteur public pour lequel Maurice Thorez avait dû lutter pied à pied en 46, et étendu partout la précarité de l’emploi en délocalisant et privatisant ce qui reste de l’emploi industriel français (on l’a vu avec le manque de masques etc.), qui ont bloqué le SMIC et les revenus du travail, les indemnisations de chômage, les allocations familiales et les retraites par répartition créées en 1945 par le ministre communiste Ambroise Croizat, avec leurs propositions de la repousser à 65 voire 67 ans après une rude vie de labeur et, comble de tout le DÉREMBOURSEMENT des médicaments dits de « confort » que bon nombre d’assurés ne peuvent pas acheter car qui dit déremboursement dit augmentation immédiate. Ce ne sont pas des violences faites aux femmes ça ?
Oui, ces femmes-là ont contribué à détruire tous nos grands secteurs publics comme l’Éducation Nationale à coups de contre-réformes dont souffrent les enseignants en majorité des femmes ; l’Hôpital public mis à mort par la Commission européenne qui a sommé à 63 reprises les États-membres de « réduire leurs dépenses de santé ». C’est ainsi que 17 500 lits ont été fermés en 6 ans. À lui seul l’hôpital public, en a perdu 78 % alors qu’il représente 61,5 % de la capacité totale. Faut donc pas s’étonner qu’on manque de lits au moment de cette pandémie et qu’on n’en a d’ailleurs pas rajouté depuis qu’elle a commencé, on a même continué à en supprimer !
Une UE qui a de nouveau démontré son impuissance totale et coupable face à cette crise sanitaire majeure : l’Italie n’a dû son secours qu’aux médecins cubains et chinois !!! Les riches pays du Nord – à commencer par l’Allemagne attachée aux « critères de stabilité et de rigueur » de Maastricht – se sont opposés à toute solidarité financière de la part de la Banque centrale européenne (BCE) qui continue à refuser d’annuler toute dette illégitimement constituée – illustrant une nouvelle fois et de façon éclatante, la supercherie énorme que représente l’idée de construire une « Europe sociale » ou une « autre Europe ».
C’est un mensonge de dire que l’UE protège : Non l’Europe ne protège pas ! Le néolibéralisme échevelé de ses instances, leur coexistence placide avec une masse de gouvernements fascisants et cléricaux (Pologne et Hongrie en tête) qui ne cessent de rogner les droits des femmes (en Pologne l’avortement pour fœtus malformé est désormais interdit : or ce type d’avortement représente 98% des avortements !!!) sont au contraire de puissants outils de régression pour la condition féminine. Sans parler de l’amalgame honteux entre communisme et nazisme voté par la résolution européenne du 19 septembre 2019 (535 voix POUR dont les socialistes et les écolos ! Voilà bien des gens à qui vous pouvez faire confiance).
C’est pourquoi il ne faut pas confondre la journée de la femme et la journée des droits des femmes. Tous nos combats ne peuvent que se mener ensemble – hommes et femmes – pour que l’avenir soit le genre humain !