Exclusif : Olivier Mateu (UD-CGT 13), Emmanuel Lepine (FNIC-CGT) et Samuel Meegens (UD-CGT 59) répondent aux questions d’Initiative communiste sur la suite du mouvement contre la casse des retraites !
Alors que la bataille contre le projet de casse des retraites de Macron/UE/MEDEF bat son plein, Initiative communiste, journal du Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF), vous propose une série d’entretiens exceptionnelle avec des camarades CGT en responsabilités dans des fédérations ou des unions départementales qui sont en pointe sur la mobilisation.
Ainsi, nous avons recueilli les propos de :
- Emmanuel Lepine, secrétaire national de la Fédération Nationale des Industries Chimiques (FNIC) ;
- Samuel Meegens, secrétaire à la communication de l’Union Départementale du Nord ;
- Olivier Mateu, secrétaire de l’Union Départementale des Bouches-du-Rhône.
Comme vous le constaterez, ces camarades ont souvent « débordé » nos questions et en ont profité, à juste titre, pour aborder des sujets comme l’origine des maux que subit aujourd’hui notre peuple ou ce que devrait porter comme choix de société la CGT.
L’ensemble des retranscriptions sera diffusé dans les jours à venir.
Nous commençons cette série exceptionnelle par l’entretien réalisé avec Emmanuel Lepine, secrétaire national de la FNIC CGT. (Propos recueillis le vendredi 3 février 2023)
Quels retours sur le mouvement social actuel et quelles suites souhaitent y donner les syndicats de la CGT FNIC ?
Depuis le 11 janvier nous avons publié un plan de lutte pour notre fédération et plus particulièrement pour la branche pétrole. Pour cette dernière, dès le 11 janvier, ce plan de lutte consistait à prévenir qu’il y aurait 24h de grève le 19 janvier dans les raffineries et les expéditions, 48h les 26 et 27 janvier et 72h les 6, 7 et 8 février.
Ce plan a été adapté au fur et à mesure de l’évolution du mouvement et des dates de l’inter-syndicale. La grève du 26 janvier a été réduite à 24h et a été rajouté par la suite la date du 31 janvier qui n’était pas prévu initialement dans notre plan de lutte.
En parallèle, des contacts entre la FNIC, la FNME (Mines et Energies) et les Ports et Docks ont été pris. Il a été confirmé que leurs syndicats et les nôtres avaient besoin de se rencontrer et d’agir ensemble sur impulsion des fédérations. Un premier communiqué des ces trois fédérations (FNME, FNIC et Ports et Docks), élargie à la fédération des Cheminots, est sortie et en se coordonnant entre ces quatre fédérations le secteur pétrolier a décidé non plus de faire 72h de grèves les 6, 7 et 8 février mais plutôt de se caler sur un calendrier commun d’une grève de 48h.
Contrairement à ce qu’avance la presse bourgeoise il ne s’agissait pas là d’un recul, ni d’un manque de capacité à se mobiliser, mais bien de privilégier l’unité des travailleurs et la coordination entre un maximum de secteur.
Comme prévu dès le 11 janvier, à partir du 8 février va être mise en question la possibilité d’une grève reconductible. Une AG du pétrole le 9 février se tiendra pour mesurer l’état de la mobilisation et pour envisager les suites, et éventuellement décider dans quelles mesures et dans quels délais pourraient être mise en place la grève reconductible autant dans les raffineries que les dépôts (terrestres, portuaires et de ravitaillement dans les aéroports).
Nous continuons de donner les arguments de luttes pour expliquer aux travailleurs du secteur que ce ne sont pas seulement les manifestations même massives qui feront reculer le gouvernement, mais qu’il faut aller vers un blocage de l’économie. Ni Borne ni Macron ne sont particulièrement impressionnés par le comptage des manifestants.
On a vu aussi durant l’épisode Gilets Jaunes que les manifestations saute-moutons ne sont pas suffisantes pour faire plier la bourgeoisie.
En plus de l’appel à la grève de 48h, est également appelé à élever le rapport de force, par la radicalisation des actions de grèves pour bloquer l’économie, mais aussi pour l’étendre. Nous ne sommes pas convaincu qu’une grève par procuration sera suffisamment large et puissante pour obtenir satisfaction, d’autant que ce que nous portons à la CGT n’est pas la défense de la retraite à 62 ans mais bien le retour à la retraite à 60 ans.
Est ce qu’à l’heure actuelle d’autres fédérations de la CGT pourraient rejoindre votre Inter-fédération ?
Pour le moment il y a malheureusement peu d’écho allant dans ce sens. Il y a une volonté d’aller par là dans les services publics, notamment dans le ramassage des ordures ménagères, mais nous ne savons pas où en sont les discussions.
Le problème d’agir en inter-fédérations CGT c’est que nous n’avons pas les moyens de convocations ni la légitimité politique de la Confédération. C’est plus difficile et plus long de se coordonner.
Il faut tout de même le faire, même si c’est beaucoup moins facile que si la Confédération CGT l’organisait, ce qui n’est pas le cas.
Comment s’opèrent les relations, voire les rapports de force, au sein de la CGT en ce moment et notamment entre votre inter-fédération et la Confédération quant aux calendriers de luttes, aux actions à mener etc ?
Il y a une volonté confédérale de multiplier les appels à des journées d’actions, mais c’est une stratégie qui, depuis 30 ans, a toujours échoué et a attiré de moins en moins de monde.
Il y a aussi une volonté très forte du monde du travail de ne pas laisser passer cette réforme. Mais ce n’est pas parce qu’il y a une inter-syndicale qu’il y a l’unité du monde du travail contre la réforme, c’est justement le contraire !
C’est à dire que c’est l’unité du monde du travail sur une même analyse quant à l’inacceptabilité de la contre-réforme, qui pousse l’ensemble des syndicats à être présent, contraint et forcés pour certains.
Nous avons considéré, à un certain nombre de fédérations, qu’il était nécessaire de compléter ce plan de lutte de journées d’action, qui ont leurs utilités pour permettre une visibilité médiatique tout autant que de se compter, ce qui est indispensable. Mais il faut que les secteurs qui le peuvent pèsent plus fort dans la balance, et nos secteurs en font partis.
La grève reconductible est parfois inenvisageable ou très peu envisageable à moins que les consciences s’élèvent d’un coup. Ce travail est sans doute en cours mais n’est pas terminé. Nous avons donc besoin de combiner une stratégie qui amène de plus en plus de secteurs, à commencer là où c’est encore possible de manière moins difficile qu’ailleurs, à la grève reconductible, qui n’est pas un outil magique mais qu’il faut ancrer dans les entreprises. C’est absolument nécessaire à notre sens, mais on ne peut pas dire, aux vues de ce que concède la confédération CGT dans l’inter-syndicale nationale, que ce soit une position que la CGT porte de manière aisée.
Quand la CFDT propose, ou impose, la date du 31 janvier, cette date tombe sur une réunion du Comité Confédérale National de la CGT. Évidemment cette réunion ne doit pas être l’alpha et l’oméga du calendrier de l’inter-syndicale, mais quand il y a des échéances importantes en interne, comme cette réunion du dernier CCN statutaire avant le congrès confédéral du mois de mars, alors la CGT devrait être capable d’imposer qu’on choisisse une autre date. On voit que c’est le contraire qui se passe et que nous subissons aujourd’hui une stratégie qui bénéficie à d’autres syndicats qui eux ne souhaitent que des mobilisations saute-moutons entre lesquelles ils vont négocier, amender et réformer le texte de la contre-réforme.
Pour nous tout cela ne nous permettra pas d’atteindre nos objectifs, non seulement de battre le gouvernement sur le recul de l’âge légal de la retraite à 64 ans, mais pas plus que de nous mettre à l’offensive avec notre proposition de retraites à 60 ans.
Dès le départ vous avez annoncé la couleur en indiquant clairement que la grève par procuration ne sera pas possible et que vos fédérations n’iront pas seules à la bagarre. Est ce toujours d’actualité ?
Effectivement, dans le pétrole nous ne ferons de grève par procuration comme en 2010 ou en 2016 pendant que d’autres secteurs mettent des ronds dans les caisses de grève pour ne faire que de la solidarité financière. Ça ça ne se reproduira pas.
Et ce n’est pas seulement de se dire qu’on ne veut pas y aller tout seul, c’est tout simplement le constat que la grève par procuration n’est pas une stratégie qui permet de gagner. C’est aussi simple que ça.
On essaie donc de remettre sur la table une proposition de stratégie gagnante.
Que pense tu d’une manifestation nationale à Paris pour aider à construire « le tous ensemble en même temps » des syndicalistes de classes, des syndicats combatifs etc ?
C’est assez compliqué à réaliser. Une manifestation nationale ça demande beaucoup de moyens pour faire monter les gens. Le contexte est que nous avons rarement vu ce nombre de manifestants aujourd’hui et qu’une mobilisation nationale sur Paris risque de faire baisser ce nombre étant donné la difficulté de faire monter tout le monde en même temps. La presse bourgeoise pourrait se servir de cela pour laisser supposer un affaiblissement de la mobilisation.
D’autre part je ne suis pas certain que cela produirait un électrochoc particulier pour toute la France pour enclencher la grève reconductible. Je suis plutôt partisan de dire que la grève reconductible se construit au plus près des syndicats et des lieux de travail et que cela n’a pas trop de lien avec le nombre de manifestants. Un nombre élevé peut nous donner de l’assurance et de la confiance, mais le travail qui consiste d’emmener un maximum de salarié dans la grève reconductible n’est pas forcément lié avec l’impact que pourrait avoir une manifestation nationale.
A ce stade il ne me paraît pas encore opportun d’appeler à une manifestation nationale à Paris, mais plutôt d’aller sur les lieux de travail pour emmener un maximum de salariés dans la grève et au niveau de ce qu’il est possible concrètement de faire, puisque ce sont ces même salariés qui sont les plus à même de décider quels types d’actions peuvent avoir le plus d’impact économique, car la grève ne se limite pas au seul modèle de l’arrêt de travail de 8h par jour.
Pour nous l’objectif est d’arrêter la machine à profit, dans toutes ses dimensions possible, de manière à ce qu’il n’y ait pas seulement quelques secteurs à l’avant-garde du combat pendant que d’autres regardent ce qu’il se passe à BFM-TV.