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www.initiative-communiste.fr vous propose de retrouver gratuitement l’entretien suivant paru dans le numéro 147d’Initiative Communiste d’aout 2014 : Michel Etievent spécialiste d’Ambroise Croizat et de la sécurité sociale revient sur l’oeuvre de ce ministre PCF qui en application du programme du Conseil National de la Résistance a bâti la sécurité sociale. Cette SECU que le grand patronat n’a eu de cesse depuis lors de faire disparaître, cette sécu dont l’UE du Capital impose le démantèlement.
Rappelons les ouvrages de Michel Etievent : Ambroise Croizat ou l’invention sociale, Marcel Paul, Ambroise Croizat chemins croisés d’innovation sociale.
Croizat, le grand oublié, Entretien avec Michel Etiévent
Initiative Communiste. : Tu as publié il y a maintenant quinze ans « Ambroise Croizat ou l’invention sociale. » Parmi tous ceux qui ont contribué au progrès social en France, pourquoi as-tu choisi d’écrire un livre sur lui plus particulièrement ?
M.E. : Quelques mots pour évoquer mon attachement à Ambroise Croizat et surtout à l’actualité brûlante de son message. La première raison tient à ma propre enfance. J’ai été élevé dans la maison même où Ambroise a vu le jour en 1901. J’ai passé toute ma jeunesse dans le quartier ouvrier où la famille Croizat a vécu, près d’une usine de Savoie où le père d’Ambroise, Antoine était manœuvre. Tout cela a pesé sur mon engagement.
Une œuvre sociale impressionnante
Ambroise, par son combat, avait donné aux gens cette dignité espérée au bord des fours, bâtit la sécurité sociale, généralisé les retraites, inventé les conventions collectives, la médecine du travail… un héritage qui redonnait à l’homme sa profonde dignité d’humain. Fils d’usine, moi aussi, j’ai bénéficié de toutes les conquêtes d’Ambroise Croizat et du CNR, notamment de la création des Comités d’entreprise.
Enfant, j’ai lu grâce au CE, j’ai étudié grâce au CE (Bourse scolaire), je suis allé en vacances grâce au CE. Ce qui m’a particulièrement intéressé également dans la vie d’Ambroise, c’est le chemin de l’homme. Il commence dans le sillage d’un père, manœuvre et s’achève au ministère du Travail avec la création des plus beaux acquis du siècle. Ce père fut également l’auteur de la première grande grève pour la protection sociale du siècle. Et c’est son fils qui, 40 ans plus tard, portera cette lutte à l’achèvement en instituant la Sécurité sociale.
Outre la volonté de conter son bilan, une autre raison m’a poussé vers ce militant. Je ne supportais plus que l’on omette son nom dans les livres d’histoire. Ambroise Croizat ne figurait dans aucun dictionnaire avant l’été 2011, où à force de lutte nous l’avons fait entrer. Rappelez-vous la commémoration du 50ème anniversaire de la Sécu en 1995 : son nom ne fut même pas cité ! Et pourtant, c’est lui qui l’a bâtie ! Avec le peuple de France, fort d’un rapport de force qui s’appuyait sur un parti communiste à 29 % des voix, une CGT à cinq millions d’adhérents, une classe ouvrière grandie par son action dans la résistance, un patronat sali par sa collaboration. Ce travail de recherche m’aura enfin également permis de comprendre combien l’œuvre et le chemin de Croizat sont modernes, actuels.
Actualité de Croizat
Actuel parce que ses deux axes de lutte : l’accès pour tous à un repos décent et le droit de se soigner sont toujours d’une brûlante actualité.
Moderne parce qu’il a su mettre l’humain au centre de tous ses choix politiques. Croizat a su lié développement économique à la hauteur des ambitions d’une nation à un statut social à la hauteur des besoins des hommes.
Moderne parce que Croizat a toujours été proche de la base. Il construit, invente avec les gens. Son action au ministère est avant tout une action de terrain.
Moderne enfin et en cela identifiable aux luttes d’un syndicalisme moderne, parce qu’il a toujours allié dans son combat, une politique d’ idées transformatrices de la société comme la Sécurité sociale et la prise de mesures visant à satisfaire immédiatement les besoins des gens comme les majorations de salaires où la forte augmentation des prestations familiales.
I.C. : Les conquêtes du CNR sont très attaquées depuis quelques années. Que reste-t-il de ce qu’a fait Croizat ? Qu’est-ce qui a disparu depuis la parution de ton livre ?
M.E. : Des plans successifs vont peu à peu dénaturer « l’outil sécurité sociale » En continuité avec le patronat du 19ème, les directions d’entreprises, dès 1947, ne cesseront d’évoquer la lourdeur que font peser sur l’économie ce qu’elles nomment des «charges patronales ».Ces attaques seront sans commune mesure avec celles de 1967 sous De Gaulle qui portent atteinte aux principes fondateurs de la sécurité sociale. Des ordonnances cassent l’unicité de la sécurité sociale en créant des caisses contrôlées par l’Etat et dirigés par des directeurs non plus élus mais nommés par le pouvoir. Les mêmes ordonnances suppriment les élections et instaurent le paritarisme qui livre l’institution au patronat.
« Soixante-dix ans de déstructurations »
A partir des années 1970, poursuivant le minage de l’édifice, la régression sociale s’accélère. Les Plans Barre, Veil, entrainent un processus de déremboursements, de hausse des cotisations, de diminution des dépenses hospitalières. Il s’agit de poursuivre la fiscalisation des recettes, l’abaissement des cotisations des employeurs. Alors qu’en 1983 est instauré le forfait hospitalier, les décrets Dufoix, suivis immédiatement en 1986 du plan Seguin prolongent la casse. En 1990, Michel Rocard, en accord avec la CFDT, instaure la CSG. Dans le sillage du Plan Juppé de 1995 naît la « Contribution au Remboursement de la Dette Sociale » (CRDS). Elle est accompagnée d’une baisse des crédits, de suppression d’emplois et de lits d’hôpitaux. Encouragé par les tenants du libéralisme, ce projet de « refondation sociale » se précisera au fil des amputations jusqu’en 2013 : dépassements d’honoraires, attaques permanentes contre la cotisation sociale. S’ajouteront l’instauration des franchises, les déremboursements permanents, l’ANI qui accélère la privatisation. Les conseils d’administration sont dessaisis de leurs prérogatives. On verra se multiplier les exonérations de cotisations patronales estimées en 2007 à 25 milliards d’euros ! Soixante dix ans de déstructurations servent un objectif clair : livrer l’institution au secteur assurantiel, autrement dit « privatiser » l’outil.
I.C. : A ton avis, comment reprendre aujourd’hui le chemin du progrès social en France, dans l’esprit du CNR ?
M. E. : Reprendre le chemin du progrès social c’est, par la résistance, l’action quotidienne et constante à la base, retrouver un rapport de forces qui permette d’instaurer un nouveau CNR sur des bases qui correspondent à l’aspiration des gens. C’est-à-dire la dignité, la mise en « sécurité sociale » (au sens large) de tous comme l’a fait Croizat et le peuple de France en 1945.